Chapitre II Matériaux, techniques expérimentales et outil de simulation numérique
2. Méthodes et techniques expérimentales de caractérisation
2.3. Mesure quantitative de l’évolution de la fraction de phases
La fraction de ferrite dans l’alliage duplex a été mesurée par deux méthodes différentes.
2.3.1.Mesure de magnétisation spécifique à saturation (Sigmamètre)
La première méthode consiste en la mesure de magnétisation spécifique à saturation /
®de l’alliage.
En effet, la fraction massique de phase ferromagnétique s d’un acier inoxydable duplex dépend
linéairement de /
®selon l’équation (II.1) :
s = /
®⁄/
((II.1)
/
(est la valeur de la magnétisation spécifique à saturation de la ou les phases ferromagnétiques de
l’alliage. Dans le cas des aciers inoxydables duplex étudiés, la ferrite est la phase ferromagnétique.
Une expression empirique de /
(pour la ferrite a été établie à partir de données expérimentales
Cette expression donne /
((en µT.m
3.kg
-1) en fonction de la composition de la ferrite en éléments
d’alliage (exprimée en %mas) :
/
(= 40¸¹2,160 − 0,0275 − 0,033 • − 0,026 − 0,067P•
− 0,050 º − 0,061€• − 0,063t` − 0,026 < − 0,060D
− 0,022» − 0,010 ¼ − 0,050… − 0,010 + £ 0,030½
(II.2)
/
®est mesuré à l’aide d’un équipement dédié, un Sigmamètre (Setaram Instrumentation). Un
échantillon de masse minimale de 1,0 g est d’abord pesé, puis placé dans un champ magnétique
intense (800 kA.m
-1) pendant 10 s. La ferrite qu’il contient est magnétisée à saturation sous l’effet
du champ. L’échantillon est ensuite retiré du champ ce qui permet la mesure du moment magnétique
maximal [76]. /
®est égal au rapport du moment magnétique maximal sur la masse de l’échantillon.
Pour un champ d’une telle intensité, la mesure du moment magnétique ne dépend pas de la
morphologie de la phase ferromagnétique et est donc adaptée pour l’étude des aciers inoxydables
duplex à différents états de recuit. La mesure est rapide, très répétable, et permet d’obtenir une
valeur moyenne sur un échantillon massif. Elle n’est cependant pas standardisée, et le résultat
obtenu dépend de la validité de la loi empirique permettant de déterminer /
(pour un alliage donné.
Dans le cadre de cette étude, la mesure a été effectuée au CRI sur des échantillons de dimensions
20 (DL) x 10 (DT) mm² prélevés au milieu de la zone homogène d’éprouvettes Gleeble
(voir §II.2.2.1).
2.3.2.Mesure par analyse d’images
La seconde méthode consiste en la mesure de la fraction surfacique de ferrite par analyse d’images.
La mesure est réalisée sur des micrographies optiques d’un échantillon ayant préalablement été poli
et coloré par une solution Beraha I selon le protocole décrit dans le paragraphe II.2.2.2.
2.3.2.a.Acquisition des micrographies optiques
Les micrographies optiques ont été acquises grâce à un microscope optique à platine motorisée
DSX510 (Olympus). L’échantillon est positionné de sorte que la direction longue des bandes soit
orientée selon la direction horizontale (DL ou DT selon le plan d’observation). Un objectif x 40, un
oculaire x 10 et un zoom numérique ont été utilisés pour acquérir des images au grossissement
x 1000. Des champs de largeur 2000 µm et de hauteur égale à l’épaisseur (DN) de l’échantillon
(1000 à 1500 µm selon l’alliage) ont été obtenus par assemblage d’images de dimensions
272 x 272 µm² à l’aide du logiciel DSX-BSW v.3.1.9. La surface des échantillons était balayée avec
un recouvrement de 20 % entre deux images. Un mode 3D prenant pour une même zone plusieurs
clichés à différents focus a été utilisé pour obtenir des images nettes. La durée d’exposition utilisée
variait de 0,2 à 0,5 s d’un échantillon à un autre, donnant une résolution allant de 5,1 à 34,6 px/µm².
Les images ont été enregistrées au format TIFF sans compression afin d’éviter la perte
d’informations.
2.3.2.b.Traitement des micrographies
Le traitement des micrographies a pour objectif d’attribuer les pixels de l’image à l’une ou l’autres
des phases de la manière la plus fidèle à la microstructure réelle. Cette procédure appelée seuillage
est effectuée l’aide du logiciel Fiji (v1.52o) de manière automatisée et objective. Une image est tout
d’abord transformée en niveaux de gris (256 niveaux). La luminosité et le contraste sont ajustés de
sorte à répartir la valeur des pixels de l’image sur l’ensemble des niveaux de gris disponibles. Un
exemple d’image obtenue est donné en Figure II.10.(a). L’image est alors seuillée en donnant
respectivement les valeurs 0 et 255 aux pixels appartenant aux bandes de ferrite (en noir sur la
Figure II.10.(b)) et d’austénite (en blanc). La valeur seuil séparant les pixels en deux phases a été
déterminée par la méthode automatique « Minimum » [77], voir Figure II.10.(c). Une comparaison
visuelle montre en effet qu’il s’agit de la méthode de seuillage qui respecte le plus fidèlement la
microstructure initiale parmi les différentes méthodes automatiques implémentées dans ce logiciel.
(a) (b) (c)
Figure II.10 - Procédure de seuillage d’une microstructure d’acier superduplex observée au
microscope optique après attaque Beraha I (a) image en niveaux de gris, (b) binarisée et (c)
histogramme des niveaux de gris avec seuil déterminé automatiquement par la méthode
« Minimum » (logiciel ImageJ).
2.3.2.c.Estimation des fractions moyennes de phases et de l’incertitude statistique
La mesure de la fraction d’une phase dispersée, ainsi que de la fraction de matrice dans le cas d’une
microstructure biphasée, a été standardisée dans la norme ATSM E1245-03 [78]. Cette technique
est utilisée pour déterminer la fraction volumique de ferrite par analyse d’images.
La fraction surfacique d’une phase dispersée au sein d’un champ seuillé est mesurée en divisant le
nombre de pixels de cette phase par le nombre total de pixels de l’image, l’austénite dans le cas des
aciers duplex étudiés. Son complémentaire est considéré comme étant égal à la fraction surfacique
de ferrite, les défauts et inclusions de phases tierces éventuellement présentes occupent en effet une
surface négligeable de l’image (voir §III.1.3). Si l’échantillonnage est uniforme dans le plan, la
fraction surfacique permet d’estimer la fraction volumique D
kau voisinage de la section.
La fraction volumique moyenne, D¾¾¾
k, est mesurée en moyennant la mesure réalisée sur plusieurs
champs de la section. L’écart type de la distribution de mesures, •, est utilisé pour définir l’intervalle
tel que la mesure ait une probabilité de moins de 5 % d’être en dehors de l’intervalle. L’imprécision
relative (% RA) définie par l’équation (II.4) est une estimation de l’erreur sur la valeur moyenne
induite par la variabilité de la mesure d’un champ à l’autre [78].
95% † = *. •
√< (II.3)
% t =95% †D
k