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CHAPITRE 2 La variabilité des effets du soutien social

2. La mesure du soutien social : la prédominance du souci d'opérationnalisation

2. La mesure du soutien social : la prédominance du souci

d'opérationnalisation

Il existe aujourd'hui près d'une quarantaine d'échelles pour évaluer le soutien social. Pour O'Reilly qui, dans un article de 1998, passe en revue 33 de ces instruments, "quelque chose qui mesure tout finit par ne rien mesurer" (O'Reilly, 1988, p. 869). A la même date, Vaux (1988, 1992) exprime aussi ses inquiétudes quant aux propriétés psychométriques des mesures du soutien social : la pléthore d'échelles rend ardue la réalisation d'une synthèse des travaux, compromettant un effort de validation soutenu.

Aussi, pour autant qu'il existe de nombreux instruments de mesure du soutien social, aucun d’entre eux ne fait plus particulièrement autorité au sein de la communauté scientifique. Certains explorent le réseau social, d'autres les sources et les types de soutien, d'autres le soutien social perçu avec parfois un chevauchement entre ces divers aspects. Nous en présenterons ici quelques exemples parmi les plus utilisés, référés aux trois dimensions du soutien exposées au paragraphe précédent.

Ici aussi, l'objectif n'est pas de réaliser une revue exhaustive mais de fournir au lecteur des repères méthodologiques utiles à la lecture de la troisième partie de ce chapitre, centrée sur les recherches relatives aux effets du soutien social.

2.1. La mesure de l'intégration sociale et des caractéristiques du réseau de soutien

Selon Barrera (1986), deux approches existent pour mesurer les ressources du réseau (ou l'intégration sociale, pour utiliser l'expression de cet auteur).

Une première approche consiste à utiliser des indicateurs de la présence de liens sociaux tels que le statut marital, la présence de fratrie plus âgée, la participation à des organisations de la communauté. Ces indicateurs sont utilisés avec l'hypothèse que les liens sociaux disponibles peuvent fournir du soutien lors de crises.

Une deuxième approche consiste à analyser les propriétés structurales du réseau, telles que l'accessibilité du réseau, sa densité (proportion des liens existants par rapport aux liens possibles) ou la "multiplexité" du réseau (une relation donnée est multiplexe si elle sert à plusieurs sortes d'échanges à la fois)" (Almudever, 1998, p. 124-125). Tel est l'objectif, par exemple, de la SNS (Social Network Scale) de Stokes (1983), questionnaire visant à mesurer le nombre de relations globales et privilégiées ainsi que le nombre de personnes interconnectées.

Nous l'avons vu, une critique faite à l'endroit des instruments qui mesurent les ressources du réseau est liée au fait que d'une part, ceux-ci ne permettent pas de démontrer comment ces ressources apportent du soutien social et influencent l'état de la personne (Barrera, 1986) et que d'autre part, on ne peut prétendre que les relations identifiées par une analyse de réseau soient automatiquement des relations de soutien (Wellman, 1981).

2.2. La mesure du soutien social reçu et des comportements de soutien

Des outils ont été conçus qui ne se limitent pas à une quantification des liens sociaux, mais offrent également la possibilité d'appréhender le contenu de ces liens.

Le Social Support Resources Scale (SS-R) élaboré en 1982 par Vaux est l'un des instruments les plus utilisés afin de mesurer les ressources du réseau de soutien. Le répondant est en effet invité à dresser une liste de 10 personnes qui lui apportent de l'aide selon cinq types de soutien (soutien émotionnel, assistance pratique, assistance financière, socialisation et conseils / avis). Cette liste permet l'identification d'une cinquantaine de personnes au maximum. Chaque type de soutien est décrit et des questions spécifiques sont posées pour faciliter le rappel. On obtient ainsi un score qui reflète l'ampleur totale du réseau et cinq scores spécifiques en fonction du type. Le répondant complète alors les items élaborés pour évaluer divers aspects de la relation, tels que la fréquence des interactions, la proximité, la réciprocité de la relation, la nature de la relation (conjoint, amis, etc.), les caractéristiques environnementales (classe d'école, voisin) et le nombre de membres du réseau que chaque membre connaît (la densité).

Plus spécifiquement, la Social Support Behaviors Scale (SS-B) de Vaux (1992) a été conçue dans le but de mesurer cinq types de comportements de soutien, soit le soutien émotionnel, l'assistance pratique, l'assistance financière, la socialisation et les conseils / avis. Le SS-B comporte 45 énoncés qui décrivent des comportements de soutien (ex.: " Aller voir un film ",

" Prêter de l'argent ") provenant de deux sources : la famille et les amis. Le répondant doit alors indiquer sur une échelle de cinq intervalles le degré de réalisation, par un membre de la famille ou par les amis, du comportement de soutien décrit dans l'énoncé.

De la même manière, l’ISSB (Inventory of Socially Supportive Behavior) construit par Barrera, Sandler et Ramsey (1981) mesure les comportements d'autrui divers qui procurent du soutien à un individu. L'instrument comporte 40 énoncés pour lesquels le répondant doit indiquer, à l'aide d'une échelle d'intervalle à cinq points allant de " pas du tout " à " environ tous les jours " la fréquence du comportement décrit dans l'énoncé, au cours des quatre dernières semaines. Par exemple, le répondant doit indiquer, pour les quatre dernières semaines, " le nombre de fois où une personne lui a démontré qu'il faisait quelque chose de bien " ou encore " le nombre de fois où une personne lui a assuré un moyen de transport ". Remarquons, avec Bruchon-Schweitzer (2002) que les outils permettant de mesurer le soutien reçu sont la plupart du temps des questionnaires dans lesquels le soutien reçu est auto évalué par le répondant et, par là même, peut se révéler différent du soutien qui lui réellement dispensé. Pierce et al. (1997) ont aussi observé de très faibles corrélations entre la perception du soutien et l'aide objectivement reçue. Lorsque des évaluations sont réalisées à la fois sur le donneur et le receveur de soutien, par des méthodes d’observation et de questionnaire, le degré d’accord entre les deux protagonistes est seulement de l’ordre de 50 à 60% (Rascle, 1994). La mesure de la seule variable "soutien reçu" ne s'est donc pas forcément avérée très fidèle ou très valide. Certaines recherches montrent que le simple fait de percevoir que l'aide sera éventuellement présente en cas de besoin est fortement lié au bien être individuel et ce, indépendamment de la réception concrète d'aide (Gottlieb, 1994 ; Pierce, Baldwin et Lydon, 1997). D'où l'importance accordée, dans la plupart des recherches, au soutien perçu.

2.3. La mesure du soutien social perçu

Le SSQ de Sarason, Levine, Basham et Sarason (1983) reste à l'heure actuelle l'instrument de mesure du soutien social perçu le plus connu et certainement, le plus utilisé. Il existe en plusieurs versions dont une version longue à 27 items et une version courte à 6 items (SSQ6). Il permet un accès simple aux informations, en interrogeant le récepteur sur le nombre de personnes qui peuvent l’aider en fonction de différentes situations. Le questionnaire permet également d’évaluer le degré de satisfaction de l’individu vis-à-vis du soutien identifié en fonction de ces différentes situations. Les diverses études menées par ses

auteurs attestent de l’excellente validité de construit du SSQ. La fidélité test-retest du SSQ est très satisfaisante et de nombreuses études en psychologie sociale ont établi le soutien social perçu comme étant la dimension la plus prédictive dans l'étude de la relation entre soutien social et stress (cf. Ruillier, 2010).

L'échelle du soutien perçu ISEL (Interpersonal Support Evaluation List) a été développée par Cohen et Wills (1985) dans le but de tester l’effet modérateur du soutien social en ce qui concerne les effets du stress. Cette échelle mesure la disponibilité perçue du soutien dans quatre domaines (matériel, estime, affiliation, discussion). Enfin, le Questionnaire de Soutien Social Perçu (QSSP) de Bruchon-Schweitzer et Quintard (2001) permet de savoir pour chacun des quatre types de soutien identifiés par House (1981), combien de personnes le dispensent, qui sont ces personnes (famille, amis, collègues, spécialistes), et si le sujet en est satisfait.

La variété des outils et des niveaux de mesure du soutien social que nous avons voulu illustrer ici, est essentielle à prendre en compte dans l'examen, auquel nous allons procéder à présent, des recherches relatives aux effets du soutien social.