Chapitre III Caractérisation de l’évolution de la microstructure d’un acier inoxydable superduplex
2. Effet de l’énergie de déformation stockée
Cette partie a pour objectif d’étudier les mécanismes de recristallisation survenant au cours d’un
recuit.
2.1.Caractérisation de l’état laminé à froid
La Figure III.7 représente la cartographie d’orientation selon la direction de laminage d’une section
DL-DN à cet état. On observe que la microstructure est allongée selon la direction de laminage.
Tout d’abord, de longues bandes d’orientation cristalline uniforme constituent la microstructure.
Elles présentent de nombreuses imperfections telles que des variations d’épaisseur, des ondulations,
ou encore des interruptions. Ensuite, des bandes d’orientation cristalline variable sont également
présentes, en particulier sur les parties haute et basse de l’image. Dans ces bandes, des alignements
de pixels noirs orientés à 45 ° par rapport à la direction de laminage séparent des régions de quelques
micromètres d’orientation constante. Ces pixels noirs correspondent aux points où l’indice de
confiance est inférieur à 0,1. Leur alignement et leur orientation coïncident avec les caractéristiques
des bandes de cisaillement et de glissement orientées à 45 ° par rapport à la direction de laminage,
dans lesquelles les gradients d’orientation sont très grands.
La Figure III.8 représente les grains reconstruits à partir des orientations cristallines de la Figure
III.7. Chaque cartographie représente les grains d’une phase distincte. On observe que les bandes
sont alternées entre ferrite et austénite. En Figure III.8.(a), on observe des grains de ferrite qui
mesurent plusieurs dizaines de micromètres selon la direction de laminage et dépassent du champ
analysé. Certains d’entre eux constituent une unique bande selon l’épaisseur, tandis que d’autres
s’étendent sur plusieurs bandes interconnectées. Il existe également des grains de ferrite de longueur
inférieure à vingt micromètres et délimités par des bandes de glissement. Pour l’austénite, Figure
III.8.(b), une partie des grains s’étend également sur plusieurs dizaines de micromètres selon la
direction de laminage. Cependant, aucun grain austénitique ne traverse le champ analysé de part en
part comme c’est le cas pour la ferrite. On observe également des groupes de grains austénitiques
équiaxes qui coïncident avec les plus petites régions identifiées sur la Figure III.7.
La comparaison des Figure III.7 et Figure III.8 montre que les grains d’austénite et de ferrite n’ont
pas une orientation cristallographique homogène, signe supplémentaire de l’activité plastique sur
l’orientation des grains.
Cette microstructure est caractéristique d’un acier inoxydable duplex obtenu par laminage à froid à
fort taux de réduction. Les nombreux grains allongés selon la direction de laminage sont les traces
d’une déformation importante selon cette direction. Les bandes de glissement et de cisaillement
ainsi que les désorientations présentes au sein des grains sont la conséquence des mécanismes de
plasticité activés pendant la déformation.
Figure III.7 – Cartographie d’orientation de l’acier inoxydable superduplex modèle (DXM) à l’état
laminé à froid observé selon la section DL-DN. Les orientations sont repérées selon la direction de
laminage. Seuls les points dont l’indice de confiance (CI) est supérieur à 0,1 sont colorés.
(a) (b)
Figure III.8 – Grains reconstruits à partir de la cartographie d’orientations cristallines de la même
zone que la Figure III.7 pour les phases (a) ferritique et (b) austénitique. Des pixels d’une même
couleur et connectés appartiennent au même grain. Les groupes de pixels blancs ont une taille
inférieure au seuil de définition d’un grain. Les pixels noirs appartiennent à la seconde phase.
2.2.Evolutions survenant lors d’un recuit
A l’issue du laminage à froid, l’alliage est fortement écroui et l’énergie stockée dans la matière sous
forme de dislocations est une source d’énergie pour l’évolution microstructurale.
La Figure III.9.(a) représente la cartographie d’orientation de l’alliage laminé à froid puis recuit à
1060 °C pendant 0 s, c’est-à-dire sans maintien isotherme avant la trempe. La microstructure de
déformation a complètement disparu au sein des bandes de ferrite. Au sein de l’austénite, quelques
bandes déformées subsistent, elles se situent au niveau des régions de faible IQ sur la Figure III.9.(b)
(voir flèches). On observe que la microstructure en bandes héritée du laminage est conservée, en
raison du choix de la température de recuit proche de la température de biphasage à 50 % de chaque
phase. Les nouveaux grains de chaque phase restent limités aux bandes qui leur ont donné naissance.
Les bandes possèdent toujours des défauts morphologiques identifiés à l’état laminé à froid
(épaississements, ondulations, trous).
Les Figure III.10.(a) et Figure III.10.(b) représentent les structures de grains de la ferrite et de
l’austénite, respectivement. Les grains qui constituent la ferrite restent allongés selon la direction
de laminage mais sont pour la plupart plus courts qu’à l’état laminé à froid (Figure III.8.(a)). Il
existe également quelques grains très allongés s’étendant sur plusieurs bandes, comme celui situé
au centre de l’image. Les grains d’austénite sont pour leur part plus équiaxes.
La comparaison des Figure III.9 et Figure III.10 permet de mettre en avant la présence d’autres
interfaces. Dans la ferrite, en particulier dans les deux bandes les plus hautes de la Figure III.9.(a),
on observe des structures de petite taille faiblement désorientées. Elles sont séparées par des
interfaces de désorientation inférieure à 15 ° qui forment des sous-joints de grains, indiqués en bleu
sur la Figure III.9.(b). Dans l’austénite, on observe la présence d’interfaces droites, représentées en
violet et rouge sur la Figure III.9.(b). Ces interfaces sont des joints de macles Σ3(<111>/60 °) et
Σ9(<110>/38,9 °).
Une observation de la microstructure obtenue après 10 s de recuit à 1060 °C montre qu’il ne reste
aucun grain austénitique déformé. A 1180 °C, l’alliage est complètement recristallisé même sans
maintien (recuit flash). Ces observations indiquent que les phénomènes de restauration et
recristallisation de la microstructure débutent au cours de la chauffe (effectuée à une vitesse de
100 °C/s), et se terminent aux temps très courts de recuit par la consommation de la majeure partie
de l’énergie élastique stockée.
La texture de recuit est classique des matériaux co-déformés cubiques centrés/cubiques à faces
centrées à l’issue d’un recuit : l’austénite est texturée dans la direction de laminage selon <111> et
<100> (intensité moindre), et la ferrite est texturée selon la direction <110>.
(a) (b)
Figure III.9 – Cartographie d’orientation de l’acier inoxydable superduplex modèle (DXM) à l’état
recuit flash à 1060 °C observée selon la section DL-DN. Les orientations sont repérées selon la
direction de laminage. Seuls les points pour lesquels l’indice de confiance est supérieur à 0,1 sont
colorés. (b) Image qualité (IQ) de la même zone sur laquelle sont superposés les sous-joints de
grains, et les joints de macles de l’austénite.
(a) (b)
Figure III.10 - Grains reconstruits à partir de la cartographie d’orientation cristalline de la même
zone que la Figure III.9 pour les phases (a) ferritique et (b) austénitique. Des pixels d’une même
couleur et connectés appartiennent au même grain.
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Evolution des microstructures au cours d'un recuit dans un acier inoxydable superduplex : caractérisation et modélisation
(Page 115-119)