Chapitre III Caractérisation de l’évolution de la microstructure d’un acier inoxydable superduplex
4. Discussion au regard des modèles de capillarité
4.3. Evolution de l’épaisseur de bandes et théorie de la coalescence
L’analyse LSW de la coalescence de sphères prévoit que la distribution de rayons des particules
normalisés par le rayon moyen ait une forme quasi-stationnaire avec la durée de recuit (voir
§I.2.2.3.a). En effet, une invariance de cette distribution est caractéristique d’un phénomène de
coalescence sans changement de morphologie. Par analogie, on propose dans cette partie d’étudier
la distribution d’épaisseurs des bandes d’austénite, et non plus l’épaisseur moyenne des bandes.
Les longueurs d’intercepts dans l’austénite normaux à la direction de laminage sont étudiées. La
Figure III.28 représente les évolutions des distributions de longueurs d’intercepts avec la durée de
recuit, à 1060, 1100, 1140 et 1180 °C. Les longueurs en abscisses sont normalisées par la longueur
moyenne d’intercept et ne possèdent pas d’unité, et les axes des ordonnées correspondent à une
fraction normalisée, voir §II.2.4.2.b. La normalisation proposée permet d’identifier une évolution
de la distribution d’épaisseurs de bandes par coalescence sans changement de morphologie de
particules lorsque la distribution normalisée est invariante avec la durée de recuit.
La distribution à l’état recuit 0 s à 1060 °C est maximale pour une longueur normalisée proche de
0,4. Autour de cette valeur, la distribution est quasiment symétrique. Elle décroît en dessous de 0,4
jusqu’à atteindre une fraction nulle, et décroît au-delà de 0,4 jusqu’à un point d’inflexion situé à
environ 0,7 après lequel la décroissance de la fraction est plus lente. La forme de la distribution est
la même pour les états recuits 0 s obtenus aux autres températures.
(a)
(b)
(d)
Figure III.28 – Distributions normalisées en nombre des longueurs d’intercepts dans l’austénite
selon la normale à la direction de laminage de 0 à 300 s de recuit à (a) 1060 °C, (b) 1100 °C,
(c) 1140 °C et, (d) 1180 °C. L’échelle des abscisses est identique pour les quatre figures.
Avec l’augmentation de la durée de recuit à 1060 °C, la distribution se déplace progressivement
vers des longueurs plus élevées. A l’isotherme 1180 °C, la distribution évolue plus rapidement vers
des longueurs plus élevées. A 0 s de recuit, son maximum est obtenu pour une longueur normalisée
de 0,5, puis pour une longueur d'environ 0,8 après 30 s et évolue peu pour des durées plus longues.
Le comportement des distributions à 1100 et 1140 °C est intermédiaire à celui des isothermes 1060
et 1180 °C, et l’ordre est conservé.
Les distributions évoluent vers une forme plus symétrique avec l’augmentation de la durée de recuit
à toutes les températures étudiées. De ce fait, la valeur de la fraction maximale diminue légèrement,
d’au maximum 10 % environ.
Afin d’interpréter l’évolution de ces distributions, on propose de réaliser cette mesure sur des
microstructures modèles. Les Figure III.29 et Figure III.31 représentent des microstructures
modèles supposées périodiques en direction verticale et horizontale. La fraction de pixels noirs est
conservée égale à 50 %vol pour toutes les microstructures représentées, et le grossissement est
considéré comme étant identique.
La Figure III.29.(a) représente une microstructure composée de trois bandes, chacune amincie à
trois reprises. La Figure III.29.(b) correspond à une homothétie de la région encadrée en rouge sur
la figure (a). La Figure III.29.(c) correspond à la dissolution d’une des bandes et à l’épaississement
homogène des bandes voisines.
(a) (b) (c)
Figure III.29 – Microstructures modèles illustrant l’évolution d’une (a) microstructure en bandes
(b) lors d’une homothétie et (c) lors d’un épaississement homogène. Dimensions : 1024 x 1024 px².
Figure III.30 – Distributions normalisées en nombre des longueurs d’intercepts dans la phase noire
des micrographies modèles de la Figure III.29 selon la normale à la direction longue des bandes.
Taille du pas de mesure : 3 px.
La Figure III.30 représente les distributions en nombre des longueurs d’intercepts normaux aux
bandes pour les microstructures de la Figure III.29. Ces distributions ont été normalisées d’une
manière similaire aux distributions obtenues expérimentalement. On observe tout d’abord que les
maximums des distributions (a) et (b) sont centrés sur une même longueur égale à 1,11. On
remarque ensuite que la hauteur de ces pics varie de quelques unités. Les fractions du reste de la
distribution sont faibles et se superposent quasiment parfaitement. La transformation de (a) vers (b)
s’apparente à la coalescence de la microstructure et atteste de l’invariabilité de la distribution
normalisée lorsque la microstructure évolue selon ce mécanisme. La variation de hauteur des pics
est un biais de la mesure réalisée sur des images relativement homogènes dans l’épaisseur. En effet,
les distributions d’intercepts sont plus étroites que celles obtenues à partir de la microstructure de
l’alliage duplex étudié. Pour cette raison, le pic principal concentre la majorité des intercepts de la
distribution, et sa hauteur est artificiellement augmentée par la normalisation.
La valeur maximale de la distribution (c) est atteinte pour une longueur de 1,09. L’écart relatif par
rapport à la position du pic de la distribution (a) est inférieur à 2 %. La microstructure (c) représente
un épaississement proportionnel à l’épaisseur initiale de la microstructure (a) sans changement de
forme des interfaces et correspond à un déplacement très faible de la distribution normalisée.
La Figure III.31.(a) représente la même microstructure que la Figure III.29.(a). Son évolution vers
la Figure III.31.(b) représente la progression de l’amincissement, jusqu’à atteindre le
fractionnement des bandes en Figure III.31.(c). Cette évolution s’apparente au mouillage des joints
de grains, et l’évolution du rayon de courbure des interfaces par coalescence est négligée. La
conservation de la fraction de phases nécessite un épaississement des bandes (voir §III.4.1.4).
La Figure III.32 représente les distributions normalisées des longueurs d’intercepts perpendiculaires
aux bandes correspondant aux microstructures de la Figure III.31. Alors que la position du pic de
hauteur maximale est de 1,11, on observe celui de la distribution (b) est atteint pour une longueur
de 1,18, et celui de la distribution (c) pour une longueur de 1,20. L’écart relatif entre les pics des
distributions (a) et (c) est significatif. On remarque ensuite que la hauteur des pics diminue en allant
de (a) vers (c).
Le développement de la gravure des bandes (de (a) vers (b)) entraîne un déplacement significatif de
la distribution vers des longueurs plus élevées. L’augmentation du nombre d’intercepts de faible
longueur avec la transformation a pour effet d’abaisser la valeur de <L> et ainsi de déplacer la
distribution vers les longueurs normalisées plus élevées. Lorsque la transformation est prolongée
jusqu’au fractionnement des phases (de (b) vers (c)), un déplacement supplémentaire de la
distribution vers les longueurs normalisées plus élevées survient.
(a) (b) (c)
Figure III.31 - Microstructures modèles illustrant l’évolution d’une (a) microstructure en bandes
(b) lors de la gravure de joints de grains et (c) lors du fractionnement. Dimensions :
1024 x 1024 px².
Figure III.32 - Distributions normalisées en nombre des longueurs d’intercepts dans la phase noire
des micrographies modèles de la Figure III.31 selon la normale à la direction longue des bandes.
Taille du pas de mesure : 3 px.
L’étude des microstructures modèles révèle que la gravure et le fractionnement des bandes
entraînent le décalage d’une distribution normalisée des longueurs d’intercepts vers les longueurs
plus élevées. Une évolution selon un mécanisme de coalescence sans modification de la forme des
bandes, ou bien un épaississement homogène, n’entraînent pas de déplacement significatif de la
position de la distribution.
Au cours du recuit de l’alliage superduplex modèle, les distributions normalisées de longueurs
d’intercepts se déplacent vers des longueurs plus élevées pour les quatre isothermes étudiées. Ce
déplacement est un marqueur de la gravure des particules. A 1060 °C, le déplacement progressif
semble indiquer que le phénomène perdure au cours des 300 s de recuit.
A 1180 °C, le déplacement est plus soudain au cours de 10 premières secondes puis la position de
la distribution n’évolue plus de manière significative aux durées plus longues de recuit. Pourtant,
l’épaississement de la microstructure et la diminution d’anisotropie morphologique des bandes et
particules d’austénite ont été observées et quantifiées. L’invariance de la distribution observée est
donc un marqueur d’un mécanisme de coalescence. Il est possible que la gravure des joints de grains
ralentisse ou s’interrompe après quelques secondes de recuit, mais l’évolution de la microstructure
selon un mécanisme de coalescence se poursuit au-delà de 10 s de recuit.
Dans le document
Evolution des microstructures au cours d'un recuit dans un acier inoxydable superduplex : caractérisation et modélisation
(Page 146-152)