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Chapitre I Revue bibliographique

2. Evolution microstructurale des structures cristallines lamellaires

2.1. Forces motrices de l’évolution microstructurale

L’évolution microstructurale suit le principe thermodynamique de la réduction d’énergie libre du

système. Les origines des changements d’énergie libre sont appelées forces motrices et les intensités

de ces forces sont comparées entre elles pour connaître quelle est la force motrice principale qui

pilotera les principaux changements microstructuraux. Parmi les différentes forces motrices des

évolutions microstructurales, il existe les changements d’énergie d’origine chimique, d’énergie de

déformation et d’énergie d’interface. L’énergie libre chimique correspond à l’énergie libre d’une

phase sans déformation. L’énergie de déformation désigne l’excès d’énergie élastique due aux

déformations du réseau cristallin et à la présence de défauts, dont les dislocations font partie,

apparus après une déformation. L’énergie libre interfaciale est l’excès d’énergie libre apporté par

les atomes au niveau de l’interface entre deux grains ou entre deux phases [28].

A pression constante, la variation d’énergie libre par mole d’une espèce présente dans un système

est appelée potentiel chimique de cette espèce. Cette notion est couramment utilisée pour comparer

les différences d’énergie liées à la composition chimique. Mis en température, le déplacement des

atomes d’un système est facilité, et les forces motrices existantes réduisent les différences de

potentiel chimique vers un potentiel d’équilibre.

L’objectif de cette partie est de passer en revue les différentes forces motrices existantes dans un

système composé de deux phases. Les forces motrices d’origine chimique et d’origine interfaciale

seront considérées. Comme le montrera une analyse des phénomènes de recristallisation et de

restauration effectuée dans le Chapitre III, l’énergie de la déformation à froid contribue à l’évolution

de la microstructure au cours des toutes premières secondes de recuit uniquement. Ces travaux se

concentrent sur les évolutions survenant aux durées de recuit plus longues, et les forces motrices

liées à l’énergie de déformation ne seront pas traitées.

2.1.1.Energie libre d’origine chimique des phases

Les lois de thermodynamique définissent la nature et la composition d’équilibre des phases d’un

système dans des conditions de pression et de température données. Pour un système hors équilibre,

si la cinétique le permet, une transformation de phases peut survenir permettant au système de

réduire son énergie libre chimique en tendant vers l’équilibre des potentiels chimiques de chaque

élément du système. Une transformation de phases du premier ordre conduit généralement à la

précipitation d’une phase dispersée au sein d’une matrice [29].

Pour un système composé de deux phases à l’équilibre thermodynamique, une variation de la

température dans le domaine biphasé entraîne une transformation d’une phase en la seconde et

correspond à une modification des proportions volumiques de ces deux phases. Une variation de la

température de recuit d’un acier inoxydable duplex dans l’intervalle 1050-1150 °C en est un

exemple. En effet, lorsque la température augmente de 1050 à 1150 °C, le pourcentage d’équilibre

de ferrite augmente de 42,5 à 53,4 %vol au détriment de celui d’austénite, voir Figure I.3 (partie

I.1.2.4).

2.1.2.Tensions de surface au niveau d’un point triple

Dans une structure polycristalline, l’arrangement des atomes au sein d’un grain selon un réseau

cristallin correspond à un minimum d’énergie. Les interfaces qui délimitent ces grains sont moins

ordonnées et constituent un excès d’énergie appelée énergie interfaciale. L’intersection de trois

interfaces au sein d’un polycristal observé en coupe forme un point d’intersection appelé point

triple, ou joint triple. L’énergie d’interface par unité de surface est équivalente à la tension de

surface, qui correspond à la force qu’il faut appliquer à une surface pour l’étendre d’une unité d’aire.

Un bilan de ces tensions de surface au niveau d’un joint triple impose une configuration d’équilibre

entre les trois joints de grains. La Figure I.9 représente trois grains, deux d’une même phase γ

séparés par un joint de grains d’énergie /

01

(représenté par la flèche la plus grande), et un troisième

grain appartenant à une seconde phase δ séparé de chacun des deux autres grains par un joint de

phases d’énergie / (flèches plus petites).

Figure I.9 – Illustration des tensions de surfaces appliquées au niveau d’un point triple entre deux

grains de phase γ et un grain de phase δ. Le bilan des tensions de surface définit une configuration

d’équilibre symétrique. Les interfaces γ/δ sont équivalentes et un seul angle 2 est nécessaire pour

décrire la configuration du système.

Pour des interfaces ayant des propriétés isotropes, le système se trouve dans une configuration

d’équilibre lorsque l’angle 2 respecte la condition (I.3) [30] :

345 6 =7:7

89

(I.3)

L’équilibrage des tensions de surface se traduit par une migration atomique dans la région

d’intersection infinitésimale des trois interfaces pour atteindre les angles d’équilibre [31]. La

position d’équilibre correspond à un minimum d’énergie interfaciale du système composé des trois

interfaces.

2.1.3.Différences de rayon de courbure des interfaces

A proximité d’une interface courbe, le potentiel chimique est plus élevé qu’à proximité d’une

interface plane de même nature. Dans un système binaire A-B biphasé δ-γ, cette différence se

démontre en considérant le transfert d’un nombre de moles ;< d’atomes de fraction molaire

=

en

élément B d’un précipité de phase γ possédant une interface plane (r = ) vers un précipité de rayon

L’augmentation de potentiel chimique Δµ est la conséquence de l’augmentation dA de la surface de

précipité d’énergie interfaciale isotrope σ :

>? =7@A@B (I.4)

Le diagramme de phases isotherme du système est représenté en Figure I.10. Les solubilités

d’équilibre en élément B dans les phases δ et γ au voisinage d’une interface plane,

$

∞ et

=

∞ ,

sont représentées sur ce diagramme. L’augmentation de potentiel chimique Δµ liée à la courbure r

de l’interface entraîne une augmentation des solubilités d’équilibre des deux phases vers les valeurs

$

et

=

comme le montre la Figure I.10. Cette augmentation de solubilité induite par la

courbure est appelée effet Gibbs-Thomson.

Figure I.10 – Représentation schématique de l’énergie libre molaire G en fonction de la fraction

de l’élément B dans un système binaire A-B biphasé δ-γ à une température T donnée.

L’augmentation de potentiel chimique entre l’interface plane (r = ) et l’interface de rayon de

courbure r d’un précipité de phase γ entraîne l’augmentation des solubilités d’équilibre

$

et

=

.

D’après Martin et al. [28].

Pour une particule sphérique de phase γ de rayon et de volume molaire D , l’équation (I.4) s’écrit :

ΔF = /D 2 (I.5)

i.Généralisation pour une particule de forme quelconque

La courbure d’un point de la surface d’une particule de forme quelconque est décrite par deux

rayons de courbure

H

,

I

dont les tangentes sont perpendiculaires entre elles. L’équation (I.5) peut

être généralisée pour la surface d’une particule de forme quelconque [28] :

ΔF = /. D . K1

H

+ 1

I

L (I.6)

Une augmentation indépendante de l’un des deux rayons de courbure entraîne une augmentation du

potentiel chimique, et donc une augmentation de la solubilité en élément B au sein des deux phases

à proximité de l’interface courbe.

Chaque rayon de courbure possède un signe, positif si la courbure est convexe dans le plan

contenant le rayon, négatif si elle est concave. Le signe d’un rayon est défini par rapport à l’une des

phases se trouvant d’un côté de l’interface et s’inverse pour la seconde phase.

ii.Expression de la solubilité pour les solutions solides non-idéales

L’expression de la solubilité d’équilibre d’une solution solide non-idéale à proximité d’une

interface courbe a été exprimée par Purdy [32]. Cette expression est valable dans le cas où le rayon

de courbure de la particule est supérieur à quelques nanomètres, ce qui permet de faire

l’approximation que l’évolution de la solubilité d’équilibre n’est pas d’origine chimique mais

seulement interfaciale. Dans le système binaire A-B biphasé δ-γ, la solubilité d’équilibre

$

en

élément B dans la solution solide δ à proximité d’une interface de rayon de courbure r s’exprime

par :

$

=

$

∞ . M1 + N 1 −

$

=

∞ −

$

∞ O . K2/DP L . KQ

$

1. LR (I.7)

avec Q

$

= 1 + KS lnS ln V

$

$

∞ L

Q

$

est un facteur thermodynamique appelé facteur de Darken. L’équation (I.7) montre

l’augmentation de la solubilité lorsque le rayon de courbure diminue. La solubilité d’équilibre pour

la solution solide γ peut être dérivée de cette équation.

Un système composé de particules de rayon de courbure différent contient des interfaces à proximité

desquelles la solubilité d’équilibre en soluté est différente. Les gradients de solubilité présents entre

deux points de rayon de courbure différente peuvent induire des flux nets de matière si la

température est suffisamment élevée, et conduire à des évolutions de la microstructure. Ces flux de

diffusion tendent à abaisser l’énergie du système en augmentant la moyenne des rayons de courbure

locaux des interfaces, et constituent les mécanismes de coalescence.