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Les Cog des branches du régime général de sécurité sociale avec l’État fixent des objectifs de réduction de la fréquence et de la portée financière des erreurs qui affectent de manière définitive63 les prestations qu’elles versent. Dans le cadre de sa mission de certification des comptes du régime général, la Cour audite les estimations correspondantes, établies à partir de contrôles portant sur des échantillons de dossiers, et tient compte de leur degré de fiabilité et de leur niveau dans ses opinions sur les comptes64.

Si les caisses du régime général détectent des montants de plus en plus élevés au titre de fraudes, les indus définitivement non détectés au titre d’irrégularités, à caractère frauduleux ou non, augmentent encore plus rapidement, contrairement aux objectifs fixés par les Cog (voir annexe n° 6). La prise en compte de données déclaratives erronées pour attribuer et calculer les prestations engendre des préjudices croissants pour les finances publiques.

1 - Dans la branche famille, des montants croissants d’erreurs définitives liées aux données déclaratives prises en compte pour les prestations

Depuis 2015, l’enquête « paiement à bon droit et fraude » de la branche famille comporte une estimation du montant des erreurs, en faveur ou au détriment des allocataires, qui affectent les prestations versées sous l’effet d’erreurs déclaratives, de nature frauduleuse ou non, qui n’ont pas été détectées et corrigées par les Caf, par la constatation d’indus ou de rappels, au cours des 24 mois qui précèdent la prescription des indus non frauduleux. À cette échéance, les erreurs deviennent définitives.

Pour les prestations versées d’octobre 2017 à mars 2018, dernière référence connue, le montant définitif au bout de 24 mois des erreurs liées aux données déclarées par les allocataires et non corrigées peut être estimé à 3,3 Md€ en année pleine, soit 4,9 % du montant des

63 Faute d’avoir été prévenues ou détectées et corrigées par l’ensemble des dispositifs visant à assurer le paiement à bon droit des prestations : contrôles automatisés intégrés aux déclarations dématérialisées, contrôles intégrés aux systèmes d’information, contrôles sur pièces ou sur place sur les données déclarées par les bénéficiaires des prestations, supervisions internes aux services ordonnateurs et contrôles des agences comptables.

64 Sur ces questions, voir Cour des comptes, Certification des comptes du régime général de sécurité sociale pour l’exercice 2019, mai 2020, La Documentation française, disponible sur www.ccomptes.fr.

prestations en valeur centrale65. Ces erreurs définitivement non détectées correspondent pour l’essentiel (à 90 %) à des prestations indûment versées. Elles connaissent une hausse continue66, indépendamment du fait que le montant des indus détectés et qualifiés de frauduleux augmente.

La branche famille qualifie certes en tant que frauduleux une part croissante des indus qu’elle détecte. Mais elle ne détecte pas suffisamment d’indus, frauduleux ou non, au regard des erreurs, explicites ou liées à des abstentions ou à des omissions, intentionnelles ou non, qui affectent les déclarations des allocataires.

Dans la branche famille, une hausse des indus détectés, frauduleux ou non, qui n’empêche pas celle des pertes financières définitives liées à des irrégularités, frauduleuses ou non

Entre 2015 et 2019, le montant des indus détectés et qualifiés de frauduleux a été porté de 247,9 M€ à 323,7 M€ (+75,8 M€, soit +30,6 %). Pour sa part, le montant total des indus détectés par des contrôles sur pièces et sur place a posteriori est passé de 690,1 M€ à 782,3 M€ (+92,2 M€, soit +13,4 %). Dès lors, les indus détectés et qualifiés de frauduleux représentent une part croissante du montant total des indus détectés par ces contrôles (41,4 % en 2019 contre 35,9 % en 2015).

Mais l’augmentation globale du montant des indus détectés, qualifiés ou non de frauduleux, ne suffit pas à empêcher celle des indus, frauduleux ou non, qui ne seront jamais détectés passé 24 mois.

Entre 2015 et 2018, le montant estimé des indus (et accessoirement des rappels) ainsi définitivement perdus est passé de 2,3 Md€ à 3,3 Md€, soit 1,0 Md€ de plus. Pour empêcher cette évolution défavorable, il aurait fallu soit que les erreurs déclaratives aient été bloquées par des contrôles a priori beaucoup plus développés, soit qu’elles aient été beaucoup plus largement détectées a posteriori, par des contrôles sur pièces et sur place nettement plus nombreux.

2 - Dans l’assurance maladie, des montants sous-estimés d’erreurs définitives liées aux facturations de frais de santé et aux indemnités journalières

Selon l’estimation de la Cnam, 1 Md€ d’ erreurs67, soit 1,3 % du montant des prestations versées, ont affecté en 2019 les règlements des frais de santé facturés directement par les professionnels et les établissements de santé. Ces erreurs sont imputables aux données déclarées par ces derniers. Pour l’essentiel (à 90 %), elles correspondent à des excès de versement au détriment de l’assurance maladie.

Cette estimation ne couvre pas les séjours hospitaliers que rembourse l’assurance maladie aux établissements de santé publics et privés non lucratifs (« ex-DG »), sur le fondement d’arrêtés des ARS qui décalquent les déclarations d’activité qu’ils effectuent dans la base e-PMSI (40,6 Md€ en 2019).

Sur le champ partiel qui est le sien, l’estimation précitée n’appréhende pas les facturations d’actes, de prestations et de biens fictifs, qui correspondent à des fraudes, ni les surfacturations non directement visibles (absence de contrariété des cotations à la réglementation ou à une

65 Le taux effectif est compris, selon une probabilité de 95 %, entre 3,8 % et 5,9 % du montant des prestations.

66Pour les prestations versées d’octobre 2014 à mars 2015, l’estimation des indus (et rappels) définitivement non détectés atteignait 2,3 Md€, soit 3,4 % du montant des prestations ; entre octobre 2015 et mars 2016, 2,8 Md€ et 4,2 % ; entre octobre 2016 et mars 2017, 2,9 Md€ et 4,2 %.

67 L’incidence financière effective des erreurs est, selon une probabilité de 95 %, comprise entre 0,8 et 1,2 Md€.

prescription médicale), dont certaines sont intentionnelles et donc frauduleuses. Appréhender ces irrégularités exigerait en effet la mise en œuvre de contrôles beaucoup plus poussés sur l’échantillon de facturations retenu que ceux aujourd’hui effectués. Les facturations contraires aux refus d’entente préalable ou aux ententes préalables sous conditions accordées par le service médical ne sont pas non plus recherchées. De plus, les contrôles sur l’échantillon de dossiers ne détectent qu’une partie des erreurs qui devraient l’être.

À l’évidence, les pertes subies par l’assurance maladie du fait de facturations erronées, frauduleuses ou non, d’actes, de séjours, de prestations et de biens excèdent de loin l’estimation de la Cnam, que la composition et la taille réduite de l’échantillon (1 300 facturations contrôlées) affectent par ailleurs d’une forte volatilité68.

Par ailleurs, en 2019, 10 % des indemnités journalières nouvellement attribuées ont comporté une erreur financière et le montant agrégé de ces erreurs s’est établi à 0,4 Md€, majoritairement (à près de 60 %) au détriment de l’assurance maladie. Il s’agit là aussi d’une estimation minimale dont la taille réduite de l’échantillon (900 dossiers) favorise la volatilité69. Une part a priori minoritaire des erreurs est liée à la prise en compte de données déclaratives erronées, frauduleuses ou non. De surcroît, de multiples anomalies de portée financière, pour certaines liées à des abstentions des bénéficiaires à déclarer des changements de situation (comme la reprise anticipée du travail avant la date prévue par l’arrêt médical), affectent les indemnités versées. Elles occasionnent à l’assurance maladie des pertes supplémentaires, estimées par la Cnam, pour 2018, à 0,5 Md€ sur un champ incomplet70.

Malgré l’intérêt que présentent ces estimations pour apprécier la portée des irrégularités de tous ordres qui affectent les deux principaux enjeux financiers de l’assurance maladie, la Cnam a indiqué ne pas être disposée à élargir la taille des échantillons et à mieux structurer les contrôles dont ils font l’objet afin de fiabiliser les estimations des typologies d’irrégularités.

3 - Dans l’ensemble des branches, une absence d’analyse de l’origine frauduleuse ou non des erreurs définitives qui affectent les prestations

Pour sa part, la Cnav établit une mesure globalement fiable de la fréquence et du montant des erreurs de portée financière qui affectent les retraites nouvellement attribuées à partir d’un contrôle expert portant sur un large échantillon représentatif (près de 9 400 dossiers pour 2019).

Ces erreurs sont majoritairement au détriment des assurés (à 60 %). Pour l’essentiel, elles ont une origine interne aux caisses.

68 La valeur centrale statistique de cet indicateur est passée de 1 Md€ en 2016 à 1,9 Md€ en 2017, puis s’est repliée à 0,5 Md€ en 2018 avant de remonter à 1 Md€ en 2019.

69 Avant 2019, ces erreurs financières représentaient une part croissante des prestations versées (2,6 % des montants versés en 2015, 3 % en 2016, 3,1 % en 2017, 3,9 % en 2018). En 2019, cette part est revenue à 3 %.

70 Cour des comptes, « Les indemnités journalières : des dépenses croissantes pour le risque maladie, une nécessaire maîtrise des arrêts de travail », in Rapport sur l’application des lois de financement de la sécurité sociale, octobre 2019, chapitre III, p. 137-174, La Documentation française, disponible sur www.ccomptes.fr.

Néanmoins, la Cnav n’effectue pas de suivi particulier de la qualification des erreurs qui ont pour origine des données transmises par les assurés (par exemple au titre de bulletins de salaires produits lors des régularisations de carrières qui précèdent l’attribution de la retraite), alors qu’elles pourraient fournir des éléments d’appréciation sur certains types de fraude avérées ou suspectées.

S’agissant des erreurs détectées sur les échantillons précités de facturations de frais de santé et d’indemnités journalières (voir 2- supra), la Cnam ne procède pas non plus à une analyse de ce type.

La Cnaf estime le montant des fraudes aux prestations, détectées ou non, ainsi que le montant des erreurs définitives qui affectent les prestations du fait de données déclaratives erronées et non corrigées. En revanche, elle n’estime pas la part de ces erreurs définitives qui correspond à des fraudes. De ce fait, l’efficacité de la politique de contrôle mise en œuvre par la branche famille, prise dans l’ensemble de ses éléments, pour réduire le risque de fraude ne peut être pleinement appréciée.

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