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Chapitre III : Matériel et Méthodes

3. Manipulation in vivo : modèle murin de la tuberculose

Note : L’équipement utilisé est en conformité avec la directive 86/609/EEC relative à « la protection des animaux utilisés à des fins expérimentales ou à d'autres fins scientifiques » et les normes publiées par le Conseil Européen ETS123 Appendice A. L’équipement et les procédures sont en accord avec la Loi Belge du 14 août 1986 sur la protection et le bien-être des animaux. Le personnel concerné a reçu la formation et l’entrainement adéquats, en accord avec le décret Royal Belge du 13 septembre 2004. Toutes les expérimentations animales réalisées ont été validées et approuvées préalablement par le Comité d’Ethique Concerté de l’Institut de Santé Publique Fédéral Belge. Les expériences ont été réalisées sous la supervision directe d’un expert en bien-être animal (vétérinaire) en accord avec le Ministère Belge de la Santé.

3.1. Races murines

Nous utilisons des souris mâles/femelles « SPF » provenant des laboratoires « Charles River ». Après leur livraison, les souris sont placées dans des cages ventilées au sein du laboratoire de haute sécurité « P3 » de l’ISP. Pour les expériences présentées dans ce travail, nous avons utilisé des souris C57BL/6 (consanguine).

3.2. Types d’expériences et souches mycobactériennes utilisées

Un modèle murin de tuberculose fut utilisé dans deux buts précis (Gupta & Katoch, 2005):

• Réaliser des études pharmacocinétiques : détermination de l’Aire Sous la Courbe (ASC)

de la concentration plasmatique d’un composé testé en fonction du temps (voir plus loin).

• Tester l’effet thérapeutique de nouveaux composés. Pour des raisons pratiques, nous

avons choisi d’utiliser une souche bioluminescente de M. tuberculosis H37Rv, dénommée H37Rv-Lux (Snewin et al., 1999).

M. tuberculosis H37Rv luminescent (H37RvLux)

M. tuberculosis est une mycobactérie à croissance lente, nécessitant 6 à 8 semaines de culture

en milieu solide avant que des colonies puissent être observées et comptées. Pour pallier à cette contrainte de temps, une souche luminescente de M. tuberculosis (H37Rv) a été conçue

(Snewin et al., 1999). Nous l’utilisons principalement pour les études sur la souris car elle permet d’obtenir des réponses rapides pour déterminer la charge mycobactérienne à partir des homogénats d’organes. Cette souche luminescente a été obtenue par transformation de M.

tuberculosis avec le plasmide pSMT1 qui encode les gènes luxAB provenant de la bactérie

luminescente Vibrio harveyi vivant dans les mers chaudes (Figure 37). Les gènes luxA et luxB

encodent, respectivement, les sous-unités α et β de la luciférase bactérienne (Stewart &

Williams, 1992). La luciférase catalyse l’oxydation des acides gras à longues chaines et de la

flavine mononucléotide réduite (FMNH2). Cette réaction enzymatique provoquant une

émission de lumière bleu-verte (λ = 490 nm) peut être écrite comme suit (Parish & Stoker,

1998):

FMNH2 + RCHO+O2 FMN + H2O + RCOOH + lumière

Plusieurs études ont démontré les avantages de cette souche et ont permis de valider son utilisation (Tanghe et al., 2001, Rosseels et al., 2006).

Figure 37: construction pSMT1: luxAB : gène de luminescence de V. harveyi ; Phsp60 : Promoteur de Hsp60 « Heat Shock Protein 60 » de M. bovis BCG ; Hyg : gène de résistance à l’hygromycine utilisé comme marqueur de sélection ; Eori : origine de réplication en E. coli ;

ALori : origine de réplication en mycobactérie (Snewin et al., 1999).

3.3. Préparation des cultures de M. tuberculosis pour inoculation

Les souches de M. tuberculosis à utiliser chez la souris sont mises en culture en milieu liquide Middlebrook 7H9 supplémenté en ADS et en antibiotique afin de garder la pression de sélection (ex : hygromycine 50 µg/ml pour la souche H37RvLux). La culture est réalisée à

37°C, sous agitation, jusqu’à l’obtention d’une densité optique (DO600 nm) de 0.6 correspondant à la phase exponentielle de croissance. Les bactéries sont ensuite lavées de façon à obtenir une préparation concentrée et homogène (sans amas de bactéries). Les lavages sont réalisés par centrifugation de la culture (1800 g, 15 minutes), élimination du surnageant et mise en suspension du culot dans des volumes de 15 ml et 8 ml de PBS pour le premier et le second lavage, respectivement. La suspension est ensuite aspirée et rejetée 4 fois au travers d’une aiguille de 27G montée sur seringue afin de désagréger les amas de bactéries pouvant subsister. Le surnageant (afin d’éviter les amas sédimentés) est prélevé et transféré dans un nouveau tube contenant du glycérol pour assurer la conservation à -80 C°. Afin de déterminer la charge bactérienne de la préparation, des dilutions successives au 1/10 sont réalisées en PBS et étalées sur milieu solide 7H11+ADS. Le comptage des bactéries est réalisé 5 à 6 semaines après l’étalement et la charge bactérienne de l’inoculum préparé est alors déterminée. La prise d’une mesure de densité optique ou d’une mesure de luminescence (pour les bactéries H37RvLux) sont également de bons indicateurs de la charge bactérienne de l’inoculum. L’inoculum préparé est réparti en aliquots qui sont conservés à -80°C jusqu’à leur utilisation au moment de l’infection.

3.4. Préparation de l’inoculum

L’inoculum de M. tuberculosis est préparé à la dose désirée, par dilution en tampon PBS du stock concentré et standardisé, conservé à -80°C. Entre chaque administration, la préparation est mélangée afin de s’assurer de l’homogénéité de la suspension et de l’équivalence des doses administrées.

3.5. Anesthésie

Les souris sont anesthésiées par injection intrapéritonéale d’un mélange d’anesthésiques

composé de kétamine (50-200 mg/kg, CEVA®) et de xylazine (5-10 mg/kg, Rompun®).

3.6. Infection

L’infection est réalisée par instillation intra-trachéale. En bref, la partie antérieure du corps de la souris est suspendue à un fil tendu à partir de ses dents supérieures permettant d’obtenir un

angle droit avec la partie postérieure du corps qui repose sur la table de travail. Cette position facilite un accès aisé à la trachée. La langue est ensuite tirée et maintenue hors de la bouche à l’aide d’une pince. L’inoculum est déposé dans la trachée à l’aide d’une pipette micro-dosée et les narines de la souris sont maintenues fermées quelques secondes afin de s’assurer que la respiration s’effectue par la bouche et que l’inoculum pénètre bien dans les poumons. Comme la langue est maintenue, l’inoculum ne peut être avalé. Les souris infectées sont ensuite réparties en différents groupes (cages) en fonction du traitement qu’elles vont recevoir.

3.7. Traitement

Lorsque l’étude nécessite la réalisation d’un traitement des souris, celui-ci est commencé, en général, 7 jours après l’infection et pendant une durée de 21 jours. Des groupes contrôles de souris traitées par l’isoniazide et de souris recevant seulement le diluant ayant servi à la préparation de l’antibiotique, sont toujours inclus dans l’étude. Selon la molécule, le traitement est donné par gavage (de préférence) ou par injection intrapéritonéale (si la molécule est dégradée ou non-absorbée après administration orale). Ce choix est en général basé sur les résultats d’études pharmacocinétiques.

3.8. Euthanasie et homogénéisation des poumons

A différents temps, des animaux de chaque groupe (trois au minimum) sont euthanasiés par dislocation cervicale et leurs poumons sont prélevés de façon aseptique. Les sacrifices sont en général réalisés 24 heures et 1, 2, 3 et 4 semaines après l’infection. Lorsque l’étude nécessite l’administration d’un traitement, un sacrifice est également réalisé juste avant son début, afin de déterminer la charge bactérienne avant tout traitement. Les poumons prélevés sur les souris sacrifiées sont broyés manuellement au moyen d’un pilon dans un mortier. L’homogénat est amené à un volume final de 5 ml dans un tampon phosphate PBS complété

d’une solution de PANTA (MB/BACT® Antibiotic Supplement, BioMérieux) à la

concentration de 2,5 %. Cette solution est utilisée afin d’éviter toute contamination de l’organe lors du broyage. En effet, elle contient cinq agents anti-microbiens n’ayant pas d’effet sur les mycobactéries. Il s’agit de la polymyxine B, l’amphotéricine B, l’acide nalidixique, le trimethoprim et l’azlocilline. Les homogénats obtenus sont utilisés pour

déterminer la charge pulmonaire bacillaire par la réalisation d’un comptage de CFU (Colony Forming Unit) ou d’une mesure de RLU (Relative Light Unit). L’excédent d’homogénat est conservé à -80°C, en glycérol 25% final.

3.9. Numération des colonies de mycobactéries intra-pulmonaires

(détermination des CFU: Colony Forming Unit)

La charge mycobactérienne des poumons de souris sacrifiées est quantifiée par étalement de 100 µl des 5 ml d’homogénat de poumons sur milieu solide Middlebrook 7H11 supplémenté en ADS et pénicilline (30 mg/L) afin d’éviter la croissance d’éventuelles bactéries contaminantes. Des dilutions d’homogénats au dixième (en solution de PBS+PANTA) sont également étalées dans le but d’obtenir des boites contenant un nombre de bactéries facile à compter. Les colonies sont dénombrées après 4 à 6 semaines d’incubation à 37°C, en fonction de la souche utilisée.

Les comptages de CFU sont utilisés pour calculer le nombre total de CFU par poumons de souris. Par exemple, si on obtient, après incubation, 20 colonies sur une boite inoculée avec 100 µl d’une dilution à 1/100 de broyat de poumon homogénéisé dans 5 ml de milieu, on multipliera le nombre de 20 colonies par un facteur 100 x (dilution) et 50 x (100µl de 5 ml)

pour obtenir un résultat final de 104 bactéries (CFU) /poumon. Les résultats sont convertis en

« log10 » et la moyenne des valeurs obtenues pour les différentes souris d’un même groupe est exprimée en « Moyenne Log10 mCFU/poumon +/- DS ». L’analyse des données et les graphiques sont réalisés à l’aide du programme Excel.

3.10. Lecture de luminescence (détermination des RLU : Relative Light Unit)

Lorsque la souche H37RvLux est utilisée, une mesure de luminescence est réalisée en plus des étalements nécessaires à la numération des CFU. L’intensité de la luminescence est déterminée à l’aide d’un luminomètre « Turner Design 20/20 » et exprimée en RLU (Relative Light Unit). La mesure de luminescence est réalisée en double sur 500 µl des 5 ml d’homogénat frais de poumon, après centrifugation et mise en suspension du culot dans 900 µl de tampon phosphate (PBS). Juste avant la prise de la mesure, 100 µl de substrat est rajouté à la suspension donnant un volume final de 1 ml. Le substrat consiste en une solution

de n-décyl-aldéhyde (Sigma) dilué à 1% dans de l’éthanol. Les valeurs de RLU fournies par le luminomètre sont utilisées pour déterminer la valeur de RLU/poumon. Par exemple, si on mesure (en moyenne) une intensité de 2 RLU, on multipliera le nombre de 2 RLU par un

facteur 10 x (500 µl des 5 ml d’homogénat) pour obtenir un résultat final de 20 RLU ou2.104

mRLU/poumon. Les résultats sont exprimés en « Moyenne Log10 mRLU/poumon +/- DS ». L’analyse des résultats et les graphiques sont à nouveau réalisés à l’aide du programme Excel.

Seules les bactéries vivantes sont prises en considération lors de ce test car l’émission de lumière est dépendante de la présence du cofacteur FMNH2 (mononucléotide flavine réduit) uniquement présent dans les cellules vivantes. Les mesures de luminescence sont

significatives pour des quantités de bactéries comprises entre 103 et 107 mRLU. La valeur de

RLU peut être corrélée avec le nombre de CFU, le ratio CFU/mRLU est d’environ 10 dans notre cas. Ce ratio est une valeur relative, spécifique pour chaque laboratoire car elle dépend du type de luminomètre utilisé (Rosseels et al., 2006).

3.11. Etude pharmacocinétique (détermination des ASC)

Afin d’évaluer la biodisponibilité d’une molécule étudiée, des études pharmacocinétiques sont réalisées sur souris. En bref, les molécules testées sont administrées intra-péritonéalement ou oralement (par gavage) à des souris C57/BL6 femelles. Les souris sont ensuite anesthésiées par le mélange kétamine-xylazine et saignées à 10, 20 et 30 minutes et 1, 3 et 6 heures après administration d’une dose unique du composé étudié. Les échantillons de sang, collectés à partir de la région brachiale et déposés dans des tubes héparinés, sont alors centrifugés (5000 g, 15 min) afin de séparer le plasma qui est envoyé pour analyse LC-MS/MS à l’Institut Pasteur de Lille. L’Aire Sous la Courbe (ASC) de la concentration plasmatique du composé en fonction du temps est alors calculée. Cette valeur, exprimée en unité de poids par volume de sang et par unité de temps (µg.h/mL), reflète la quantité du produit résorbé et ayant pénétré dans la circulation sanguine en fonction du temps.