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CHAPITRE 5 Méthodologie de la recherche

2. Un dispositif de recherche-action

2.2. Le dispositif de recherche-action : le Groupe d'Analyse des Situations de Travail

Il a été proposé aux personnes participant au groupe d'information (1 groupe tous les mois environ, réunissant de 5 à 10 participants) et désireuses de poursuivre un "travail de groupe" dans le cadre de la Consultation, de participer à une réunion "intermédiaire"

16 Directions Régionales du Travail, de l’Emploi et le de Formation Professionnelle 17

Caisse Régionale d’Assurances Maladie

présentant deux cadres possibles pour un tel travail, non exclusifs l'un de l'autre : le groupe de parole et le groupe d'analyse des situations de travail (GAST) :

 Le groupe de parole

Animé par un médecin psychiatre, le groupe de parole s'adresse aux personnes qui recherchent un lieu d'écoute et d'échanges où pouvoir exprimer leurs émotions, leur vécu douloureux. L'objectif du travail mené dans ce type de groupe relève essentiellement de visées de thérapie ; à travers le soutien groupal et celui de thérapeute, c'est une amélioration de la santé physique et psychique qui sont recherchés, de même qu'un regain de confiance en soi dans l'établissement d'un lien social mis à mal par la situation de souffrance au travail.

• Le groupe d'analyse des situations de travail

Animé par la psychologue du service et une enseignante chercheure de l'Université, le GAST s'adresse tout particulièrement aux personnes ne se reconnaissant pas dans l'identité de "malades" que la société leur impose - "c'est le système qui est malade, pas nous" - et qui sont intéressées par une analyse des situations de travail elles-mêmes, par une réflexion collective sur les facteurs et dynamiques - dans les organisations - susceptibles d'engendrer des situations de souffrance.

Lors de la réunion de présentation, ces deux types d'objectifs et de travail sur le long terme sont clairement explicités et distingués : les participants peuvent choisir de s'engager dans l'un ou l'autre, mais aussi décider de suivre les deux ou aucun.

Par rapport à l'organisation initiale (cf. supra), nous pouvons schématiser de la manière suivante le dispositif intégrant la proposition du GAST :

Réunion intermédiaire

Groupe d’information

Groupe de parole Groupe d’analyse des situations de travail

C'est en vue de deux types d'objectifs - de recherche et d'action - qu'a été mis en place le dispositif du GAST, basé sur un travail d'analyse psychosociale des situations de travail. Au plan de l'action, il s'agit :

- de favoriser pour les participants, une "remise en sens" d'une situation au travail source de souffrance, car dépourvue pour eux de significations. Il s'agit "d'éclairer le passé, mais aussi de doter les personnes d'outils de compréhension utiles pour faire face aux situations de travail à venir et à la crainte de "revenir au feu" (Almudever, 2007, p. 200).

- d'élaborer, sur la base de ces analyses, des pistes pour la prévention de la souffrance et de la violence dans les organisations.

Au plan de la recherche, il s'agit :

- d'une part d'élaborer des connaissances sur les dynamiques et les déterminants indissociablement psychologiques et organisationnels de la souffrance au travail.

- d'autre part, et c'est l'objectif de notre thèse, définie comme un volet de cette recherche- action, d'étudier la variabilité des effets de la participation au GAST, au regard des conduites d'appropriation individuelle et collective mises en œuvre par les sujets et les groupes comparés dans l'étude.

Aux personnes volontaires pour participer au GAST est proposé un cadre bien défini et négocié qui fixe notamment :

 les principes déontologiques relatifs à la conduite d’un tel travail (respect des personnes et de la confidentialité des échanges, principe de liberté et d’égalité dans la prise de parole, absence d’évaluation des personnes)

 Le lieu de travail du groupe (une salle de réunion du Service des Pathologies Professionnelles et Environnementales)

 La durée de ce travail (une douzaine de séances de deux heures réparties sur une année)

 L’effectif du groupe et sa composition (de 5 à 10 participants, plus la psychologue du travail du service et deux chercheurs, dont l’un en position d’observateur)

« La démarche proposée renvoie à une analyse collective où c’est la confrontation de différentes interprétations formulées à propos d’une même situation – celles des personnes directement concernées par le problème, celles des intervenants de terrain appelés à le traiter

(psychologue du travail), celles des chercheurs appelés à l’étudier – qui est le moteur d’une construction de sens et de connaissances sur la genèse, la dynamique et les effets des situations de souffrance et de violence au travail. Cette construction se trouve être, de ce fait, une véritable co-construction et implique, pour être opérante, que la posture de chacun des acteurs de ce travail soit clairement explicitée » (Almudever, 2009, p. 115).

Dans cette démarche de recherche-action participative :

- les sujets volontaires, dont l'expérience vécue de la souffrance au travail est au centre de l'investigation, sont des partenaires à part entière de la recherche qui apportent leur expérience à travers une présentation et un récit de la situation de travail à laquelle ils sont / ont été confrontés ; participent activement à l'analyse collective de l'ensemble des situations rapportées (1ère phase du GAST) ; puis contribuent à la mise en regard des différentes situations analysées (repérage des lignes de force, des similitudes, des différences) dans une démarche de co-construction de connaissances sur la genèse et les dynamiques de la souffrance au travail dans les organisations.

- La psychologue du service et l'enseignante chercheure impliquée dans la recherche, co- animent les séances du GAST, tandis que le doctorant - l'auteur de cette thèse - assure l'observation et l'enregistrement des séances. Les rôles sont ici aussi complémentaires et différenciés.

La psychologue du service pose le cadre et les modalités de fonctionnement des séances, régule la dynamique des échanges dans le groupe, assure le respect des principes déontologiques posés en amont et la gestion du temps, participe à l'analyse des situations rapportées (à travers des questions et des interprétations) de son point de vue de praticienne- chercheure, engagée au quotidien auprès des personnes en situation de souffrance dans le cadre de la Consultation.

L'enseignante chercheure énonce les objectifs de la Recherche-Action et les rappelle à l'occasion, lorsque le besoin s'en fait sentir. Elle participe à l'analyse des situations

rapportées (après le récit), principalement pour faire préciser et approfondir des éléments relevant de différents niveaux d'explication dans le cas rapporté et pour questionner des liens éventuels entre ces éléments. Dans un second temps (entre deux séances), l'enseignante chercheure et le doctorant élaborent la synthèse des interprétations proposées dans le groupe, à partir des différents points de vue. Ils en proposent une lecture psychosociale, en référence à

la grille de Doise (1982) et à des concepts et modèles spécifiques, présentés au groupe lorsque cela s'avère pertinent. Cette synthèse est discutée avec la psychologue du service, avant d'être présentée au début de la séance suivante aux participants (cf. infra).

De même, dans la deuxième phase du groupe, les chercheurs proposent-ils une mise en forme - voire une modélisation (cf. typologie des situations de souffrance au travail en Annexe 3) - des résultats dégagés collectivement et relatifs : aux dynamiques subjectives et organisationnelles de la souffrance au travail ; aux pistes dégagées concernant la prévention. Dans tous les cas, et à tous les niveaux, les interprétations en cours d'analyse de chaque situation particulière, de même que les synthèses présentées au groupe pour chacune des situations relatées et la modélisation des résultats sont soumises au groupe en tant que propositions à mettre en débat, susceptibles d'être controversées par le groupe, modifiées et/ou enrichies, recensées ou validées. Dans cette démarche, sont considérées comme valides les interprétations qui font sens pour les sujets.

L'ensemble de la démarche, pour un GAST, peut être synthétisée de la manière suivante : Première séance

1 - Rappel par l'enseignante chercheure des objectifs qui président à la constitution du GAST 2 - Présentation de l'ensemble des membres du groupe, de leurs motivations et attentes

3 - Présentation, par un participant volontaire, de la première situation de travail (environ 20 mn)

4 - Phase de questions par les membres du groupe, pour compléter les informations (environ 10 mn)

5 - Expression des points de vue et "interprétations" de la situation par les autres participants dans un premier temps, puis interventions de la psychologue et de l'enseignante chercheure (cf. supra)

Séances suivantes

1 - Présentation de la synthèse des interprétations et de la lecture psychosociale de la situation présentée lors de la séance précédente, opérée par les chercheurs (environ 20 minutes)

2 - Présentation par un autre participant volontaire, de la deuxième situation professionnelle (20 à 30 minutes)

3 - Phase de questions pour compléter les informations - point de vue de chaque participant (10 minutes)

4 - Discussion et analyse collective sur ce qui a été échangé (environ 30 minutes)

Le même schéma est reproduit par la suite (avec chaque fois, restitution des chercheurs à la séance suivante) jusqu'à ce qu'aient été opérées toutes les présentations des situations de travail. Vient ensuite la seconde période du travail du GAST (deux séances), centrée sur la co- construction de connaissances sur la base des analyses réalisées à propos de chacune des situations rapportées et sur l'élaboration collective des pistes pour la prévention.

Première séance

- remise à chacun des participants, d'un dossier rassemblant les synthèses réalisées pour chaque situation (exemple en annexe 2)

- travail de groupe (les participants seuls) centré sur la mise en regard des différentes analyses et le repérage de similitudes et différences

- discussion collective des analyses : des généralisations possibles ? Deuxième séance

- Proposition de synthèse concernant les connaissances sur la souffrance au travail co- construites