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METHODOLOGIE DE LA RECHERCHE

4.3 Du côté de l’enseignement ordinaire : l’observation des pratiques enseignantes

4.3.2 Méthodologie pour l’analyse des scénarios

Pour analyser les scénarios de chaque enseignant, nous avons recours aux séances filmées, desquelles nous dégageons le cours et les tâches25 proposées. Une tâche correspond à ce que l’élève doit faire en classe. Dans notre étude, en référence à notre cadre théorique, le terme « tâche » désigne un énoncé d’exercice à résoudre, tandis que le terme « activité de l’élève » désigne la réalisation de la tâche, autrement dit, la résolution de l’exercice. Les tâches peuvent être tirées du manuel scolaire ou proposées en supplément par les enseignants. Une tâche comporte un ou plusieurs items ; un item correspond donc à une question autonome ou intermédiaire de l’exercice.

Par exemple, dans la figure ci-dessous, la tâche consiste à « Réduire une expression algébrique », elle comporte quatre items :

Réduire

a) −2𝑥3. (−𝑥4) ; b) −0,5𝑥² × 8𝑥3 ;

c) 0,2𝑥² − 1,2𝑥² ; d) −0,5𝑥3− 8𝑥3.

Exercice 14 – p. 136 – Manuel Théma, EB7 (5e)

Nous menons une analyse de la praxéologie enseignée à partir d’une analyse a priori pour chaque tâche proposée dans la séquence et d’une analyse a posteriori en tenant compte du nombre de tâches proposées et de leur organisation dans la séquence.

a) Analyse de la praxéologie enseignée

Afin de définir la praxéologie enseignée de chaque enseignant, nous menons une analyse a priori des tâches de la séquence en nous référant à la praxéologie de référence (Pilet, 2012) présentée à la section 2.3 et en indiquant les niveaux de mise en fonctionnement des connaissances en jeu (Roditi et Salles, 2015 ; Salles, 2017) décrits à la section 3.2. Nous dressons la liste de toutes les tâches proposées dans les séances observées et nous dénombrons les items correspondants. Puis, nous précisons le (ou les) type(s) de tâches

Faculté des sciences de l’éducation, U.S.J. 96 correspondant(s). En effet, à chaque tâche correspond un ou plusieurs types de tâches T-convoqués, lorsque l’énoncé mentionne explicitement le type de tâches (cf. section 1.3).

Par exemple, dans la tâche de la figure 4.1, deux types de tâches sont T-convoqués : 𝑇𝑅−𝑐𝑎𝑛𝑜𝑛𝑖𝑞𝑢𝑒 Réécrire un monôme sous la forme canonique 𝑎𝑋𝑛, 𝑎 ∈ 𝐼𝑅, 𝑛 ∈ 𝐼𝑁 pour les items a et b, et 𝑇𝐹𝐴−𝑚𝑜𝑛+𝑚𝑜𝑛 Factoriser une somme de monômes de même degré pour en donner la forme réduite pour les items c et d. Deux autres types de tâches sont R-convoqués, c’est-à-dire que leur convocation est à la charge de l’élève, 𝑇𝑆𝑡𝑟𝑢𝑐𝑡𝑢𝑒−𝑝𝑟𝑜𝑑𝑢𝑖𝑡 Identifier un

produit de facteurs pour les items a et b, et 𝑇𝑆𝑡𝑟𝑢𝑐𝑡𝑢𝑒−𝑠𝑜𝑚 Identifier une somme algébrique

de termes pour les items c et d. Ainsi, cette tâche correspond à deux types de tâches T-convoqués, et pour chacun d’eux, deux items sont proposés.

La comparaison de la liste de types de tâches ainsi élaborée et de celle des genres de tâches qui lui correspond permet de caractériser la praxéologie enseignée par chaque enseignant. Celle-ci sera comparée à la praxéologie de référence, d’une part, et à la praxéologie à enseigner définie à partir de l’analyse institutionnelle (cf. chapitre 5), d’autre part. Les fréquences d’apparition des genres de tâches constitutifs des praxéologies locales de référence montrent la place qu’occupe chaque praxéologie locale dans la pratique de l’enseignant, et particulièrement celle consacrée à la génération et à l’équivalence des expressions algébriques, que nous avons présentées à la section 2.3. Malgré notre conviction que le nombre d’items résolus n’a pas énormément d’influence sur les apprentissages des élèves, nous pensons qu’il peut renseigner sur la pratique des enseignants et peut fournir un élément important à croiser avec les apprentissages des élèves.

De plus, nous pensons que les niveaux de mise en fonctionnement des connaissances algébriques en jeu représentent un facteur influençant l’activité des élèves, et que c’est par le jeu des différentes adaptations d’une même propriété proposées aux élèves que l’apprentissage peut se faire. Nous distinguons alors, pour l’analyse des tâches, les niveaux de mise en fonctionnement des connaissances algébriques en nous référant à la catégorisation proposée par Roditi et Salles (2015) et Salles (2017), présentée à la section 3.2 et résumée par le tableau ci-dessous :

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Tableau 4.2 – Niveaux de mise en fonctionnement des connaissances

Niveau de mise en fonctionnement

OBJET Concept Calcul Répertoire Flexibilité OU TI L Directe Adaptation Intermédiaires

Voici quelques exemples qui illustrent l’utilisation de cette catégorisation dans notre travail.

- L’item ci-dessous relève de la catégorie Compréhension qualitative de concepts ou Concept.

Si on a : 𝑎 = 𝑏, l’égalité 𝑎 + 𝑐 = 𝑏 + 𝑐 est-elle vérifiée ?

L’élève doit en effet exprimer, par une réponse, sa compréhension de la conservation de l’égalité en ajoutant un même nombre aux deux membres, sans aucune justification ni méthode en EB7. Il peut avoir recours, mentalement, à l’utilisation de la balance qui garde l’équilibre lorsqu’on ajoute une même masse à ses deux plateaux.

 Dans les deux items suivants, la connaissance mise en jeu est de l’ordre du calcul, elle n’est mise en relation avec aucune situation.

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Exercice 25 – p. 137 – Collection Théma, EB7

Le premier item, l’exercice 26, porte sur une technique de calcul algébrique, la simple distributivité de la multiplication sur l’addition. Il nécessite une automatisation de calcul et correspond donc à la catégorie répertoire. Tandis que la résolution du second item, l’exercice 25, suppose l’acquisition d’un niveau de flexibilité : l’élève doit lui-même réaliser que, pour calculer le plus simplement possible, il faut commencer par réduire l’expression en convoquant des types de tâches relatifs à la suppression des parenthèses, avant d’appliquer la substitution et calculer la valeur numérique de l’expression pour des valeurs particulières des variables.

 Dans l’item suivant, la tâche à effectuer est courante et nécessite la mise en œuvre d’une procédure indiquée par l’énoncé. Il nécessite la mise en fonctionnement directe d’une connaissance et appartient à la catégorie directe.

Exercice 6 – p. 150 – Collection Puissance, EB7

Pour résoudre cet exercice, l’élève doit mobiliser ses connaissances relatives au calcul du périmètre d’une figure, comme il est demandé de faire dans l’énoncé, puis remplacer les mesures des côtés par les valeurs indiquées dans chaque figure et réduire l’expression algébrique obtenue.

Faculté des sciences de l’éducation, U.S.J. 99  La tâche suivante appartient à la catégorie adaptation. Elle comporte deux items : le

calcul de l’augmentation de l’aire et le calcul de l’augmentation pour une valeur particulière du côté.

Exercice 3 – p. 96 – Collection Puissance, EB8

Le premier item nécessite le passage du cadre géométrique au cadre algébrique pour le résoudre. L’élève doit commencer par exprimer le côté du carré agrandi en fonction de x, avant de calculer son aire puis l’augmentation de l’aire. Ainsi, la tâche nécessite la mise en fonctionnement d’une connaissance avec adaptation de l’énoncé ;

 L’item ci-dessous nécessite la mise en fonctionnement d’une connaissance avec introduction d’intermédiaires ; il appartient à la catégorie intermédiaire.

Exercice 36 – p. 162 – Collection Théma EB8

Pour résoudre cet exercice, l’élève a en charge d’introduire la variable, sans que rien dans l’énoncé ne l’induise, puis produire une expression algébrique qui traduit cet énoncé donné en langage naturel. Ensuite, l’élève doit mettre en place des règles de calcul algébrique pour réduire l’expression obtenue et répondre à la question. Ainsi, l’élève a la charge totale de prendre l’initiative d’introduire l’intermédiaire.

Ainsi, la variété des niveaux de mise en fonctionnement des connaissances algébriques mises en jeu dans la séquence constitue un élément supplémentaire de comparaison de la composante cognitive des pratiques des enseignants.

Un carré a pour côté x, exprimé en cm ; on augmente son côté de 2 cm.

Exprime, à l’aide de x, l’augmentation de l’aire, puis calcule cette augmentation, lorsque le côté du carré est égal à 4 cm.

Faculté des sciences de l’éducation, U.S.J. 100 Après avoir mené une analyse de la praxéologie enseignée à partir des tâches proposées, nous reconstituons le scénario de manière chronologique afin de mener une analyse plus globale.

b) Analyse globale du scénario

Cette analyse globale du scénario permet de reconstituer l’itinéraire cognitif 26 tel qu’il est défini par l’enseignant pour faire avancer les élèves dans leur apprentissage. Nous reconstituons le scénario suite au visionnement des vidéos des séances filmées. Après avoir analysé séparément les tâches, nous analysons leur organisation, leur chronologie, leur variété et leur intégration avec le cours parce que tous ces facteurs peuvent influer l’apprentissage des élèves (Robert, 2008).

Tout d’abord, nous reconstituons la liste de ce que réalisent l’enseignant et les élèves : activités préparatoires, explication du cours et résolution d’exercices, de manière chronologique. Ces catégories font référence aux différentes parties qui composent les chapitres enseignés dans les manuels utilisés : les activités préparatoires correspondent au contenu de la partie Activités, le cours correspond aux parties Cours, Ce qu’il faut savoir et Apprendre à résoudre et les exercices relèvent de la partie Exercices et problèmes, que nous développons davantage au chapitre 5. Nous avons adopté cette catégorisation parce que les enseignants, n’ayant pas de projets d’enseignement conçus à l’avance, se réfère au contenu des chapitres comme étant leur propre préparation.

La liste se présente sous forme de tableau composé des trois catégories citées et du contenu relatif à chaque catégorie en fonction de sa place dans le scénario. La numérotation est identique à celle du manuel de la classe ou des documents conçus par l’enseignant. Dans le tableau, une même catégorie peut figurer plusieurs fois, suivant que l’enseignant y retourne dans sa séquence. Par exemple, si un enseignant explique une partie du cours, puis propose un exercice à résoudre et à corriger, ensuite retourne à l’explication du cours, nous

26 Robert (2008) définit l’itinéraire cognitif comme l’ensemble des tâches proposées aux élèves et considère,

comme une variable des apprentissages, la variété des tâches proposées (quantité, ordre, nature) à travers les énoncés d’exercices et de problèmes, compte tenu de déroulements imaginés a priori (Robert,

Faculté des sciences de l’éducation, U.S.J. 101 faisons apparaître ces trois étapes successivement dans le tableau, en précisant le contenu algébrique abordé à chaque étape.

Ensuite, nous repérons les liens mis en jeu entre les trois praxéologies locales de référence, afin de déterminer le statut que les enseignants donnent au sens des expressions algébriques. En effet, c’est l’agrégation des praxéologies locales qui donnent du sens aux expressions algébriques et à leur manipulation (Pilet, 2012).

Enfin, nous retournons à la variété des tâches proposées aux élèves durant la séquence d’enseignement, relativement aux types et aux genres de tâches qu’elles convoquent afin d’étudier la couverture du domaine des expressions algébriques, relativement à ce que l’institution lui recommande et à ce qui est défini dans la praxéologie de référence.