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PARTIE I – L’URBANITE, UN CONCEPT RELATIF

Chapitre 2 – Relativité épistémologique

II. Urbain, urbanité, citadinité

1. L’urbanité, un concept en débat

i. De l’altérité à la dimension individuelle de la ville : urbanité et citadinité

Il semble qu’une des composantes centrales de l’urbanité soit aussi une posture individuelle d’ouverture dans le rapport aux autres dans l’espace urbain, d’acceptation de la confrontation à l’altérité, notamment dans l’espace public. Cette posture renvoie au savoir vivre ensemble, à « ces manières d’être en ville » selon Monnet (1999, p.106, cité in Dorier-Apprill, 2001, p.95). Ce vivre ensemble rappelle également le rapport à l’autre décrit par Simmel. Pour l’auteur, l’urbanité doit être envisagée à travers la notion de rencontre et d’imprévu. L’urbanité renverrait finalement, pour reprendre une expression de Simmel citée par Beuscart et Peerbaye (2003, p.4), à des « manières et modalités diverses de combiner distance et proximité entre hommes ». Si l’urbanité est une manière d’être aux autres, fondée sur une « distanciation polie » au sens de Pierre Sansot (1984), qui préfigure aussi l’espace public, elle doit relever d’une posture volontaire d’ouverture de la part des individus. En effet, cette distanciation polie n’est pas

forcément une fermeture à l’autre mais au contraire la possibilité de rencontre et d’expérience de l’altérité. Cette forme d’expérience se rapprocherait des notions d’imprévu, de non programmable et de non programmé, formalisant la notion d’évènement au sens de Lefebvre. Pour ce dernier, l’évènement relève d’une situation urbaine née d’une interaction, ou d’un mode d’appropriation, inattendu ou imprévu au sein d’un espace public (Lefebvre, 1970). L’urbanité, serait aussi cette propension des individus à inventer de nouvelles formes de rapports sociaux spontanés, quitte à ce que ces évènements (si l’on pousse cette logique à son paroxysme) produisent du désordre, du non désiré (pour les pouvoirs publics ici). L’urbanité est donc aussi la capacité d’invention ou de réinvention perpétuelle du vivre ensemble. Elle n’est pas figée. Notons, au passage, que « l’évènement » tel qu’il est pensé aujourd’hui dans le cadre de l’urbanisme contemporain par les pouvoirs publics des grandes villes, notamment françaises, est très loin de cette notion d’évènement chez Lefebvre. Dans le sens défini par l’auteur, ces évènements contemporains relèvent avant tout du non évènement, car ils sont banalisés, contrôlés, et stéréotypés72.

L’urbanité serait alors un lien opérant entre la capacité sociale des individus et la potentialité des espaces urbains en terme de liens et d’interaction sociale (Dorier-Apprill, 2001, p.81). Ce serait donc aussi un mode de territorialisation, au sens ici d’appropriation symbolique au niveau individuel (sentiment d’appartenance ou de connivence) (Monnet, 1999, in Dorier-Apprill, 2001, p.93). Cette dimension symbolique conduit alors à questionner le rapport entre urbanité et citadinité. En effet, on l’a vu, l’urbanité peut être définie de deux façons ; comme une façon de caractériser des espaces plus ou moins urbains et/ou comme des modes d’interactions entre des individus dans un environnement, quels qu’ils soient. Gervais-Lambony (in Dorier-Apprill, 2001, p.93) estime lui justement que l’urbanité relève davantage des formes urbaines, de la construction de la ville sur le temps long alors que les pratiques des habitants en milieu urbain relèveraient de la citadinité. La citadinité, serait entendue d’un point de vue plus individuel. Ce sont d’abord les pratiques mêmes des individus, et la façon dont ces pratiques permettent de s’approprier les espaces, qui sont un préalable nécessaire à un investissement des individus en tant que citoyen au sein des territoires. Ce concept n’est pas au cœur de notre réflexion ici, mais il semble nécessaire de clarifier dès à présent notre position vis-à-vis de ce terme. Pour Michel Lussault, la citadinité est définie comme « la dimension actorielle de l’urbanité » (Lussault, 2003, p.160). Cette dernière relèverait donc plus du collectif. Elle constitue « un ensemble –

très complexe et évolutif – de représentations nourrissant des pratiques spatiales, celles-ci en retour, par réflexivité, contribuant à modifier celles-là » (Lussault, 2003, p.160). Il s’agit d’une compétence propre à chaque acteur, qui possède une citadinité protéiforme « qu’il investit dans chaque action urbaine », d’où une difficulté à créer des grilles de lecture fiables de cette citadinité.

La notion de citadinité est particulièrement utilisée dans le cadre de l’étude des villes arabes, villes qui évoluent très vite aujourd’hui. Elle contribue à étudier la qualité des espaces publics mais aussi les évolutions rapides des pratiques et des représentations des individus au sein de ces villes (Berry-Chikhaoui, 2000, Coignet, 2008, Stadnicki et Touber, 2008).

Contrairement à la notion d’urbanité, qui peut se penser en termes de gradients et d’indicateurs, il est beaucoup plus difficile de donner une clé de lecture simple de la citadinité.

ii. Appréhender l’opérationnalisation de l’urbanité

L’urbanité reste un concept fort dès lors qu’il est utilisé à des fins opératoires. Ainsi, les réflexions menées par Jacques Lévy et Michel Lussault, qui envisagent de distinguer urbanité a priori et a posteriori, visent finalement à concevoir des outils de « mesure » suffisamment sensibles pour permettre de comparer certaines villes du monde, malgré les différences culturelles entre les espaces urbains interrogés. C’est notamment dans cette logique qu’ont été conceptualisés les modèles de Johannesburg et d’Amsterdam, comme deux modèles d’urbanité possibles, à certains égards antagonistes, et qui pourraient se décliner en fonction des contextes locaux (Levy, 2003, pp.952-956). L’un, Johannesburg, serait typique de villes où l’urbanité a posteriori73 est relativement faible ; c’est, pour caricaturer, le modèle des villes nord- américaines et des villes africaines. L’autre, Amsterdam, serait typique de villes où l’urbanité est plus forte ; c’est plutôt le modèle des villes européennes et est-asiatiques notamment. Dans cette optique, la gamme de mesure de l’urbanité contribue à caractériser des espaces urbains dans une logique « objectiviste ». L’idée de Lévy et Lussault est de donner une grille de compréhension de l’urbanité qui soit valide, réutilisable et reconnue par tous, l’urbanité a priori faisant ici office d’urbanité universelle, non discutable, mais vérifiable toutefois par l’urbanité a posteriori.

Dans cette logique de mesure de l’urbanité, Levy crée aussi la notion de gradient d’urbanité. Cette notion résulterait d’une combinaison densité/diversité plus ou moins forte et permet

d’intégrer les espaces périurbains à ces logiques d’urbanité. Mais ces gradients ne sont pas uniquement envisagés de manière systématique dans la mesure où, avec l’émergence de la ville polycentrique (Chalas, 2000), des centralités extérieures aux centres historiques et aux centres géométriques émergent et reconfigurent l’urbanité traditionnellement centrée sur ces espaces. L’appréhension de l’urbanité nécessite de penser des principes pour la mesurer. C’est précisément ce que propose Lévy (1997) à l’aide de sept principes :

- Réfléchir en fonction d’un couple densité/mixité. - Distinguer urbanité a priori et a posteriori. - Distinguer urbanité absolue et urbanité relative.

- Mesurer l’urbanité en tous points, c'est-à-dire ne pas présupposer d’un périmètre de ce qu’est la ville et de ce qu’est le périurbain.

- Prendre en compte les différentes métriques qui animent la ville : pédestre, automobile etc.

- Ne pas négliger de prendre en compte les réseaux qui structurent la ville dans un monde de mobilité généralisée.

- Et enfin chercher des indicateurs simples.

Mais ces logiques de gradients et d’indicateurs posent aussi un certain nombre de limites. En effet, la notion de gradient d’urbanité nécessite de prendre en compte de très nombreux facteurs, en terme de représentation de la ville, de parcours de vie, de pratiques quotidiennes ou de motivations résidentielles. Et c’est une difficulté majeure lorsque l’on questionne la notion d’urbanité. S’interroger sur une urbanité a priori, c’est se placer du côté de la « ville panorama » de de Certeau et refuser de prendre en compte les pratiques individuelles et surtout les représentations individuelles. Ces dernières sont en effet très difficiles à mesurer, y compris dans le cadre de l’appréhension d’une urbanité relative. On pourrait essayer de contourner cet écueil par une entrée par la citadinité, mais ce concept semble difficile à quantifier.

iii. De nouvelles urbanités

Dans un monde où l’urbain tend à être généralisé mais aussi fragmenté, où l’on constate l’émergence de nouvelles formes urbaines, on peut s’interroger sur ces nouvelles formes d’urbanités qui renouvellent la vision classique du terme. C’est notamment l’exemple de la question périurbaine. Le périurbain prend de plus en plus de place dans les pays occidentaux en terme de populations concernées par le phénomène et il modifie en profondeur l’environnement urbain classique, opposant fortes densités de la ville-centre aux faibles densités de la campagne

environnante. Pour prendre le seul exemple français, le périurbain représenterait en 2011 près de 20 000 communes pour une population de près de 16 millions d’habitants (chiffres de Eric Charmes, 2011, pp. 1-2). Ces chiffres sont issus d’une catégorisation Insee assez réductrice dans sa définition du périurbain. Pour l’Insee, le périurbain se définit sur deux critères fondamentaux : un critère paysager et un critère fonctionnel. Il faut tout d’abord, pour qu’une commune soit périurbaine, qu’il y ait une coupure paysagère d’au moins 200 mètres non bâtis entre le pôle urbain composé d’une ville-centre et des communes de banlieues et ces communes dites périurbaines. Il faut ensuite, au niveau fonctionnel, que 40% au moins de la population active d’une commune travaille dans le pôle urbain pour qu’une commune soit dite périurbaine. Dans un contexte de dilatation des distances entre le lieu de travail et le lieu de résidence, on voit que cette définition et ce seuil de 40% peut avoir des limites. Mais cette catégorisation de l’Insee, même limitée, offre l’intérêt de proposer une définition cadrée du périurbain.

Si cette réalité est déjà intégrée à la question des gradients d’urbanité de Jacques Levy, certains auteurs, comme Laurent Cailly (2004) ou Yannick Sencébé (2013), vont jusqu’à se poser la question du périurbain comme modèle émergent de l’urbanité, voire de l’émergence d’une « périurbanité ».

Chalas (2001) lorsqu’il envisage 7 marqueurs de l’urbanité contemporaine (la mobilité – le territoire – la nature – le polycentrisme – le choix – le vide et le temps continu) va aussi dans le sens de la réflexion sur de nouvelles formes d’urbanités émergentes. Ces 7 marqueurs aboutissent pour Chalas à faire émerger des réalités socio-spatiales nouvelles :

- la « ville mobile », - la « ville territoire », - la « ville nature »,

- la « ville polycentrique », - la « ville au choix »,

- la « ville des vides et des pleins », - la « ville à temps continu ».

Pour Chalas (2001), il faut ainsi réfléchir à la « ville mobile » et à la place que les mobilités ont aujourd’hui pris dans nos villes. Indéniablement, les mobilités structurent largement les villes contemporaines et sont à la base même de la réalité urbaine contemporaine, qui est celle des villes fragmentées, ou des villes au choix. Derrière ce concept de ville mobile, il y a aussi l’idée de la nécessité de s’interroger sur les types de métriques que l’on retrouve dans la ville. Cette

réflexion sur les métriques n’est pas nouvelle puisqu’elle avait déjà été mise en avant par Pierre George (1961) ou par Jacques Levy (1997). Qu’elles soient pédestres, cyclistes ou automobiles, ces métriques, et les pratiques qu’elles mettent en jeu, n’offrent pas les mêmes conditions de représentation de la ville ni les mêmes façons de vivre ces villes. Ainsi ces métriques, et ce qu’elles permettent en termes d’interactions, produisent des ambiances différentes, à la fois pour les individus qui les pratiquent et pour les espaces qui les portent. Et se poser la question des métriques amène à penser la question de l’accessibilité, qui est aujourd’hui particulièrement centrale dans nos sociétés mobiles (Rifkin, 2000). Au sein de nos sociétés contemporaines, la maîtrise de ces mobilités est même devenue un véritable marqueur de classe particulièrement discriminant, c’est l’idée essentielle de la théorie des classes mobiles (Ollivro, 2000).

Mais la notion de ville mobile invite aussi à interroger le rôle des outils numériques et objets connectés dans l’urbanité contemporaine. Si ces technologies peuvent créer du lien social, de l’imprévu, de l’évènement au sens de Lefebvre (1970), et de l’espace public virtuel, peut-on pour autant parler d’urbanité virtuelle ? Sans doute que non dans la mesure où cette urbanité n’est plus alors matérielle et où l’urbanité doit rester non artificielle. Néanmoins, l’urbanité pourrait être sous-tendue par le virtuel. Et on peut aussi interroger ce que la ville digitale fait à l’urbanité. C’est d’ailleurs le sens des réflexions d’Hélène Bailleul et de Thierry Bulot (2015). La « ville territoire » invite à réfléchir au fait, qu’à l’heure de la mobilité généralisée, les territoires de vie des urbains sont aujourd’hui particulièrement plus étendus qu’ils ne l’ont jamais été, notamment dans le cadre de la Métapolis (Ascher, 1995) et d’un urbain généralisé ou fragmenté aujourd’hui. Il semble donc, pour envisager l’urbanité aujourd’hui, nécessaire de prendre en compte une multitude d’échelles, allant du très proche (la « proxémie » de Hall, 1978), au plus lointain, qui peut être très lointain. Ainsi, pour un navetteur effectuant le trajet le Mans-Paris, la gare Montparnasse fait partie intégrante de la vie quotidienne et est devenue une composante comme une autre de son espace vécu au quotidien.

En outre, la « ville nature » envisage de prendre en compte dans l’urbanité contemporaine, non la simple place qu’a la nature dans la ville mais aussi la capacité de la nature à faire la ville, notamment à travers certains mouvements de ruralisation de la ville (Mathieu, 2017). Car, dans le cadre d’un monde où l’urbanité serait diffuse et partout présente, englobant donc la ruralité, cette dernière peut aussi produire de nouvelles formes d’urbanité. C’est l’exemple de la diffusion de l’agriculture urbaine entre autres (Ba et Aubry, 2011). Ces réflexions sur une urbanité des espaces ouverts et naturels renversent la vision traditionnelle d’une urbanité pensée dans un cadre densément bâti et invitent à réfléchir sur des lieux qui pourraient être « urbains »,

au sens de provoquant des conditions de réalisation de formes d’interactions sans pour cela être densément bâtis (Banzo, 2009).

Pour ce qui concerne la « ville polycentrique », on se situe dans une optique plus classique d’émergence de centralités périphériques qui peuvent prendre le pas dans les pratiques quotidiennes des urbains sur les centralités traditionnelles, notamment le centre-ville. C’est l’exemple de certains grands centres commerciaux de périphérie ou de certains cinémas multiplexes. Un exemple type pour le cas français étant la création de centralités périphériques autour de grands pôles d’échange, notamment des gares, processus que l’on retrouve souvent avec l’arrivée d’une ligne à grande vitesse au sein des métropoles françaises74.

Pour Chalas (2001), l’urbanité contemporaine serait aussi caractérisée par ce qu’il appelle la « ville au choix », que l’on peut assimiler à la ville à la carte et qui rejoint l’idée d’une fragmentation des espaces de vie des individus, plus seulement à l’échelle de la ville constituée, mais de l’agglomération, voire des espaces de vie plus lointains des individus. On passerait ainsi d’une dialectique logement/quartier à une dialectique logement/agglomération en termes d’espaces vécus pour les urbains contemporains. Ce qui change aussi la manière de voir l’urbanité, qui a longtemps été associée à l’idée de centralité.

En outre, dans la prise en compte de la morphologie urbaine, Chalas (2001) note qu’il ne faut pas uniquement se pencher sur les pleins (au sens d’espaces bâtis). Les vides et l’usage qui en est fait, la place qu’ils ont dans la ville, font aussi urbanité et doivent être interrogés. Ce sont des espaces qui laissent une large part à l’appropriation par les habitants, avec ce que cela peut entrainer d’imprévu.

Enfin, il semble primordial pour Chalas, d’introduire aussi une dimension temporelle dans l’étude de l’urbanité. En effet, aujourd’hui les villes tendent à vivre en continu, 24h/24 pour reprendre une expression de Luc Gwiazdinski (2003), tout spécialement les très grandes villes. Cette nouvelle donne temporelle implique autant d’urbanités différentes en fonction des temporalités urbaines, qu’elles soient par exemple diurnes ou nocturnes.

Ces réflexions de Chalas (2001) ont le mérite de poser de nouvelles questions et de nouvelles manières de réfléchir à l’urbanité, en sortant d’un cadre traditionnel basé sur une centralité unique et sur un espace défini et dense. Les dialectiques classiques centre/périphérie – continuité/discontinuité – mixité/ségrégation – plein/vide cèdent dès lors le pas à la ville paradoxale du tout à la fois, à la ville « sans lieu ni borne » à l’urbanité plurielle et insaisissable.

74 La création du quartier autour de la Part Dieu à Lyon dans les années 1970 et 1980, le quartier Eura Lille dans

iv. Une urbanité polysémique et polymorphe

Derrière le terme d’urbanité se cache donc une multiplicité de sens qui peut, à terme, nuire à la force de l’urbanité en tant que concept et l’affaiblir, même si certains auteurs se sont penchés sur la manière de redonner un sens fort à l’urbanité en l’insérant au cœur de leur problématique, Chalas et Lévy notamment.

Mais l’urbanité, en plus d’être polysémique tend aujourd’hui à être polymorphe au sens où elle peut s’incarner dans des lieux très divers en fonction du sens qui lui est donné, d’où l’importance de la notion de relativité dans notre manière de l’investiguer. Ce caractère polymorphe de l’urbanité était déjà mis en avant par Kévin Lynch dans les années 1960 avec son concept de « points structurants ». Des points structurants qui pouvaient être de nature très diverses. Mais, de manière « traditionnelle », si l’on entend l’urbanité comme manière d’être ensemble en ville, le lieu par excellence de réalisation de cette urbanité est l’espace public, envisagé dans le sens d’Isaac Joseph, comme lieu essentiel de la coexistence réglée des différences (1984).

L’urbanité est aussi rattachée à la notion de centralité urbaine, qui peut s’incarner dans une place centrale ou dans la figure classique de la rue de l’hyper-centre ou du centre historique dans les villes européennes. La centralité, c’est « ce qui est au centre, ou ce qui est un centre » (Brunet, 1992, p.95) et ce qui est au centre est souvent associé aux notions de densité, les centres anciens des villes européennes étant par essence caractérisés par une forte densité du bâti et une forte diversité. Ces derniers sont également historiquement marqués par une expérience de l’altérité et une tradition forte de l’échange (Brunet, 1992, p.95). De la même manière, la place du marché peut être envisagée comme une figure symbolique de l’urbanité (De la Pradelle, 1995). Le marché fait ville car il rassemble une forte densité de population, donc une densité issue de milieux différents, une diversité, sur un espace public souvent assez central, au moins symboliquement. Pour Lussault, le centre urbain est « un géotype urbain caractérisé par l’association maximale de la densité et de la diversité des relations sociales » (2003, p.144). Cette logique classique est notamment à la base de la théorie dite des gradients d’urbanité qui se posent comme décroissants à mesure que l’on s’éloigne de ce centre urbain. Cette théorie des gradients se fonde sur une série de géotypes définis qui discriminent à la fois de façon absolue et de façon relative des « sous » espaces urbains. La série commence pour Lussault « par le géotype central (qui n’est pas nécessairement en position de centre géographique) qui possède l’urbanité la plus importante. Cette importance donnée à la centralité résulte du constat empirique du caractère fondamental de sa structuration au sein de toutes les

organisations spatiales. La suite de géotypes généraux court jusqu’au non-urbain et couvre la quasi-totalité des états urbains observables » (Lussault, 2003, p.967). On peut noter que le caractère fondamental de ce géotype central peut largement être nuancé, notamment dans la hiérarchie qu’il induit entre espaces (exemple de la Défense qui est une centralité mais