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À partir des pratiques actuelles de cueca, cette recherche trace des lignes vers le passé, à la lumière des points de repère écrits et sonores émis par les chanteurs eux- mêmes. Ainsi, la délimitation temporelle est fournie par l’étendue de l’histoire du genre au Chili, sans que l’objectif soit d’en construire une généalogie exhaustive. Plutôt, il s’agit de situer les explications à divers moments et contextes, traçant des connexions transversales thématiques. La zone géographique se limite à la région métropolitaine (dont la capitale est Santiago) et la région de Valparaiso au Chili. Sur la base d’un cadre étendu d’investigation qualitative, j’utilisai plusieurs techniques, dont la recherche bibliographique, l’observation participante, l’entrevue et l’analyse musicale. La nature des sources incluses est multiple, sources écrites, orales et sonores.

Un travail préliminaire6, réalisé entre août et décembre 2011 à Santiago, m’a

permis d’effectuer une première expérience d’observation participante (Cámara de Landa 2004, 365), avec des cuequeros (joueurs de cueca) dans de nombreux concerts, fêtes, répétitions et évènements culturels, ainsi qu’un premier groupe d’entrevues avec dix chanteurs. Parmi celles-ci, j’ai perdu l’enregistrement du groupe 8, lors du vol de mon matériel de recherche à la Biblioteca Nacional de Chile (Bibliothèque Nationale du Chili) en 2012. Il s’agit des conversations entretenues avec Fernando Berríos (La Gallera), Felipe Bórquez (Los Chinganeros), Patricia Díaz (El Parcito), Horacio Hernández (La Gallera), Claudia Mena (El Parcito), Daniel Muñoz (3x7 Veintiuna), David Pineda (Los Benjamines) et Francisca Salas (Las Peñascazo). Malgré cette lamentable perte, des notes prises lors des rencontres m’ont permis d’améliorer la méthode d’enquête les entrevues ultérieures.

Des travaux subséquents furent réalisés sur des périodes d’environ six semaines en avril-mai 2012, janvier-février 2013, juillet-août 2013, où j’ai assisté à des dizaines de spectacles, pratiques, séances d’enregistrement et ateliers d’enseignement de chant de cueca, entre autres activités. Les observations que j’ai effectuées lors de ces occasions m’ont servies à formuler la liste de thématiques abordées lors des rencontres individuelles et en groupe avec des chanteurs. Dans ces travaux j’ai fais l’entrevue d’onze chanteurs : Julio Alegría (Aparcoa), René Alfaro (Los Trukeros, Los Chinganeros, Los Corrigüela), Ignacio Andrade (Los Trukeros, De Caramba), Leslie Becerra (Las Peñascazo, Las Primas), Diego Cabello (Los Trukeros, De Caramba), Lucho Castillo (Los Tricolores, Los Piolas del Lote), Luis Castro (Los Chinganeros), Gilberto Espinoza (La Isla de la Fantasía), Pablo Guzmán (Los Trukeros, Los Piolas del Lote, Los Corrigüela), Cristian Mancilla (La Gallera), Rodrigo Miranda (Los Trukeros), Rodrigo Pinto (Los Chinganeros, Los Corrigüela), Giancarlo Valdebenito (La Gallera, Los Chinganeros, Los Corrigüela). Leur recrutement a été guidé par les critères suivants : âgés de plus de 20 ans, qui

ouverte ou semi-dirigée, qui comprend la préparation d’une série de sujets à aborder lors d’une entrevue, sans qu’il s’agisse de questions fixes ni obligatoires (Alonso 1998). En général, les questions abordées dans nos rencontres, effectuées dans un espace choisi par le participant, incluaient les thématiques suivantes : premier contact avec la cueca, rapport personnel avec la cueca chilenera, apprentissage du chant, technique vocale, référents et modèles, lectures sur la cueca, rapport au folklore.

Le moyen d’accès aux participants était direct et a aussi fait appel à la méthode « de proche en proche », consistant à demander à un premier participant des informations afin d’obtenir de potentiels futurs participants (Blanchet et Gotman 1992, 57-58). J’avais tout de même rencontré la plupart des participants lors des concerts et activités publiques. Certains d’entre eux connaissaient la recherche que je réalisais avant de devenir participants. Car la scène actuelle de cueca a compté sur la participation active d’un nombre de chercheurs, producteurs et journalistes. Plusieurs chanteurs qui ont participés à cette recherche étaient aussi actifs dans les activités de réflexion, théorisation et vulgarisation de la connaissance sur la cueca. C’est pourquoi les entretiens que nous avons eues renvoyent souvent à un débat collectif en cours, dans lequel nous nous rencontrions en dehors de la situation d’entretien, les participants et moi. Ceci a eu un impact sur la façon dont se déroulaient les discussions. Ainsi, bien que la dynamique principale consistait en une chercheuse qui posait des questions et un(e) participant(e) qui y répondait, souvent l’entrevue mettait en évidence notre mutuel intérêt sur la théorisation de la vocalité et son rapport aux représentations sociales. Ceci dévoila, occasionnellement, les différentes perspectives qu’on développait, chacun de son côté, en raison de nos opinions divergentes du milieu de la cueca. Puisque certains des chanteurs interviewés sont eux-mêmes des auteurs de textes sur l’histoire et la théorie de la cueca, la confrontation de points de vue devint parfois tendue, sans pourtant risquer la qualité de l’échange ni dévier de l’objectif ultime de la conversation. Au cours des années, j’ai été contactée par quelques participants qui désiraient connaître les

importante des universitaires dans le développement de la musique folklorique et populaire au Chili, et notamment au sein des scènes revivalistes.

À partir des enregistrements des entrevues, j’ai effectué des transcriptions détaillées. Lorsqu’un participant prononçait un exemple de tel ou tel trait vocal en offrant une démonstration chantée, j’ai retrouvé le défi, paradoxal si l’on veut, de devoir décrire en mots les sons produits par sa voix. J’ai constaté la persistance de cette difficulté, impossibilité peut-être de mettre en mots la particularité du son. Cette problématique expérimentée dans ma pratique de recherche apparaît dans cette thèse traitée dans divers cas analysés dans les chapitres qui abordent le rapport entre la description écrite des voix, la production du son vocal, et l’imaginaire qui s’y mobilisent.

Bien qu’au début de cette recherche il était prévu de réaliser une séance d’écoute et de discussion collective avec un groupe de chanteurs, après plusieurs tentatives pour rassembler les participants j’ai constaté qu’il n’était pas suffisamment intéressant pour eux de s’engager dans un tel type d’activité, ce que j’ai confirmé lorsqu’aucun participant est arrivé au rendez-vous fixé en mai 20127. À la place, j’ai

mené une séance d’écoute et de discussion à propos du chant dans un morceau de cueca avec un groupe d’auditeurs, et ce, dans le cadre du séminaire d’analyse de la musique de Philip Tagg à Santiago en août 2013, tenu à la Universidad de Chile. Les rapports écrits et verbaux que j’ai alors recueillis m’ont permis de mettre en relation les discours, le vocabulaire qui sert à décrire la voix et une partie du corpus d’enregistrements.

L’examen des sources écrites a compris, tout d’abord, la lecture critique de la bibliographie principale publiée sur la cueca, dont une liste détaillée se trouve à la fin. Ensuite, dans le domaine des publications périodiques de vulgarisation, la

de ces textes est variable. Ainsi, la totalité des numéros publiés de El Musiquero (1964-1976), de Juventud (1977-1978), de La Bicicleta (1978-1990), de El Arado (1984-2003) et de Rock & Pop (1994-1998) a été déjà examinée ; tandis que l’examen d’autres publications périodiques dont Ecran (1930-1933), En Viaje (1933- 1973), Radiomanía (1943-1958), Ritmo de la Juventud (1967-1973), Telecran (1969),

La Cultura (1993-1998), se limite à une portion des numéros édités, se concentrant

souvent sur ceux parus pendant les périodes de l’année où la musique folklorique et populaire chilienne apparaît mentionnée plus fréquemment. J’ai fait particulièrement attention à la réception des styles vocaux chez des intellectuels et des journalistes. Enfin, un nombre de cuecas dont les paroles abordent la pratique musicale sont aussi examinées, en cherchant les descriptions des voix et les allusions aux chanteurs.

Quant aux sources sonores, un corpus d’enregistrements se compose suivant deux critères. En premier lieu, j’inclus les morceaux les plus mentionnés au sein des entrevues. Il s’agit en général de cuecas très célèbres ayant été enregistrées à plusieurs reprises, comme on peut constater sur la base des renseignements publiés sur le site web Cancionero discográfico de cuecas chilenas8 (Solís Poblete 2011),

ainsi que selon les catalogues des compagnies discographiques les plus importantes au Chili, dont RCA Victor et Odeon. En second lieu, j’ai fait une sélection de cuecas récentes qui touchent directement à la thématique arabo-andalouse, celle que je discute en profondeur dans un des chapitres. Dans le tout, j’ai cherché à incorporer divers musiciens, labels, années de production, etc. Le corpus a été analysé en observant les paramètres performanciels tels que décrits par Serge Lacasse (2005), et notamment les ornements vocaux. J’ai produit des représentations visuelles de certains extraits des enregistrements étudiés afin d’illustrer les traits analysés, en me servant du logiciel Sonic Visualiser 2012. J’ai également élaboré une transcription en notation musicale conventionnelle d’un jeu vocal en particulier, discuté dans le chapitre final. Pour ce faire j’ai utilisé le logiciel Finale 2011. Des outils de l’analyse musicale classique — mélodique et formelle — ont également servis à comparer des transcriptions publiées dans la bibliographie étudiée. Finalement, la méthodologie

comprend une activité herméneutique en cours, consistant à analyser et interpréter les sources, cherchant à répondre à la question générale de la recherche.