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Quatre manières de concevoir l’urbanité

PARTIE II – ABORDER LA RELATIVITE DU SENTIMENT D’URBANITE

Chapitre 4 – Une approche théorique complémentaire

III. Une urbanité plurielle

1. Quatre manières de concevoir l’urbanité

La question 1 est ici la question principale pour envisager différentes définition de l’urbanité chez les chercheurs. C’est à partir de cette première question que l’on peut essayer de distinguer des manières différentes de voir l’urbanité, d’émettre des hypothèses, avant de vérifier ces hypothèses en croisant les résultats des différentes questions. Au regard des résultats de cette première question (des résultats présentés plus haut à titre d’exemple), quatre façons de penser l’urbanité semblent émerger, deux façons de penser principales et deux plus secondaires en termes d’individus concernés. Une première, importante, qui place les interactions au cœur de la définition de l’urbanité ; une seconde, plus secondaire, pour qui les espaces, et les interactions qu’ils permettent, sont centraux pour appréhender l’urbanité ; une troisième, elle aussi

minoritaire, très critique envers le terme d’urbanité ; et enfin une quatrième, elle aussi assez partagée, où l’urbanité est perçue comme une possible clé de lecture de l’urbain contemporain. Avant d’aller plus loin, il faut préciser que notre propos ne vise pas ici à essentialiser le discours des chercheurs en termes de disciplines mais à distinguer des manières de penser l’urbanité108. Face aux réponses à la question 1, nous avons d’abord opéré un codage thématique des réponses en sept catégories :

- diversité : à différents niveaux, diversité sociale, diversité de l’offre, etc.

- densité : là aussi à différents niveaux, densité humaine, densité de bâti, densité de services.

- interactions : interactions et lieux d’interactions

- qualité de vie : la question de la qualité de vie et de l’urbanité comme construction historique et culturelle.

- mouvement : surtout compris ici en référence à la mobilité.

- morphologie : la question de la morphologie et la façon de construire la ville de manière opératoire

- rien : l’idée que l’urbanité n’aurait pas de sens.

Ces sept catégories, reprenant les grandes thématiques liées à l’urbanité observées déjà dans la bibliographie, fondent notre analyse. Ce codage thématique permet de faire ressortir des manières de penser où des thèmes différents occupent la place centrale. Le traitement des réponses s’inspire à nouveau de la méthode fréquence-rang développée par Vergès (1992) et décrite en détail précédemment. Il est à noter qu’il ne s’agit ici que d’une inspiration visant à faire ressortir des tendances, dans la mesure où notre effectif réduit ne nous permet pas d’accéder à des résultats définitifs.

i. L’urbanité comme une somme d’interactions

Tableau 13 : l’urbanité pensée avant tout comme une interaction

G1 (8 chercheurs) RM >2,6 RM <2,8 FPM >14,3 Interactions - Qualité de vie

FPM <14,3 Morphologie - Diversité Densité - Mouvement - Rien (0)

Les termes soulignés dans le tableau sont les termes qui sont les plus cités (remarque valable pour tous les tableaux à suivre).

Huit chercheurs peuvent ici être intégrés dans cette manière de penser. Le terme le plus important qui ressort est lié à la thématique « d’interactions et de lieux d’interactions ». On se situe dans une manière de penser qui s’inspire de la définition de l’urbanité comme somme d’interactions, beaucoup plus que comme manière de caractériser des espaces. Pour les chercheurs de ce premier groupe, on note que peu utilisent le terme urbanité en tant que tel dans leurs travaux de recherche. L’urbanité est surtout utilisée ici dans une connotation assez positive, liée à la qualité de vie notamment (une catégorie qui ressort aussi fortement ici, juste après les interactions). On note que ce groupe est composé de chercheurs issus de disciplines différentes.

ii. L’urbanité comme des interactions en situation

Tableau 14 : l’urbanité pensée comme une interaction en situation

G2 (3 chercheurs) RM >1,8 RM <1,8

FPM >14,3 Qualité de vie – Interactions - Mouvement - Morphologie

FPM <14,3 Rien (0) - Diversité (0) - Densité (0)

Nous sommes ici face à une manière de penser qui, par certains aspects, est assez proche de la précédente. La nuance concerne la thématique « qualité de vie » qui revient ici en premier, en termes de rang et de fréquence, la question des interactions n’intervenant qu’en second (soit l’exact inverse du groupe précédent). Pour ces chercheurs, l’idée centrale dans la manière d’envisager l’urbanité, tient à la possibilité pour les individus de s’approprier les espaces, en fonction de la qualité de ceux-ci. Ce qui conduit à accorder un rôle fondamental au concepteur de ces espaces. Ce groupe est en revanche constitué de moins d’individus que le premier et est moins interdisciplinaire. On y retrouve, en effet, principalement des chercheurs qui sont aussi impliqués dans des questions opérationnelles (architectes, urbanistes). Ce qui explique aussi l’importance accordée à la question de la morphologie et à la manière de construire la ville, au sens très opérationnel du terme, puisque ce sont essentiellement des chercheurs impliqués dans la fabrique de la ville.

iii. L’urbanité critiquée et relativisée

Tableau 15 : l’urbanité pensée dans une approche critique et relative

G3 (2 chercheurs) RM >2,2 RM <2,2 FPM >14,3 Rien - Qualité de vie

FPM <14,3 Interactions - Morphologie Mouvement - Diversité (0) - Densité (0)

Il s’agit ici d’un groupe assez minoritaire (deux individus seulement) mais qui a une position très tranchée sur la question de l’urbanité109. Pour ces chercheurs le terme d’urbanité a aujourd’hui été vidé de tout son sens et ne serait plus qu’un terme idéologique utilisé par certains pour cacher une forme de mépris des espaces non hyper-urbains. Cette approche critique et relative s’attaque donc à la définition de l’urbanité en tant que manière de caractériser des espaces car elle privilégierait alors les espaces hyper urbains et centraux. Elle s’oppose aussi à l’idée d’une urbanité comme interaction, en lui reprochant d’approcher l’urbanité de façon très globalisante et d’être finalement « un peu tout et n’importe quoi » (entretien chercheur 11) et de ne pas pouvoir être cernée et définie clairement. C’est ici la thématique « pas de sens » qui revient le plus, les autres thématiques n’étant citées que dans le cadre d’un « jeu » visant à se mettre à la place de chercheurs utilisant ce mot d’urbanité (ce « jeu » est spécifié par les chercheurs eux-mêmes dans leur discours). Cette façon de penser est essentiellement le fait de sociologues qui attachent une importance toute particulière à un travail de déconstruction des termes et concepts qu’ils utilisent.

iv. L’urbanité comme clé de lecture de l’urbain contemporain

Tableau 16 : l’urbanité comme clé de lecture des réalités urbaines contemporaines G4 (5 chercheurs) RM >2,4 RM <2,4

FPM >14,3 Diversité - Densité - Qualité de vie - Interactions

FPM <14,3 Mouvement - Rien (0) - Morphologie (0)

Pour ce groupe, l’urbanité peut être un concept intéressant à utiliser pour donner des clés de lecture simples de réalités urbaines contemporaines complexes. On se situe plus dans une

109 C’est un groupe de deux individus seulement pour lequel l’utilisation de la méthode fréquence/rang peut être

définition de l’urbanité associée aux manières de caractériser des espaces. Les termes centraux (en termes de rang et de fréquence) sont les notions de densité et de diversité, à entendre ici selon le principe d’une combinaison entre ces deux notions, dans la lignée plus ou moins directe, selon les chercheurs, des travaux de Jacques Lévy (1997, 2003). Cependant, les thématiques autour des interactions et de la qualité de vie ne sont pas non plus absentes du discours, ce qui illustre aussi une certaine porosité entre ces quatre manières de penser.