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ENGAGEMENT ET RAISONNEMENT

2. LES ENJEUX PEDAGOGIQUES

La création, puis la mise en œuvre, des ressources interactives, ont l’immense mérite de placer l’apprenant au cœur de l’environnement de formation. Les TIC instrumentalisent et opérationnalisent en quelque sorte, tant les théories de

98« Les enjeux pédagogiques » chapitre 1 dans Guide Multimédia de la Formation : la typologie des produits et

des dispositifs p. 36, Paris, Retz, 1999.

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l’apprentissage que les méthodes pédagogiques. La conception d’une ressource suppose l’explicitation des modèles d’apprentissage, des intentions pédagogiques ainsi qu’une segmentation pertinente des contenus. L’utilisation de ces ressources suppose de maîtriser les composantes des situations pédagogiques, qui vont combiner, plus ou moins harmonieusement, les deux grandes variables : la situation individuelle et / ou collective et social de l’apprentissage, le caractère présentiel ou distant de la formation.

La réduction du temps de face-à-face pédagogique comme transmetteur du savoir, induite par ses nouvelles technologies, invite le formateur à se décentrer, à changer de rôle : en amont, dans la sphère de l’ingénierie pédagogique, en aval, dans celle de l’accompagnement des apprentissages.100

2.1 L’interactivité

L’interactivité est la capacité de réaction de l’ordinateur (et de ses logiciels) aux actions de l’usager, sa capacité de rétroaction ou feed-back. Cette relation homme / machine101 va s’articuler entre l’objet et l’action. Sur un écran d’ordinateur, l’objet est le plus souvent représenter par une icône102 ; le clic de la souris ou l’activation d’une touche du clavier constituent l’action. Le programme de l’ordinateur se limitera à ce que sa programmation lui permettra d’interpréter de l’action et de répondre par une action correspondante.

Cependant, une définition aussi simple, voire simpliste, ne rend pas compte du potentiel que cette interactivité rend possible dans le champ de l’apprentissage. En effet, tel le langage (un ensemble fini de règles permettant générer un nombre infini d’énoncés), cette interactivité ouvre un espace de formation virtuel où l’apprenant va acquérir, construire des savoirs grâce aux fonctions combinatoire et aléatoire de l’ordinateur. Il manque également à la définition qui précède la dimension intentionnelle qui rend compte, d’une part, de l’intention du concepteur, de l’auteur et, d’autre part, de la tension, de la motivation de l’utilisateur dans l’espace interactif103.

2.2 L’interactivité comme théâtre de l’apprentissage

La notion même d’échange qu’implique cette interactivité pourrait choquer certains. Elle mérite, en effet, d’être approfondie : la notion d’échange suppose une réciprocité, elle-même sous-tendue par un statut « humain » ou, tout au moins, de

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Paugam B., Guide du Multimédia en formation, p. 337, Paris, Retz, 1999

101Montmollin M., Les systèmes hommes-machines, introduction à l’ergonomie, Paris, P.U.F, 1967

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Schéma ou image symbolique de petite taille représenté à l’écran, qui indique une fonctionnalité. L’utilisateur active l’icône à l’aide d’une souris, d’un clavier ou un écran tactile…

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même nature entre les protagonistes de l’interaction. Nous considérons ici que la partie « machinique » est en fait humaine et intentionnelle, car c’est bien un auteur – ou une équipe – qui a conçu cet espace virtuel dans lequel l’apprenant va circuler plus ou moins à sa guise. En dernière instance, cet échange est proche du rapport qu’entretient un lecteur avec l’auteur d’un roman : le lecteur, plongé dans un espace romanesque, s’identifie avec les personnages, analyse des situations, ressent des émotions…Toutefois, la rupture avec les médias traditionnels (livre, télévision) se situe au niveau de la linéarité du discours ; l’irruption des hypermédias permet de « zapper », de naviguer dans l’information sur un mode proche des « associations d’idées) chères aux surréalistes (le jeu du « cadavre exquis ») et aux psychanalystes. Cette querelle des anciens et des modernes n’est en fait qu’une reformulation dans le champ pédagogique des polémiques que chaque nouveau média introduit (peinture/photographie, théâtre/cinéma/télévision, etc.).

Si l’on ajoute la dimension multimédia, sonore, visuelle et spatiale de l’écran (deux et maintenant trois dimensions), qui reconstitue une sorte de matérialisation de l’imaginaire, c’est certainement du côté théâtre104, dont l’apprenant deviendrait, non plus le spectateur, mais également un des acteurs, que pourrait le plus se rapprocher ces espaces interactifs.

Dans le champ pédagogique, la pièce de théâtre a une finalité d’apprentissage : le formateur doit alors renoncer au rôle d’acteur principal (qu’il perd lorsqu’il devient physiquement absent) et qui restera virtuellement présent par l’intermédiaire de l’espace d’apprentissage qu’il va proposer aux apprenants qui utiliseront ces nouvelles ressources interactives. On assistera alors à un double processus :

2.2.1 Dissociation de l’unité de temps, de lieu et d’action

C’est l’éclatement des temps et des lieux de l’apprentissage. Grâce aux possibilités techniques, on peut rompre, dissocier la contrainte de l’unité temporelle et spatiale de l’acte d’apprendre pour la recomposer par la suite. Avec le travail asynchrone que permet l’apprentissage individuel (progression à son propre rythme, dans un créneau horaire choisi et non pas imposé par le planning collectif), l’apprenant étudie seul, dans des lieux divers (centre de formation, lieu de travail, domicile…), que permettent la ressource individualisée et les dispositifs de diffusion à distance. De même, l’enseignant n’est plus physiquement présent au moment de l’apprentissage, il n’est que virtuellement présent en tant que metteur en scène de l’environnement d’apprentissage qu’il a conçu ou adapté. Il sera également présent physiquement et / ou à distance dans on nouveau rôle en aval du processus d’apprentissage, d’accompagnement, de tutorat individualisé. Certains vont peut-être s’offusquer de cette « solitude », mais qui s’étonne du travail solitaire de l’apprenant dans une bibliothèque.

2.2.2 Recomposition dans un espace virtuel

Dans le cadre des usages des TIC, la situation d’apprentissage suppose une unité toujours nécessaire de temps, d’espace et d’action, mais dans un espace virtuel recomposé et libéré de certaines des contraintes du temps et du lieu institués. Cette dissociation, puis recomposition, ne fait que reproduire dans un espace d’hypermédia/multimédia la rupture déjà introduite par le livre.105

Pour tenter de faire un sort aux critiques faites sur le laxisme106 qu’impliquerait la mise en œuvre de ces techniques, il faut convenir et rappeler que l’effort, l’ascèse, dont parlait Jean-François Lyotard quand il s’agit d’apprendre, ne se dissout en aucun cas dans le chant des sirènes du ludo-pédagogique, où apprendre rime toujours avec plaisir et satisfaction immédiate. Les espaces interactifs d’apprentissage sont exigeants. La rigueur des actions, des réponses attendues par les auteurs (que l’on retrouve également dans certains jeux d’aventure), dans ces espaces virtuels, est extrême, elle suppose de la concentration, de la recherche d’information puis de la résolution de problèmes, de l’entraînement intellectuel, de la logique.

Il faudrait, en revanche, se pencher sur la distinction centrale entre recherche d’informations, que le Web, par exemple, rend d’une aisance déconcertante (l’apprentissage instrumental et fonctionnel des outils de recherches est à la portée des jeunes enfants), et la capacité d’interprétation des informations obtenues, l’enseignant reprend alors son rôle essentiel pour expliquer, illustrer, commenter, donner du sens à ces informations, dont l’inflation accentue encore la nécessité de se repérer.

Par ailleurs, le rôle des médias comme le son et l’image, n’est pas à négliger dans la formation de l’homme du XXIe siècle. Il est tout de même plus instructif de consulter une encyclopédie multimédia qui permet d’entendre le son d’une khora (instrument à corde de l’Afrique de l’Ouest) que de se contenter d’une explication uniquement textuelle de son étymologie. De même, lorsqu’on consulte un livre d’histoire sur la conquête spatiale, le dialogue entre Armstrong, l’astronaute, et Kennedy, le président, disponible dans les nouvelles encyclopédies numériques, est plus saisissant que la simple note textuelle. Il en va de même pour l’iconographie visuelle en astronomie107, en physique et dans de nombreux champs du savoir expérimental. Seymour Papert illustre également ce point de vue lorsqu’il relate la question d’un enfant : « comment dorment les girafes ? »108. La réponse sous forme d’un documentaire animalier l’emporte largement sur la meilleure des encyclopédies textuelles.

105Serres M., Tous les savoirs du monde, p. 9, Paris 1997 106Finkielkraut A., L’ingratitude, Paris, Gallimard, 1999.

107 Voir le site Web de MIT (Massachschet Instute of Technologie) et sa partie consacrée à l’enseignement des

sciences : center for advenced educationnal services

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