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CHAPITRE 7 Dynamique groupale et conduites d'appropriation collective du GAST 2

3. Conduites d’appropriation collective du GAST2

De la même façon que nous l’avons fait pour le GAST1, nous caractérisons ici l’appropriation collective du soutien proposé dans le GAST sur les trois dimensions relatives à la transformation du dispositif, la redéfinition collective des objectifs et la construction d’un imaginaire groupal.

3.1. La transformation du dispositif

S'il est une caractéristique saillante de ce second groupe d'analyse des situations de travail, qui contraste clairement avec le premier, c'est l’adhésion de ses membres aux objectifs et à la démarche de recherche proposés. L’attrait pour cette dimension « recherche » et pour le dispositif de recherche-action a constitué l’un des ciments du groupe.

Aussi, cela s’est-il traduit par, sinon une conformité au fonctionnement proposé, du moins une « confiance » dans la conduite d’un travail bénéficiant d’un a priori positif. Faut-il pour autant en conclure que les participants n’ont pas apposé leur marque à ce dispositif ?

Certainement pas, car s’ils n’ont ni « détourné », ni « contesté » le dispositif – comme l’a fait le GAST1 – s’ils ont joué le jeu de l’analyse multi-niveaux, ils ont néanmoins privilégié dans cette analyse la dimension sociétale et, nous l’avons vu, l’analyse a pu devenir « débat » entre options idéologiques.

Partant, centrés sur ces analyses de fond, le groupe ne s’est pas saisi de l’espace de réflexion prévu dans le dispositif pour l’élaboration de pistes de prévention : face aux ressorts sociétaux de la souffrance au travail, la prévention apparaît illusoire…et le groupe clôt rapidement ses échanges à ce propos pour se recentrer sur son diagnostic : s’attelant à identifier les nombreuses failles du système économique et à repérer les transformations de la valeur travail, il s’agit de dénoncer « l’oubli de l’être humain », le cynisme des managers, de déplorer cet individualisme omniprésent dans les relations sociales, « véritable poison » de

notre civilisation. Il s’agit en fin de compte de renverser le diagnostic : ce n’est pas nous qui sommes malades : « les malades, ce sont eux ».

Au bilan, il y a moins en transformation du dispositif que sélection, dans ce dispositif, de dimensions d’analyse et orientations de travail à privilégier.

3.2. La redéfinition collective des objectifs

S’il y a, comme nous l’avons dit, adhésion aux objectifs de recherche-action – co- construction du sens et co-construction de connaissances sur les situations de souffrance au travail – les participants du GAST2 vont déplacer le centre de leur réflexion vers l’aval des situations de souffrance au travail – quelles alternatives construire au plan sociétal et au plan personnel ? – tout en se forgeant un objectif commun dans l’ici et maintenant : constituer le GAST comme un groupe au sens plein du terme – non pas simplement un dispositif mais une expérience – qui permet de contrecarrer le sentiment d’exclusion que tous partagent :

Mme O : "On est passé d'une situation où chacun était atomisé...à la construction d'un collectif. C'est

ça qui fait qu'on vient tous les mois. Il y a construction d'un collectif, alors qu'on était rien"

Mme O : "A un moment, le « Je » a tendance à être assassiné...et donc justement, c'est la

réappropriation du Je par le collectif »

Mme F : "On était Je, et nous sommes devenus Nous"

Mme B : "L'interrogation que j'ai eu aux premières séances : comment ça va évoluer ? dans quel sens ?

C'était l'inconnu. La finalité, je l'ai découverte au fil des séances...ça redonne confiance au collectif »

Mme B : "Dans nos histoires individuelles, on nous a isolé du groupe. "On a eu la volonté de

contrecarrer cette exclusion"

Et c’est autour de ce sentiment d’exclusion – du travail, de la sphère sociale – que s’est construit l’imaginaire groupal.

3.3. La construction d'un imaginaire groupal

Au croisement du sentiment partagé d’exclusion et de la reconnaissance, dans le groupe, des différences, de l’hétérogénéité, Mme O va proposer l’image qui soutiendra l’imaginaire du groupe. Cette image est celle de la chorale : « On nous a exclus de l’orchestre [du travail], mais nous, ici, nous formons une chorale ».

La métaphore fait sens pour tous. Une chorale n’est pas un tout homogène : elle se construit grâce à différentes voix : tenor, soprano, alto…Mais c’est grâce à ces parties différentes qu’elle forme nu ensemble, qu’elle s’élève d’une seule voix pour proposer un chant qui sonne

juste à l’oreille. Si nous admettons, avec Lewin (1951) que le tout est différent de la somme des parties, ajoutons qu’il se nourrit ici de la différence entre ses parties. Dans une chorale, tout le monde a sa place. Cette image du groupe musical devient une référence, une clé dans les discussions du groupe :

Mme O : "A chaque fois, il y a un conflit de valeurs, "un choc entre 2 visions du travail" ; "une différence au niveau de l'éthique du travail, qui s'oppose avec les nouveaux qui justement génèrent cette rupture d'harmonie, dans le concert global"

Mme O : « Irruption d'un personnage qui fait qu'"on ne nous faisait plus chanter avec le groupe", "on ne chantait plus avec le groupe"

Mme B : "Dans nos histoires individuelles, on nous a isolé du groupe. Il se trouve que le hasard ou le fait qu'on nous a amenés dans ce groupe, on s'est mis à chanter ensemble". "On a eu la volonté de contrecarrer cette exclusion".

Mr M : « le truc, c'est que la chanson continue. Ça peut être toi à un moment, et demain ca sera quelqu'un d'autre quoi... »

3.4. Synthèse - Dynamique d'appropriation collective du GAST2

Le premier objectif du GAST est d'accompagner la mise en sens d'une situation difficile vécue dans le champ professionnel. A cet égard, il apparaît nettement que la majorité des participants ont dans une large mesure, apprécié le travail d’analyse psychosociale de leur situation. Souvent focalisés au départ sur un seul niveau d'explication, ils ont intégré les autres niveaux et appréhendé de plus en plus au fil des séances la souffrance au travail comme résultante de multiples liaisons / déliaisons entre ces niveaux. La prise en compte du champ extra professionnel dans l'explication de la souffrance et dans la compréhension du rapport au travail s'est avérée déterminante, se dévoilant même pour certains comme une problématique majeure.

Au-delà de ce travail sur le sens, c’est l’expérience même du groupe qui a constitué l’objet central de l’appropriation collective. La co-construction de cette expérience de groupe – à la faveur d’un dispositif formel qui en offre l’opportunité et sous l’auspice d’un imaginaire de la chorale – a été ordonnée à deux objectifs prioritaires de l’ordre de la reconstruction identitaire :

-être reconnu dans sa différence - contrecarrer l’exclusion

Notons enfin que très vite, le GAST est considéré comme un soutien à part, nécessairement différencié des soutiens requis dans la sphère juridique ou de ceux requis pour résoudre directement la situation de souffrance au travail. Progressivement, le groupe va saisir le dispositif comme occasion de se projeter plus loin, invitation à débattre des alternatives possibles, aux plans sociétal et personnel. Partant, nous qualifions l'appropriation collective du GAST2 comme une appropriation de type identitaire et intégrative, orientée vers le long terme.