• Aucun résultat trouvé

DES AUTRES AUTRES CATÉGORIES CATÉGORIES VERBALES VERBALES

3.3.1. Le marqueur de passé (w)oon

La plupart des auteurs considèrent que le passé est exprimé par le marqueur (w)oon (Perrin 2005 : 162). Ce marqueur est compatible avec toutes les constructions prédicatives (à l'exception des injonctives). Néanmoins, l'analyse de ce marqueur est relativement problématique. En effet, il ne semble pas avoir le même statut morphosyntaxique dans toutes les constructions.

Dans les constructions prédicatives focalisantes, au parfait, au subjonctif-consécutif et dans les relatives, il peut être analysé comme un suffixe -oon apparaissant sur le premier verbe de la proposition (171a-b). Comme le suffixe de négation (§ 3.1.1.2), un w- épenthétique est inséré si le verbe fini par une voyelle (171c), et si la proposition est à l'imperfectif, -oon se suffixe au verbe auxiliaire di, provoquant la chute de la voyelle finale du verbe au lieu de l'insertion de la consonne épenthétique (171d).

171) a. Dama dem-oon Faas. (Diouf 2003 : 117)

FOCV:S1SG partir-PAS Fès ‘J'étais allé à Fès.’

b. Dafa =la bëgg-oon=a mbaleñfaŋŋ. (Diouf 2009 : 216)

FOCV.S3SG =O2SG vouloir-PAS=DV tromper ‘Il voulait te tromper.’

c. Dafa bàyyi -woon ay waa-juram. (Diouf 2009 : 48)

FOCV.S1SG abandonner-PAS IDF:CLy parent:POSS3SG

‘Il avait abandonné ses parents.’

d. Dama d-oon làqarci wëñ =gi. (Diouf 2003 : 196)

FOCV:S1SG IPF-PAS démêler fil =CLg:DF.PX

‘Je démêlais le fil.’

Avec la négation affixale, il peut apparaître comme un suffixe verbal se situant après le suffixe de négation (172a). Néanmoins, dans ce contexte, le w- est également attesté (172b-c) (Church 1981 : 117). Or, une telle épenthèse n'est pas justifiée par le système phonologique de la langue (§ 0.4.4.2). Ainsi, dans ces cas, woon ne peut pas être analysé comme un affixe. La voyelle de ce marqueur s'harmonise avec la voyelle du verbe (173a-b) (cf. Ka 1994 : Ch. 1), ce qui tend à montrer qu'il s'agit d'un clitique.

172) a. Soo =ko fuuf-ul-oon… (Diouf 2003 : 121)

HYP:S2SG =O3SG souffler-NEG-PAS

‘Si tu n'avais pas soufflé dessus…’

b. Bu Maam Xaadim julli-wul =woon ci géej =gi… (Cissé, Mo. 2006 : 600)

TEMP Mame Khadim prier-NEG=PAS PREP:PX mer =CLg:DF.PX

‘Si Mame Khadim n'avait pas prié en mer…’

173) a. xaal =wa ñor-ul =woon (Torrence 2005 : 196) [χɐːl =wɐ ɲɔr-ul =wɔːn]

[-ATR] [-ATR] melon =CLw:DF.DT ê_mûr-NEG =PAS

b. xaal =wa ma jënd-ul =woon (Torrence 2005 : 196) [χɐːl =wɐ mɐ ɟənd-ul =woːn]

[+ATR] [+ATR] melon =CLw:DF.DT S1SG acheter-NEG =PAS

‘le melon que je n'avais pas acheté’

Au parfait négatif, à la troisième personne du singulier et en l'absence de pronom objet, le marqueur de passé peut apparaître comme un suffixe verbal se situant après le suffixe de négation (174a). Dans tous les autres contextes, le marqueur de passé se réalise comme un mot (ou un clitique) woon. En effet, aux autres personnes et/ou en présence d'un ou plusieurs pronoms clitiques, le marqueur woon ne se suffixe pas au verbe lexical, mais se place après l'indice de personne et les pronoms clitiques (174b-c) ; contrairement au parfait (non négatif) ou le marqueur de passé se suffixe au verbe lexical (174d).

174) a. Bokk-ul-oon ca mbojj =ma. (Diouf 2003 : 220) participer-PRF;NEG.S3SG-PAS PREP:DT battage =CLm:DF.DT

‘Il n'avait pas pris part au battage.’

b. Dem-u-ma =woon ca làmb =ja. (Diouf 2003 : 195) partir-PRF;NEG-S1SG =PAS PREP:DT lutte =CLj:DF.DT

‘Je n'avais pas été aux jeux de lutte.’

c. Mën-u-ma =fa =woon ñàkk=a dem. (Diouf 2003 : 484) pouvoir-PRF;NEG-S1SG =CL.LOC:DF.DT =PAS manquer=DV partir

‘Je ne pouvais pas m'empêcher d'y aller.’

d. Loolu, xam-oon =na-a =ko (Diouf 2003 : 256)

CL.CH;SG:DEM.PX savoir-PAS =PRF-S1SG =O3SG

ca njalbéen =ga.

PREP:DT origine =CLg:DF.DT

‘Je le savais dès le début.’

Par ailleurs, dans plusieurs contextes, le marqueur de passé woon semble se comporter comme un verbe (Fal 1999 : 88 ; Diouf 2009 : 62-63), dont le sens est « avoir cours, exister (dans le

passé) » (Diouf 2003 : 372). En effet, dans certaines relatives, woon peut apparaître en l'absence d'un verbe et occupe la position du verbe de la proposition. Il peut être analysé comme un verbe « être » au passé à valeur existentielle (175a) ou locative (175b).

175) a. Seef =ba woon =a =ko gën-oon=a ubbeeku. (Diouf 2003 : 141)

chef =CLb:DF.DT être;PAS =FOCS=O3SG ê_plus-PAS=DV fermer:INV:MOY

‘L'ancien chef était plus ouvert que lui.’

(litt. ‘C'est le chef qui existait qui était plus ouvert que lui.’)

b. Yuri =na siddéem =si woon (Diouf 2009 : 587) vider =PRF.S3SG jujube =CLs:DF.PX être;PAS

ci poosam yépp.

PREP:PX poche:POSS3SG CL.CH;PL:TOT

‘Il a vidé tous les jujubes qui étaient dans sa poche.’

L'existence du verbe wonni (ne plus avoir cours) est un argument supplémentaire en faveur de cette analyse. En effet, ce verbe est dérivé du verbe woon par ajout du suffixe verbal d'inversif -i (176a) (Fal 1999 : 88 ; Diouf 2009 : 62). On constate que le radical woon subit également plusieurs changements morphophonologiques : réduction de la longueur de la voyelle et gémination de la consonne finale (176b). Il s'agit de changements attendus pour cette dérivation ; l'ajout du suffixe de l'inversif entraîne ce type de changements morphophonologiques du radical (176c) (Ka 1981 : 16-18).

176) a. La woon, wonn-i =na. (Diouf 2003 : 371)

CL.CH;SG:DF.DT être;PAS être;PAS/INV-INV =PRF.S3SG

‘Ce qui avait cours n'a plus cours.’

b. woon > wonn-i (Diouf 2003 : 371) être;PAS être;PAS/INV-INV

‘était’ ‘n'est plus’

c. suul > sull-i (Ka 1981 : 17) enterrer enterrer/INV-INV

Nous pouvons également analyser woon comme un verbe dans l'équivalent passé de certains prédicats non verbaux. Comme nous l'avons vu en (§ 2.5.4), la construction focalisation du complément peut être utilisée pour former des prédicats non verbaux (177a). Au passé, le marqueur

woon se place après le marqueur prédicatif la (177b). À partir de ces exemples, on pourrait supposer

que la est une copule pouvant prendre le suffixe de négation -(w)oon. Néanmoins, au moins deux arguments viennent infirmer cette hypothèse. Premièrement, aucun autre suffixe verbal n'est possible dans ce type de construction. Par exemple, il est impossible d'ajouter le suffixe -(w)ul au marqueur prédicatif la. Pour nier ce type de prédicat, il faut utiliser la copule négative du (§ 3.1.4.1). Deuxièmement, le marqueur woon ne se place pas immédiatement après le marqueur prédicatif la, mais après l'indice de personne (178a) et les pronoms clitiques (179a). Or, cette position est celle qu'occupe le verbe lexical dans les prédicats verbaux (178b-179b). Ainsi, dans ce type de construction, nous pouvons analyser woon comme un verbe.

177) a. Ndaw su jekk =la. (Diouf 2003 : 166) dame CLs:REL être_élégant =FOCC

‘C'est une dame élégante.’

b. Xarekat bu aaytal =la woon. (Diouf 2003 : 44)

guerrier CLb:REL être_brave =FOCC être;PAS

‘C'était un brave combattant.’

178) a. Sunu maam =yi, ay ceddo =la-ñu woon. (Diouf 2003 : 81)

POSS1PL ancêtre =CLy:DF.PX IDF:CLy animiste =FOCC-S3PL être;PAS

‘Nos ancêtre étaient des animistes.’

b. Ñi dée, barsàq =la-ñu nekk. (Diouf 2003 : 63)

CL.HUM;PL:DF.PX être_mort au-delà =FOCC-S3PL se_trouver ‘Les défunts sont au séjour des morts.’

179) a. Benn jinne =la =fi woon. (Diouf et al. 2009 : 36)

CLb:SING djinn =FOCC =CL.LOC:DF.PX être;PAS

b. Bëccëgu ndarakàmm =la =fi agsi. (Diouf 2003 : 240) en_plein_jour =FOCC.S3SG =CL.LOC:DF.PX arriver

‘Il est arrivé ici en plein jour.’

Cette analyse fonctionne aussi avec les prédicats non verbaux locatifs. Comme nous l'avons vu en (§ 2.5.3), le présentatif peut être utilisé pour former des prédicats locatifs (180a). Au passé, le marqueur woon se place après le marqueur prédicatif a ng- (180b). À partir de ces exemples, on pourrait supposer que a ng- est une copule pouvant prendre le suffixe de négation -(w)oon. Néanmoins, comme pour la focalisation du complément, deux arguments viennent infirmer cette hypothèse. Premièrement, aucun autre suffixe verbal n'est possible dans ce type de construction. Par exemple, il est impossible d'ajouter le suffixe -(w)ul au marqueur prédicatif a ng-. Pour nier ce type de prédicat, il faut introduire le verbe nekk (se trouver) (§ 3.1.4.2). Deuxièmement, le marqueur

woon ne se place pas immédiatement après le marqueur prédicatif a ng-, mais après les pronoms

clitiques (181a). Or, cette position est celle qu'occupe le verbe lexical dans les prédicats verbaux (181b).

180) a. Sama baay =a nga ca tool =ba. (Diouf 2003 : 349)

POSS1SG père =PRST:DT PREP:DT champ =CLb:DF.DT

‘Mon père est au champ.’

b. Ndakaaru yépp =a nga woon ca céet =ga. (Diouf 2003 : 81) Dakar CL.CH;PL:TOT=PRST:DT être;PAS PREP:DT noces =CLg:DF.DT

‘Tout Dakar était aux noces.’

181) a. Mu =ngi =fi woon léegi. (Diouf 2003 : 513)

PRO3SG=PRST:PX =CL.LOC:DF.PX être;PAS maintenant ‘Il était là il y a un instant.’

b. Mu =ngi =ko takk ci kojór =bi. (Diouf 2003 : 188)

PRO3SG=PRST:PX =O3SG attacher PREP:PX cou-de-pied =CLb:DF.PX

‘Il l'a attaché au cou-de-pied.’

Cette analyse semble également pertinente avec le dernier type de prédicats non verbaux n'utilisant pas la copule di. Comme nous l'avons vu en (§ 2.5.2), la construction focalisation du sujet

peut être utilisée pour former des prédicats équatifs (182a). Au passé, le marqueur woon se place après le marqueur prédicatif a (182b). Or, cette position est celle qu'occupe le verbe lexical dans les prédicats verbaux (182c).

182) a. Ku mën te defoo (Shawyer 2009 : 50)

CL.HUM;SG:REL pouvoir et faire:PRF;NEG.S2SG

lu yàqu yaw =a.

CL.CH;SG:REL gâter:MOY PRO2SG =FOCS

‘Qui peut et n'empêche, pèche.’

(litt. ‘Qui peut et tu ne fais pas, ce qui est endommagé c'est toi.’)

b. Jëkkër =ji, Yàmbaadu, di =ko xool, xam ni (Diouf et al. 2009 : 96) époux =CLj:DF.PX Yambadou IPF=O3SG regarder savoir COMP

kii jabaram =a woon, leegi garab =la…

CL.HUM;SG:DEM.PX femme:POSS3SG =FOCSêtre;PAS maintenant arbre =FOCC

‘Le mari, Yambadou, le regardait, sachant que

ça avait été son épouse et que maintenant c'était un arbre…’

c. Guy gu réy =a nekk (Diouf 2003 : 290)

baobab CLg:REL être_gros =FOCS se_trouver

ca buntu këram.

PREP:DT porte:GEN maison:POSS3SG

‘Il y a un gros baobab devant sa maison.’

Par ailleurs, analyser woon comme un verbe permettrait d'expliquer sa position dans les propositions au parfait négatif. En effet, comme nous l'avons vu plus haut, le marqueur woon se place après l'indice de personne et les pronoms clitiques (183a). Or, cette position est celle qu'occupe le verbe dans les compléments phrastiques à l'infinitif (183b). Néanmoins, contrairement au verbe à l'infinitif (184b), woon n'entraîne jamais l'apparition du marqueur de dépendance verbale (184a). De plus, dans ce contexte, il semble difficile de considérer woon comme un verbe « être » au passé comme dans les prédicats non verbaux.

183) a. Sóoraale-wu-ma =ko =woon. (Diouf 2003 : 488)

prévoir-PRF;NEG-S1SG =O3SG =PAS

b. Mën-u-ma =ko lekk su amul bëgëj. (Diouf 2003 : 66) pouvoir-PRF;NEG-S1SG =O3SG manger si avoir:NEG purée_d'oseille

‘Je ne peux pas en manger s'il n’y a pas de purée d'oseille.’

184) a. Mën-u-ma =woon=a séentu jafe-jafe =yii. (Diouf 2003 : 488)

pouvoir-PRF;NEG-S1SG =PAS=DV pressentir difficulté =CLy:DEM.PX

‘Je ne pouvais pas entrevoir ces difficultés.’

b. Mën-u-ma=a bañ=a dem ca céet =ga. (Diouf 2003 : 522) pouvoir-PRF;NEG-S1SG=DV refuser=DV partirPREP:DT noces =CLg:DF.DT

‘Je ne peux pas manquer d'aller aux noces.’

Enfin, notons que le marqueur de passé est incompatible avec les constructions prédicatives injonctives, c'est-à-dire l'impératif, l'optatif et le prohibitif (Dialo 1981a : 30 ; Diouf 2009 : 179-184).

Pour résumer, le marqueur de passé est compatible avec toutes les constructions prédicatives à l'exception des constructions prédicatives injonctives. Il est également possible dans les propositions subordonnées relatives et complétives, et est compatible avec un verbe à l'infinitif. Néanmoins, le statut morphosyntaxique de ce marqueur diffère selon le type de proposition. Dans une proposition non négative, il peut être analysé comme un suffixe verbal -(w)oon. À l'imperfectif, il se suffixe au verbe auxiliaire di. Avec la négation affixale, il peut se comporter soit comme un suffixe verbal -oon, soit comme un clitique =woon. Par ailleurs, il peut apparaître sans verbe support dans plusieurs types de propositions. Dans ces cas, il peut être analysé comme un verbe

woon (« être » au passé). Au parfait négatif, à la troisième personne du singulier et en l'absence de

pronom objet, il peut être analysé comme un suffixe verbal -oon. Dans tous les autres contextes, il se réalise comme un mot pouvant être analysé comme un verbe. Enfin, au futur son statut est plus complexe. En effet, comme nous l'avons vu en (§ 2.2), cette construction est issue de la grammaticalisation du parfait imperfectif. Ce processus n'étant pas achevé, le marqueur de passé tend à se comporter comme un suffixe -oon sur le verbe auxiliaire di.84

84 Fal (1999 : 88) mentionne également la possibilité d'ajouter woon directement sur un nom (i), mais nous n'avons trouvé aucune occurrence de ce type de construction dans les corpus.

(i) sama jabar woon

POSS1SG épouse PAS

Tableau 3.2 - Statut du marqueur de passé (w)oon

Prédicat verbal Prédicat non verbal Non-négatif Négatif Impératif Incompatible Optatif Subjonctif-Consécutif Suffixe verbal -(w)oon

Suffixe -oon sur l'auxiliaire bañ Infinitif

Parfait (Futur)

Suffixe verbal -oon (ou Verbe woon ?) Focalisation du verbe

Suffixe verbal -oon ou Clitique =woon Focalisation du sujet Verbe woon Focalisation du complément Présentatif Relatif