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ENGAGEMENT ET RAISONNEMENT

5. PLACE DES TIC : Outil multimédia 1 Définitions

5.4 Qu’est-ce qui va changer ?

6.2.2 Enseigner et apprendre

Pour Not215, l’enseignement et apprentissage sont intimement liés. Pourtant, les matériaux pédagogiques seront totalement distincts selon qu’on leur attribuera une fonction ou l’autre. Quelle différence essentielle garder à l’esprit ?

« Enseigner veut d’abord dire indiquer, montrer. En un second sens, le terme signifie « expliquer […] une science, un art, de façon à les faire apprendre ». Il prend ensuite le sens d’instruire, c’est-à-dire de former le savoir de quelqu’un, soit par des leçons destinées à transmettre des connaissances, soit en les lui inculquant, c’est-à-dire en les faisant pénétrer, en les gravant dans son esprit […] »

213 Krashen S., Language Acquisition and Language Education, New York, Prentice Hall ; 1985, p. 53.

214 Not L., Enseigner et Faire Apprendre – Elements de psychodidactique générale, Toulouse, Privat, nouvelle édition 1991, p. 9.

« Apprendre a deux sens. L’un est objectif : apprendre à un autre ; à quelques nuances près, il est alors synonyme d’enseigner. L’autre est subjectif : apprendre pour soi ; c’est appréhender, saisir, maîtriser la connaissance, soit par un travail qui peut être intellectuel ou physique, soit par l’expérience ».

Un outil d’enseignement sera donc plutôt un ensemble de leçons visant la transmission des connaissances : on parlera de tutoriels. A l’inverse, un outil d’apprentissage aura pour fonction essentielle d’initier un travail, une expérience, de la part d’un apprenant impliqué dans un processus de découverte et de réflexion : on utilisera alors le terme plus générique de didacticiel.

L’expérience mène naturellement à une perspective médiane, proche de celle décrite par L. Not :

« Dans une perspective qui considère la connaissance comme le produit de l’activité de l’élève, l’analyse doit prioritairement porter sur celle-ci, celle du maître se définissant dans un rapport dialectique à celle de l’élève. C’est un renversement de la perspective classique qui considérait l’acte d’enseigner comme fondamental et traitait l’acte d’apprendre comme une conséquence naturelle de l’acte d’enseigner, ce qui amenait à se centrer sur les activités magistrales, laissant à l’élève le soin de s’adapter à celles du maître. Au lieu de viser l’adaptation de l’élève à l’activité magistrale, ce que l’on recherche ici, c’est l’adaptation de l’activité magistrale à celle de l’élève ».216

Bien évidemment, cette attitude pose au concepteur et utilisateur d’outils multimédias un problème majeur, celui de « l’adaptation de l’activité de l’ordinateur à celle de l’élève »… Ce qui importe est donc de définir plus avant l’activité de l’apprenant en nous penchant sur les sciences de l’apprentissage, pour en résumer les principaux acquis.

6.2.3 « Questionner l’acte d’apprendre »

Cette expression d’Hélène Trocmé-Fabre217 illustre parfaitement ce que devrait être l’attitude de l’enseignant, au moment où il se prépare à introduire l’outil multimédia dans son enseignement. Le repérage des principes clés de l’apprentissage d’une langue étrangère est l’une des premières étapes.

216 Ibid. 1991, p. 30

« Le danger de la quête d’une « vraie » description de l’apprentissage d’une langue est le réductionnisme et, au bout du compte, le dogmatisme […]. Le danger inverse est la confusion, le mysticisme et le chaos ».218

Il n’est pas, à l’heure actuelle, de théorie qui rende compte de cet apprentissage de manière indiscutable. Fondé sur le fonctionnement du cerveau humain, pour lequel de nombreuses zones d’ombre subsistent219, l’apprentissage est un champ encore méconnu, même s’il est possible de distinguer certaines constantes, d’une théorie à l’autre. De toute évidence, un certain éclectisme est de mise, et il est bon de mettre en regard l’une de l’autre les diverses approches, d’une part, les observations sur le terrain, d’autre part.

Sur le plan des théories, une première distinction s’effectue entre des théories globales, cherchant à expliquer l’ensemble des processus d’apprentissage220 et des théories plus ponctuelles relatives à des aspects plus particuliers de l’acquisition (théorie de l’interlangue, par exemple). Une autre distinction pourrait s’effectuer en fonction du poids relatif accordé aux facteurs externes (l’input) et internes (aspects linguistiques et cognitifs). L’évolution générale semble avoir été l’abandon de la rigueur béhavioriste vers l’ouverture sur l’apprenant apportée par le cognitivisme. Les ouvrages de B. McLaughlin221 et de J.-P. Narcy222 apportent sur ce domaine de très précieuses contributions.

Le cognitivisme fonde la plupart des modèles actuellement acceptés. Il correspond à des systèmes « où l’apprenant est conduit à réfléchir sur ce qu’il apprend et la façon dont il apprend »223. L’apprentissage d’une langue étrangère revient à l’apprentissage de savoir-faire, au développement de capacités opératoires spécifiques.

« L’apprentissage est un processus cognitif car il est supposé reposer sur des représentations internes qui régulent et guident la production. Dans le cas de l’acquisition d’une langue, ces représentations se fondent sur le système linguistique et incluent des procédures de choix du vocabulaire approprié, des règles grammaticales ainsi que des conventions pragmatiques gouvernant l’utilisation de la langue. Au fil de l’amélioration

218 Bumfit C., Linguistic specifications for fluency work : how meaningful a question ?, in Richterich R. et Widdowson H.G. (éds), Description, Présentation et Enseignement des Langues, 1981, p. 47.

219 Les ouvrages d’Hélène Trocmé-Fabre, en particulier, tentent de dégager un modèle de fonctionnement du cerveau humain en relation avec l’apprentissage.

220 Le béhaviorisme ou « l’Approche Naturelle » de S. Krashen, par exemple.

221 McLaughlin B., Theories of Second-Language Learning, London, Edward Arnold, 1987.

222 Narcy J.-P., Apprendre une Langue Etrangère – didactique des langues, le cas de l’anglais, Paris, Les Editions d’Organisation, 1990.

de la production, on trouve un processus de restructuration permanente en même temps que l’apprenant simplifie, unifie et maîtrise de mieux en mieux leurs représentations internes […]. Ces deux notions – automatisation et restructuration – sont essentielles pour le cognitivisme ».224

L’apprenant doit développer des stratégies pour traiter les données linguistiques auxquelles il est confronté. Cette capacité de traitement doit être activée par un input approprié.

L’apprentissage à proprement parler est une affaire de transfert des données vers la mémoire à long terme, selon des phases ou des stratégies différentes (les analyses varient sur ce point).

La notion de restructuration permet d’expliquer les discontinuités observées dans les processus d’acquisition : des pauses, voire des retours en arrière, peuvent être causés par une restructuration complète du système, imputable à une information nouvelle.

De la même manière cette notion fonde la nécessité de prévoir des pauses structurantes permettant à l’apprenant de procéder à la révision de ses représentations internes lors d’apports significatifs d’informations nouvelles. Il s’agit d’un élément essentiel de la dynamique pédagogique multimédia :

« [La compréhension des stimuli] s’effectue sur la base d’une sélection d’éléments, mais cette compréhension ne coïncide pas forcément avec le temps physique, il existe un temps d’intégration, un « temps de restructuration », un temps psychologique où le cerveau puise dans les connaissances antérieures, dans le contexte, dans le courant de pensée, dans des contenus plus vastes, les éléments qui vont lui permettre de comprendre et d’intégrer les nouveaux stimuli ».225

Ces pauses pourront être le fait de l’enseignant ou du rédacteur de matériaux multimédias (préparation/organisation des activités d’apprentissage) ou celui des apprenants eux-mêmes, qui devront progressivement prendre conscience – avant de les mettre eux-mêmes en œuvre – des stratégies d’apprentissage les mieux adaptées.

On distinguera ainsi deux types de connaissance dont l’interaction favorisera le processus d’acquisition :

- La connaissance déclarative (ce que sait l’apprenant) ;

224 McLaughlin B., Theories of Second-Language Learning, London, Edward Arnold, 1987, p. 134.

225 Cortes J., Une Introduction à la Recherche en Didactique des Langues, Paris, Didier, Crédif, 1987, p. 43.

- La connaissance procédurale (la capacité à mettre en œuvre des stratégies cognitives).

Plutôt que d’insister sur des processus linguistiques prédéterminés, le cognitivisme place l’accent sur les processus cognitifs à l’œuvre dans l’internalisation des connaissances procédurales, qui expliquent la manière dont les apprenants accumulent et intègrent des règles et dont ils restructurent leurs représentations internes pour qu’elles correspondent à la langue cible. L’acquisition de capacités cognitives est perçue comme le résultat de l’intégration de routines ou d’unités d’activité. [McLaughlin 1987 : 149]226

L’intégration de ces routines résulte de la pratique et de la répétition. Les techniques de renforcement chères au béhaviorisme se voient ici justifiées, non dans un but d’acquisition de simples réflexes, toutefois, mais dans celui de développer les mécanismes cognitifs internes de l’apprenant. Ce renforcement n’implique pas nécessairement la répétition monotone d’un même exercice : une même capacité opératoire peut être développée au travers d’activités variées, sans que l’apprenant soit obligatoirement conscient de ce renforcement.

6.2.4 Théories de l’apprentissage des langues : points de convergence E. Brodin et J.-P. Narcy227 ont recensé dix points de convergence concernant l’acquisition d’une langue étrangère, que je résumerai de la manière suivante :

- Il existe deux types de connaissance, dont les appellations varient d’un auteur à l’autre, qu’il est possible de regrouper sous les vocables généraux de « savoirs » et « savoir-faire ».

- Il existe deux grandes classes d’opérations mentales se rapportant à la conceptualisation et à la formulation (codage/décodage).

- Parmi les processus mentaux (ou capacités opératoires) qui jouent un rôle clé, citons la prise en compte du contexte, l’anticipation, la conception des énoncés.

226 McLaughlin B., Theories of Second-Language Learning, London, Edward Arnold, 1987, p. 149.

227 Brodin E. et Narcy J.-P., Comment choisir les nouvelles technologies en fonction des théories de la

didactique des langues, in Ciampiolo et Al. (éds), Langue de Spécialité/ Langue pour le spécialiste : du linguistique au didactique, Actes du XIIe Colloque du GERAS et de l’Atelier Langue de Spécialité du