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ENGAGEMENT ET RAISONNEMENT

6. METHODOLOGIE DE L’INTEGRATION

Nous avons jusqu’ici considéré les moyens d’intégrer l’outil multimédia dans les formations en l’adaptant aux besoins de l’institution et des apprenants. Ainsi, un projet d’utilisation de l’ordinateur dans une formation en langues se divise en deux grandes phases :

La préparation du projet nécessite de manière impérieuse la constitution d’un projet pédagogique cohérent, qui repose sur une vision linguistique et pédagogique claire, ainsi que sur la définition précise de la place réservée à la technologie au sein d’une formation qui ne se limite pas nécessairement au seul support multimédia. Une réelle réflexion peut déboucher sur une réorganisation des enseignements tels qu’ils existaient antérieurement. En tout état de cause, la composante technologique de ce projet devra être parfaitement comprise et acceptée par l’ensemble des acteurs pédagogiques, y compris ceux qui ne recourent pas directement à la machine pour leurs enseignements.

Cet aspect humain constitue peut-être, à l’heure actuelle tout du moins, une difficulté majeure, car tous les enseignants de langue sont loin de voir en la technologie une solution à leurs problèmes. Parfois perçue comme une frilosité vis-à-vis de l’innovation qu’elle représente, il s’agit plutôt d’une crainte compréhensible devant un outil à l’utilisation et à l’intérêt duquel ils n’ont pas été formés, de la peur de la panne, d’une réticence devant les investissements personnels initiaux : maîtrise du clavier, du système logiciel, des processus de développement de matériaux pédagogiques multimédias.

Si l’on peut considérer que cet état de fait n’est que transitoire, les réponses sont d’ordre divers :

• L’imposition du multimédia dans un enseignement est, en tout état de cause, à rejeter impérieusement, quelle qu’en soit l’origine (institution, direction, collègues…). Contrainte et efficacité vont rarement de pair.

• Une première ébauche de réponse pourrait être l’exemple fourni par des expériences initiales à caractère limité, dont l’intérêt pédagogique attirera l’attention des apprenants, des autres collègues et des responsables. Une expérience concluante présente de fortes chances de déboucher sur une intégration progressive au sein d’un nombre croissant d’enseignements.

• La coopération et la confrontation entre des « générations »148 différentes permettront de dédramatiser, de démythifier un ordinateur qui souffre encore beaucoup du « syndrome Michel Chevalet149 » : la présentation théâtrale d’un

148Nous n’entendons pas ici les classes d’âge mais l’approche psychologique de la technologie.

149 Du nom de ce présentateur d’une chaine de télévision, spécialisé dans la vulgarisation des sciences et

mode technologique censé apporter un remède magique aux maux de notre société.

• Cette démythification se verra renforcer par la mise à disposition des enseignants (dans la salle des enseignants, par exemple) d’un ordinateur dont la seule présence constitue une tentation d’utilisation. Les expériences menées en ce sens semblent concluantes150.

• Enfin, la solution réside surtout dans une formation des enseignants appropriée. Une telle formation fera clairement ressortir le fait que l’outil multimédia démultiplie les capacités du didacticien et lui assure un retour immédiat de son travail, grâce, par exemple, aux fonctions de suivi des systèmes pédagogiques modernes.

Les recherches budgétaires (recherche des financements, demandes de postes d’enseignants, tuteurs et personnels techniques…) apparaissent, à l’expérience, comme une fonction directe de la cohérence et de la qualité du projet pédagogique global dans ses aspects didactiques, matériels et humains. La demande de financement sera d’autant plus convaincante qu’elle s’appuiera sur une présentation de la technologie comme un moyen raisonné et accepté d’atteindre un objectif identifiable et non comme un préalable au projet.

La mise en place du projet pédagogique implique, en un premier temps, des décisions d’équipement matériel et logiciel : il est bon à ce stade de prévoir une approche intégrative de l’ordinateur alliant l’utilisation de didacticiels (du commerce ou créés sur place) à des accès à Internet en nombre suffisant (pour enseignants et apprenants : recherche de documents authentiques, pratique de la communication). Ceci entraîne la conception de salles de travail à l’ergonomie étudiée151.

Une telle organisation débouche sur une structure duale : centre de création pédagogique regroupant tous les outils d’accès aux sources documentaires, de numérisation de ces sources, de fabrication des matériaux pédagogiques, d’une part, centre de ressources offrant aux apprenants un accès diversifié (présentiel ou libre accès) aux outils, matériaux et ressources multi-supports requis pour le projet pédagogique.

Pour un fonctionnement optimal de cette structure, il convient de prévoir également l’encadrement technique et pédagogique approprié : assistance de techniciens pour la numérisation des documents textuels, vidéos ou sonores, maintenance matérielle et logicielle, tutorat pédagogique. Seront aussi prévus dans les

150 Cette initiation progressive sera logiquement suivie d’un projet d’équipement plus global au niveau de

l’établissement.

budgets de fonctionnement les temps de conception et de développement des matériaux multimédias par les enseignants.

Un autre point technique mérite d’être souligné : le développement du support numérique au détriment de l’analogie crée une situation nouvelle dont la portée est loin d’être négligeable : nos références habituelles à des supports différents (papier, support magnétique audio ou vidéo, diapositives) deviennent obsolètes du fait du passage de l’ensemble de ces données sous le seul format numérique. Il existe un saut qualitatif entre l’audiovisuel et l’informatique qui pose le problème de la compétence des techniciens, formés jusqu’à présent à l’une ou l’autre de ces disciplines.

Il en résulte, dans la majorité des institutions, une inadaptation des équipements existants aux nouveaux besoins générés par le multimédia pédagogique, en particulier, et une difficulté des personnels techniques à répondre aux attentes des enseignants. La formation technique de ces personnels devrait donc intégrer cette nouvelle dimension requise par le multimédia. Trop souvent, les enseignants eux-mêmes sont encore impliqués plus que de raison dans des choix techniques qu’ils ne sauraient totalement maîtriser.

L’engouement, parfois soudain et excessif, pour les nouvelles technologies doit être menacé par la combinaison d’approches théoriques imaginatives, voire utopiques, et d’un travail de terrain réaliste. Ces lignes tentent de participer à une telle démarche et d’initier des pistes originales d’expérimentation pour lesquelles de nouvelles coopérations seront nécessaires. Ces pistes incluent, entre autres, la validation des hypothèses formulées à propos de la combinaison de différents modes d’utilisation des technologies, du rôle de l’enseignant au sein de cette nouvelle relation pédagogique, des modifications rendues nécessaires en matière de formation des personnels concernés, ainsi que de la définition d’une politique d’investissement locale et nationale prenant en compte les réflexions issues de ces recherches.