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Influence d’un joint de grains émergeant à la surface d’une particule

Chapitre IV Etude du couplage des mécanismes de capillarité : mouillage des joints de grains et

1. Effets d’un joint de grains sur la morphologie d’une particule isolée

1.3. Influence d’un joint de grains émergeant à la surface d’une particule

Au cours d’un recuit isotherme à une température supérieure à 1060 °C, les particules et bandes

d’austénite développent des amincissements locaux au niveau des joints de grains de haute énergie.

Le mouillage des joints de grains est décrit par le modèle de gravure thermique de sillons. Les

différences énergétiques entre les joints de grains n’ont cependant pas permis d’expliquer certaines

des évolutions morphologiques. On propose maintenant d’étudier de manière plus approfondie

l’effet de la gravure d’un joint de grains sur l’évolution de la morphologie d’une particule.

1.3.1.Effet d’un joint de grains sur la courbure d’une interface plane

Le modèle de la gravure thermique d’un sillon proposé par Mullins décrit la transformation

morphologique d’une interface plane au niveau de laquelle un joint de grains plan émerge (voir

§I.2.2.2.a). La Figure IV.5.(a) représente une interface plane en trois dimensions entre la ferrite et

l’austénite, où émerge un joint de grains austénitique (aire hachurée). L’intersection du joint de

grains et de l’interface forme une droite (ligne en traits pointillés).

Figure IV.5 – (a) Représentation schématique d’une interface austénite/ferrite plane intersectée

par un joint de grains perpendiculaire et plan. (b) Mouillage du joint de grains et création de

courbure finie au sein de l’interface plane. (c) Progression de la gravure et répartition de la

courbure sur une surface croissante d’interface.

Lors du recuit, l’équilibrage des tensions de surface se traduit par le mouillage du joint de grains

austénitique, Figure IV.5.(b). Les points de l’interface situés de part et d’autre du joint triple

adoptent un rayon de courbure fini et positif. Un flux de diffusion se met en place avec un transport

net de matière allant du point triple vers l’interface plane la plus proche, c’est-à-dire dans la

direction perpendiculaire au plan du joint de grains. Ces flux de diffusion sont représentés par des

flèches sur la Figure IV.5.(b).

Par la progression du mouillage, la valeur de l’angle opposé au joint de grains diminue et peut

localement atteindre sa valeur d’équilibre. Cependant, les flux de diffusion emmènent la matière à

distance de l’interface et augmentent la valeur de cet angle. Placé hors équilibre, le mouillage du

joint de grains progresse de nouveau. Dans le cas modèle d’une interface infiniment plane, la

courbure se répartit perpétuellement sur une surface croissante d’interface (voir Figure IV.5.(c)), et

le mouillage du joint de grains se perpétue sans que l’interface n’atteigne de configuration stable.

La cinétique de migration d’un joint triple lors du mouillage d’un joint de grains est décrite dans le

modèle de gravure thermique de sillons [31,49]. Le déplacement d’un joint triple est une fonction

de *

H "⁄

, avec n = 3 ou 4 selon le mécanisme de transport, ce qui signifie que la vitesse de gravure

d’un joint de grains diminue avec la durée de recuit.

1.3.2.Emergence d’un joint de grains longitudinal sur deux faces d’une particule

1.3.2.a.Joint de grains austénitique dans une particule de facteur de forme élevé

En section DT-DN, les particules de facteur de forme élevé sont en général polycristallines au sein

de l’alliage superduplex. Les joints de grains qui les composent traversent les particules de part en

part à l’issue de la croissance de grains confinée au sein des bandes. A l’issue d’un recuit court, le

mouillage des joints de grains sur ses deux faces planes survient simultanément comme l’illustre la

Figure IV.6. Lorsque les joints triples se rejoignent, la particule se fractionne par le mécanisme de

fractionnement induit par un joint de grains, qui a été notamment observé par Keichel et al. [19]

lors du recuit d’un alliage duplex similaire à l’alliage superduplex modèle (voir §I.2.2.2.c).

Figure IV.6 - Schéma d’une particule d’austénite de facteur de forme élevé observée en section

transverse et traversée par un joint de grains. La gravure du joint de grains modifie la morphologie

des deux faces initialement planes de la particule.

L’aptitude du modèle de champs de phases à simuler le fractionnement d’une bande induit par un

joint de grains peut être étudiée. Pour cela, on modélise en deux dimensions l’évolution d’une

lamelle bi-cristalline de section transverse supposée infiniment longue dans la direction

longitudinale. La Figure IV.7.(a) représente l’état initial du système modélisé pour lequel trois

champs de phases numérotés de “

H

à “

-

sont définis. Les champs “

I

et “

-

définissent deux grains,

séparés par une interface d’énergie 0,8 J.m

-2

symbolisant un joint de grains. L’interface qui sépare

ces deux champs du champ “

H

possède une énergie de 0,56 J.m

-2

correspondant à l’énergie d’un

joint de phases austénite/ferrite. On suppose ainsi que les champs “

I

et “

-

forment deux grains

d’une même phase, l’austénite, entourés du champ “

H

qui constitue un grain de matrice ferritique.

La particule d’austénite ainsi définie possède des arêtes, mais qui seront émoussées par les forces

de capillarité dès les premiers instants de la simulation (voir §IV.1.2.1).

L’évolution simulée de la morphologie de cette particule avec le recuit est représentée en Figure

IV.7.(b). Dès les premiers instants, le mouillage du joint de grains survient de part et d’autre de la

particule. La surface du joint de grains est réduite jusqu’à disparaître totalement après trois unités

de temps, instant qui marque le fractionnement de la particule. Au-delà de t = 3, les deux particules

issues du fractionnement évoluent vers une forme cylindrique.

(a) (b)

Figure IV.7 – Simulation numérique de l’évolution d’une particule polycristalline de facteur de

forme égal à 6 en section transverse (modélisation 2D). La particule se grave au niveau du joint de

grains puis se fractionne. Les paramètres m = 1,0.10

+7

J.m

-3

, κ = 3,4722.10

-7

J.m

-1

,

V

H,I

= V

H,-

= 0,7569 ont été utilisés pour obtenir une interface austénite/ferrite d’énergie

0,56 J.m

-2

et d’épaisseur 0,82 µm, et la valeur V

I,-

= 1,1665 a permis de simuler un joint de grains

La gravure d’un joint de grains traversant une particule de part en part peut entraîner son

fractionnement avant que la cylindrisation ne conduise à une particule plus équiaxe. La durée

nécessaire à la cylindrisation simultanée des deux plus petites particules est alors plus faible que

celle requise pour la cylindrisation totale de la particule initiale en l’absence de joint de grains.

Dans le cas où les deux particules issues du fractionnement sont de tailles différentes, les différences

de rayons de courbure existant entre leurs interfaces peuvent être à l’origine de la dissolution de la

plus petite au profit de la plus grosse par coalescence. Cependant ce phénomène met en jeu

l’équilibre thermodynamique des fractions de phases qui n’est pas pris en compte dans la

simulation. Les transformations morphologiques liées à des mécanismes de coalescence entre

particules distinctes seront discutées dans le §IV.3.2

1.3.2.b.Effet d’un joint de grains de faible énergie sur la morphologie d’une

particule de faible facteur de forme

Lorsque la distance entre les extrémités d’une lamelle et un joint de grains devient de l’ordre des

distances de diffusion, les mécanismes de gravure thermique de sillons et la cylindrisation des

extrémités peuvent entrer en compétition. Kampe et al. [42] ont décrit cette compétition dans le cas

d’une lamelle infinie et dotée d’un joint de grains en direction longitudinale (voir §I.2.2.4.b). Le

facteur de forme de la particule et le rapport des énergies de joint de grains/joint de phases sont

deux paramètres qui déterminent si une lamelle devient cylindrique ou se fractionne sous l’effet de

la gravure. La Figure IV.8 représente les deux issues possibles.

Figure IV.8 – Représentation schématique des deux évolutions morphologiques possibles pour une

lamelle de faible facteur de forme traversée par un joint de grains longitudinal. (a) fractionnement

par gravure des deux extrémités du joint de grains traversant la bande (b) cylindrisation par

réduction des différences de rayons de courbure le long d’une interface. La cylindrisation requiert

une augmentation de la surface du joint de grains.

Pour une particule de facteur de forme donné, un joint de grains très énergétique peut conduire au

fractionnement (situation (a) de la Figure IV.8) de manière similaire au cas étudié dans le

paragraphe IV.1.3.2.a. Pour un joint de grains d’énergie plus faible, la cylindrisation survient avant

le fractionnement. Cependant, contrairement à une particule monocristalline, la cylindrisation d’une

particule traversée d’un joint de grains nécessite l’augmentation de la surface du joint de grains

contenu dans la particule comme l’illustre la transformation (b) de la Figure IV.8.

Kampe et al. suggèrent que la particule adopte une morphologie stable de section elliptique en

raison de la tension de surface du joint de grains appliquée aux deux joints triples [42]. L’effet d’un

joint de grains peu énergétique sur la morphologie stable d’une particule peut être vérifié par la

simulation numérique d’une lamelle en deux dimensions. L’évolution est comparée à la

cylindrisation d’une lamelle monocristalline de facteur de forme identique. La simulation est

comparable à celle effectuée dans le paragraphe IV.1.3.2.a pour un joint de grains plus énergétique.

Dans les simulations représentées en Figure IV.9, une énergie de joint de grains de 0,20 J.m

-2

a été

définie dans le cas (b), tandis qu’une lamelle constituée d’un seul champ de phases représentant un

unique grain a été définie dans le cas (a). L’énergie d’interface a été fixée à 0,56 J.m

-2

dans les deux

cas. On observe pour les deux situations modélisées une diminution de l’allongement de la lamelle.

Dans le cas (a) la particule tend vers une forme cylindrique pendant toute la durée de la simulation.

Dans le cas (b), une morphologie ellipsoïdale stable est atteinte dès t = 4. La gravure du joint de

grains faiblement énergétique n’entraîne pas le fractionnement, mais affecte la morphologie de la

particule.

(a)

(b)

Figure IV.9 - Simulation numérique de l’évolution d’une particule polycristalline de facteur de

forme égal à 2 en section transverse (modélisation 2D). Les paramètres m = 1,0.10

+7

J.m

-3

,

κ = 2,4679.10

-7

J.m

-1

, V

H,I

= V

H,-

= 0,8881 ont été utilisés pour obtenir une interface

austénite/ferrite d’énergie 0,56 J.m

-2

et d’épaisseur 0,60 µm, et dans le cas (a), la valeur

V

I,-

= 0,5590 a permis de simuler un joint de grains d’énergie 0,25 J.m

-2

et d’épaisseur 1,33 µm.

L’étude de ces particules de géométrie relativement simple, lamelle et fibre mono- ou bi-cristalline,

permet de comprendre l’importance des joints de grains dans la génération de courbure aux

interfaces et leur rôle dans l’évolution de la morphologie de ces particules lors d’un recuit. Les

phases d’un acier inoxydable duplex ont cependant une microstructure moins idéale. En particulier,

plusieurs joints de grains sont présents dans les particules et bandes d’austénite, ainsi que dans la

matrice ferritique. L’interaction du réseau de joints de grains et des mécanismes de coalescence sera

étudiée plus en détails dans le cas de morphologies plus complexes observées au sein de l’alliage

superduplex modèle dans les parties IV.2 et IV.3.

2. Effet de la morphologie initiale des particules sur le mouillage