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Tout d’abord, il nous faut considérer l’empirie mobilisée par différents moyens (et leurs potentiels effets sur le matériau empirique résultant) lors de l’étude du cas unique.

Globalement, j’ai procédé à une démarche « qualitative » (e.g. Yin, 2011) de type « ethnographique », avec des phases « très intensives » qui rapprochent de la « focused ethnography » (en) (e.g. Knoblauch, 2005) intégrées à un cadre habituel saisi de façon générale (puisque celui de la Management Education), relativement connu et compris par rapport à des univers qui m’auraient été totalement « étrangers » (e.g. Becker, 2002; Bourdieu, 1984). Le terrain a permis la réalisation de trois de ces « phases intensives » d’observation, avec trois postures successives et chaque fois différentes, qui donnent au- tant de points de vues complémentaires sur le terrain : une « observation participante » (e.g. De Walt, 2015) côté formateurs, une « observation » devenue progressivement da- vantage participante côté étudiants, puis une « observation non interactionniste », après deux premières plus interactionnistes. Même si les situations n’étaient pas « les mêmes », de fortes similitudes structurales favorisent les possibilités d’analyse transversale (cf. chapitre 6 notamment). L’empirie est définie par le Centre National de Ressources Tex- tuelles et Lexicales à la fois comme « ensemble des données de l’expérience » et comme « expérience vécue envisagée du point de vue conceptuel », ce qui s’ajuste bien à mon approche sensible du terrain en vue d’une analyse scientifique qui par nature cherche à théoriser, mais ici à partir de l’expérience. Considérons ce qu’est l’approche « qualita- tive », ou « molle » (en: soft) (e.g. Manheim, Rich, Willnat, & Brians, 2006: 317) et sa pertinence pour la recherche sur les méthodes artistiques dans la Management Education.

5.1.1. L’approche inductive et qualitative de la recherche

Dans la thèse, le choix a été fait de privilégier les observations in situ par des approches qualitatives. L’approche qualitative, y compris inductive (approche retenue dans la thèse), ne prévient en aucun cas de l’exercice d’une « rigueur » scientifique (e.g. Gioia et al., 2013). Dans l’induction, la « théorie enracinée » (en: grounded theory, qui vise à « entrer dans un phénomène par la perspective de ceux qui le vivent »80) occupe aujourd’hui une place importante : l’on s’accorde globalement pour dire qu’elle est « […] une approche méthodologique la plus adéquate pour l’étude inductive de phénomènes avec une faible

80 Cette expression est très difficile à traduire, j’ai ici tenté de conserver avant tout l’idée sous-

jacente, l’état d’esprit impliqué par l’adoption de cette posture. La phrase d’origine est : “[…] engaging a

compréhension théorique. » (Corley, 2015: 601). Ces démarches – qui regroupent des réalités variées (Corley, 2015: 604) – peuvent être définies ainsi (Corley, 2015: 603) :

« [Dans] la recherche inductive (et, par extension, les approches de théorie enraci- née) : Vous débutez avec une idée générale de ce que vous voulez comprendre et construisez soigneusement des questions de recherche qui guident, mais ensuite il existe un espace pour ajuster votre échantillon et votre protocole d’entretien, pour recadrer les questions de recherche, et ainsi de suite pendant que vous commencez à vous familiariser avec le contexte de recherche et que vous collectez les données préliminaires. »

Dans l’approche inductive en général et dans la théorie enracinée en particulier, l’intérêt est de partir de l’empirie réelle, des données collectées, puis de les analyser pour ensuite théoriser, plutôt que de poser des « propositions » ou des « hypothèses » qui se- raient « testées » (approche alors déductive), et sans pour autant tomber dans la simple description de phénomènes ; c’est aussi la possibilité de ne pas simplement décrire le « quoi », mais d’obtenir un début de compréhension du « pourquoi », du « comment », ce toujours dans un certain, et important, « contexte » (Corley, 2015: 601), le tout dans des paradigmes souvent interprétatifs ou phénoménologiques (Corley, 2015: 602). Notons, enfin, que cette approche demande des ajustements in situ et permet assez difficilement l’usage d’un processus non flexible de recherche construit en amont du terrain : « Si vous vous appuyez sur vos enquêtés [en: informants] pour vous guider vers ce qui est impor- tant et vers où trouver davantage de données sur ces éléments importants, comment pou- vez-vous connaître a priori la meilleure séquence de collecte et d’analyse pour vos don- nées ? », ce qui implique que l’approche soit « cyclique », « réciproque » et « même un peu désordonnée » (en: messy) (Corley, 2015: 602–603). Sans avoir pratiqué une pure « théorie enracinée » dans cette thèse (ma connaissance théorique, même si j’ai tenté de la suspendre pour la collecte et l’analyse, était déjà relativement riche, en particulier sur la littérature « spécialisée »81), j’ai tenté de procéder ainsi : partir de la réalité et de la ren- contre avec la réalité, la capter au plus possible, l’analyser pour comprendre en profon- deur un phénomène, en acceptant de multiples et fréquentes remises en cause, de nom- breuses itérations. Mon approche a ainsi plutôt consisté en une succession d’itérations sous forme d’allers-retours successifs et permanents entre données et théorie, après une

81 Le terrain fait suite à dix entretiens préparatoires et à plus de dix-huit mois de lecture et réflexion

sur l’objet artistique dans la Management Education. Il a pris place après une année entière de Doctorat (je n’ai par contre pas suivi de Master « Recherche », en dehors d’un module de préparation qui visait l’écriture d’un mémoire de recherche théorique, toutefois réalisé dans un Master 2 « Professionnel ») qui avait aussi été l’occasion de discussions avec des chercheurs, de lectures, de participation à des colloques etc. qui, de facto, préviennent de l’usage de la « théorie enracinée pure ».

première phase de lecture académique, qu’en une démarche purement enracinée. Toute- fois, il s’agit de faire émerger du sens de l’action in situ, de façon inductive.

Dans ma démarche – qui considère que les acteurs du terrain sont « knowled- geable » (en) (pour une telle situation très « micro » et dans leur propre environnement habituel) et qu’il s’agit simplement de les accompagner dans l’analyse pour théoriser (Gioia et al., 2013: 17) – le discours produit « dans l’action », in situ, peut être et a été utilisé pour travailler. Les approches inductives décrites précédemment ont souvent em- ployé en premier lieu l’analyse de discours « verbal » (issu d’entretiens, de données se- condaires textuelles etc.) (e.g. Gioia et al., 2013). Ma démarche propose un appui princi- pal sur l’ethnographie et répond à l’appel pour l’usage d’une variété technique dans ce type de travaux (Corley, 2015: 604), même si elle se limite au qualitatif. Elle utilise le discours « verbal » sans s’y limiter, avec l’idée que de nombreux comportements obser- vés (e.g. postures) comportent aussi un sens (e.g. Bourdieu, 2001a; Goffman, 1973).

5.1.2. La méthode de l’ethnographie

L’ethnographie a acquis depuis longtemps ses lettres de noblesse. De Malinowski et son étude « à l’autre bout du monde », aux ethnographies contemporaines et leurs objets moins exotiques (même si parfois surprenants), la méthode ethnographique s’est imposée dans les différents champs, pour trouver son chemin jusqu’aux Sciences de Gestion (e.g. Garsten & Nyqvist, 2013b: 1). Les méthodes de l’ethnologue permettent d’éviter les aléas liés à l’étude du discours (Bourdieu & Mammeri, 2003), difficultés également connues et reconnues en Sciences de Gestion (Alvesson, 2003). L’ethnographie se trouve aussi bien employée en Marketing (e.g. Kozinets, 2002) qu’en contexte organisationnel au sens large (e.g. Neyland, 2008). Selon Neyland (2008: 1), l’ethnographie se définit comme :

« […] une méthodologie de recherche développée à l’origine dans le champ de l’anthropologie qui est désormais utilisée dans un éventail de travaux (dans, par exemple, l’anthropologie, la sociologie, la théorie du management, les études orga- nisationnelles et les études culturelles). Elle implique l’observation de, et la parti- cipation à des, groupes particuliers (tels que des groupes indigènes locaux, des consultants en management, des étudiants en médecine et ainsi de suite). Cette ob- servation et participation vise [sic] à affronter [en: engage with] des questions telles que la façon dont un groupe particulier fonctionne, ce que cela signifie d’être un membre d’un groupe particulier et comment des changements peuvent affecter ce groupe. […] »

Certains (Garsten & Nyqvist, 2013a, comme titre de leur ouvrage) théorisent « l’anthropologie organisationnelle » ; ils tentent alors d’y expliquer comment « réaliser

l’ethnographie dans et parmi les organisations complexes ». Amit et Mitchell clarifient, dans la préface de cet ouvrage (Garsten & Nyqvist, 2013a: viii, emphase d’origine), la relation entre anthropologie et ethnographie :

« L’anthropologie est une discipline basée sur des travaux ethnographiques en pro- fondeur qui s’intéressent à des questions théoriques larges [en: deal with wider theoritical issues] dans le contexte de conditions locales et particulières – pour pa- raphraser un volume important paru dans cette série [d’ouvrages] : de grandes

questions [en: large issues] explorées dans de petits endroits [en: small places].

[…] Nous débutons avec la question : « Que peut nous dire ce matériau ethnogra- phique sur les plus larges questions théoriques qui concernent les sciences so- ciales ? » plutôt que « Que peuvent-nous dire ces idées théoriques sur le contexte ethnographique ? » Formulé ainsi, un tel travail devient au sujet de grandes ques- tions, situées dans [en: set in] un lieu (relativement) petit, plutôt qu’une description détaillée d’un endroit local pour la description en elle-même. Comme l’avait une fois indiqué Clifford Geertz, « Les anthropologues n’étudient pas des villages ; ils étudient dans des villages ». Par lieu, nous n’entendons pas seulement les localisa- tions [en: locale] géographiques, mais aussi d’autres types de « lieux » […]. »

Une telle clarification indique aussi la logique de l’ethnographie, qui nous inté- resse dans un « cas unique » situé : l’étude en profondeur d’une situation non pour la dé- crire, mais pour générer des réponses à des questions plus larges.

La littérature mentionne d’autres intérêts de cette démarche qui permet de « voir et entendre directement ». Ce que l’on qualifie d’« observation directe » possède des carac- téristiques propres avantageuses pour certaines recherches (Manheim et al., 2006: 316) :

« […] Même lorsque nous réalisons des enquêtes [en: conduct surveys], nous nous appuyons sur la mémoire que les répondants ont de leurs expériences ou de leurs perceptions de ce qui les entoure [en: surroundings]–nous n’observons pas réelle- ment leurs actions ou le contexte dans lequel ces actions se produisent. Bien qu’il y ait beaucoup à apprendre à l’aide de ces méthodes de collecte de données, il y a des moments [en: times] où les chercheurs ont besoin de voir et d’entendre les évè- nements par eux-mêmes afin d’en obtenir une compréhension complète. »

Ces mêmes auteurs (2006: 316) notent en quoi « [d]e nouveaux phénomènes peu- vent être étudiés directement […] », et que « [p]our formuler des théories sur [des] opé- rations [nouvelles], il peut être nécessaire de les observer en personne [en : firsthand]. » La démarche trouve, enfin, toujours selon eux (2006: 317), son intérêt dans différents cas, tous en accord avec celui que nous abordons ici : lorsque la situation étudiée reste limitée dans son ampleur et dans son cadre ; dans les cas où l’accès à la situation est possible (contrairement à certains évènements élitistes, par exemple) ; quand la nature de la re-

cherche – la méthode de l’observation directe est chronophage et demande une forte im- plication personnelle – le permet.

Un dernier avantage de cette démarche, dans ma situation, réside dans son aspect « sensoriel ». Cette méthode de recherche implique la mobilisation des sens pour capter et mémoriser l’empirie, ainsi que la reconnaissance de l’action, alors non neutre, de ces sens dans la production scientifique. Comme l’indique Pink (2015: xi) dans l’introduction de son ouvrage Doing Sensory Ethnography : « Les ethnographes, dans un ensemble consti- tué par différentes disciplines, rapportent et commentent de plus en plus la multi- sensorialité du processus ethnographique. […] »

L’ethnographie sensorielle (en: sensory ethnography), au moins telle que décrite par Pink (2015), repose sur l’idée d’un usage des différentes sources de données (sans en privilégier une). Surtout, il convient de « rendre compte » (en: account for) de l’usage des sens dans la production scientifique. Pour l’étude de l’objet artistique, un objet sensible par nature, l’emploi de l’ethnographie se justifie donc. Certains, lorsqu’ils appelaient à la considération esthétique du leadership (mais ceci s’applique à toutes les pratiques consi- dérées par les Sciences de Gestion), ont invité les chercheurs à retenir des méthodes qua- litatives adéquates (notamment l’ethnographie, l’observation participante et les entretiens qualitatifs) : « L’esthétique porte sur le savoir sensoriel et la signification ressentie, et s’intéresse aux sentiments et émotions et la richesse des qualités [en: qualities ; alors plutôt traits de caractère], donc les chercheurs devront s’engager avec les organisations avec des méthodes qui sont appropriées pour ce type de phénomènes. » (Hansen et al., 2007: 555)

En somme, l’intérêt de l’ethnographie pour ma recherche repose dans l’expérience la plus directe possible des éléments étudiés qu’elle peut offrir. Par ailleurs, puisqu’il s’agit dans cette thèse de mettre à l’épreuve la « pratique » pédagogique par l’art dans la Management Education, il s’agissait d’un choix a priori judicieux, face aux limites con- nues de l’analyse du discours prise seule (e.g. Alvesson, 2003). Les différentes conditions pratiques requises pour mobiliser une telle approche (e.g. limitation temporelle et pra- tique, accessibilité) étaient, par ailleurs, possibles à remplir.

Considérons désormais la façon dont j’ai convoqué cette méthode dans le contexte de l’étude : entre ethnographie de, et dans, mon environnement, entre étude globale et focalisée, entre observation et observation participante.

5.1.3. Les spécificités de mon ethnographie

Mon ethnographie possède deux spécificités : d’une part, elle a pris lieu dans mon envi- ronnement « habituel » et, d’autre part, elle s’appuyait sur trois « moments intenses ». Nous verrons ensuite la forme d’ethnographie par observation retenue, selon les phases.

5.1.3.1. L’ethnographie de et dans mon propre environnement

Une première spécificité de mon ethnographie concerne le terrain : il s’agit de mon envi- ronnement socio-professionnel habituel, un lieu connu et largement fréquenté en dehors de la collecte de données. Les apports et limites d’une démarche d’analyse dans son propre environnement, en particulier académique (voir, notamment, Bourdieu, 1984), sont connus, notamment la difficulté à gérer l’attachement et le détachement au terrain, la ca- pacité à comprendre l’illusio ou les pratiques mais la complexité d’analyse face aux pra- tiques originales ou face à des pratiques que l’ethnographe, lui-même, aurait.

Dans la logique de l’ethnographie générale, afin de « comprendre la langue et les pratiques » (e.g. Bourdieu & Mammeri, 2003), j’ai volontairement observé avec attention (ethnographique) l’environnement dans lequel se situait la pratique étudiée, au sens large – du séminaire doctoral aux conférences internationales, des cours en tant qu’étudiant- doctorant aux pratiques pédagogiques des formateurs et collègues, etc. –, depuis le dé- marrage de ma réflexion sur le sujet, i.e. début janvier 2013. Il s’agit d’obtenir la fameuse connaissance tacite et subjective, mais réelle, du milieu étudié évoquée par Becker (2002) et qui permet d’espérer comprendre (puis offrir une interprétation raisonnable pour) les actions des acteurs. Je disposais déjà d’une connaissance solide du milieu en tant

qu’étudiant de la Management Education82, mais je devais développer la capacité à com-

prendre les jeux et enjeux de l’enseignement-recherche dans cet environnement, en parti- culier dans le contexte d’autres organisations de cet agrégat. Toutefois, en dehors de rares prises de notes « pour ne pas oublier » et de la collecte-consultation « par hasard » de documents qui me semblaient intéressants (e.g. brochures, flyers, courriels etc.), aucune collecte de données ethnographiques n’a été réalisée de façon structurée et systématique. Un journal de recherche général qui aurait dépassé les phases intensives de la recherche n’a pas été tenu, en dehors de quelques pages rapidement mises de côté, car l’ampleur de la tâche était trop importante pour un intérêt a priori limité. Par contre, j’ai collecté plus

82 J’avais étudié les Sciences de Gestion pendant 5 ans dans une autre organisation de la Manage-

méthodiquement des données lorsque les évènements et l’expérience étudiés dans la thèse étaient discutés en ma présence.

5.1.3.2. Un cas longitudinal avec trois moments intensifs

Une seconde spécificité de mon terrain concerne le cas : s’il est suivi de façon longitudi- nale (i.e. ici « sur une longue période »), il comporte trois phases brèves essentielles (i.e. les séminaires de quatre jours étudiés) où j’ai réalisé une collecte intensive centrale pour la recherche. La méthode mobilisée combine alors deux techniques : la posture ethnogra- phique générale dans les phases « inter-évènements » (i.e. entre les séminaires étudiés) et l’observation (participante et non participante) pendant les phases d’évènements. Garsten et Nyqvist, (2013b: 14) indiquent :

« L’étude anthropologique de sociétés complexes, de processus transnationaux, et de mouvements globaux a amené une adaptation des pratiques ethnographiques. Les modes établis de pratiques ethnographiques ont été adaptés à l’étude de formes dispersées et changeantes de l’organisation et à l’étude de communautés profes- sionnalisées et fondées autour de l’expertise [en: expertise-based]. L’ethnographie a évolué de son approche mono-site conventionnelle […] à des observations multi- site et à la participation qui suive la trace des relations entre sites, personnes, idées, argent et produits. En « traquant » les stratégies, les ethnographes peuvent désormais suivre la trace de processus tels que la production capitaliste, la prise de décision et la mobilisation sociale entre une multitude de sites et sphères. Les ni- veaux macro et micro d’observation ne sont pas seulement liés [en: twinned] par des préoccupations théoriques, mais aussi par des pratiques ethnographiques. »

La posture ethnographique globale a donc permis de documenter le cas au-delà des frontières de ses « évènements » (les trois fois quatre jours) : l’approche de « l’ethnographie sociologique » (en: sociological ethnographhy) de celui qui étudie son propre environnement (« l’altérité » plus que « l’étranger »), donc ce qu’il « connaît » implicitement, et par opposition à « l’ethnographie anthropologique » (en: anthropologi- cal ethnography) de celui qui étudie une culture indigène jusqu’alors inconnue au-delà du texte produit par un précédent chercheur, permet alors d’éviter un indispensable temps d’adaptation, d’acculturation, dont le chercheur ne dispose pas, puisque l’observation ne peut être qu’intensive (e.g. Knoblauch, 2005).

5.1.3.3. L’observation comme technique principale

Dans la thèse, mon observation a pris deux grandes formes, situées dans un continuum : de l’observation participante à l’observation.

En dehors des « évènements », la posture d’observation dans la Management Edu- cation était soit celle de l’observation participante, soit celle de l’observation, selon les activités et les contextes. C’est lors des séminaires qu’elle est la plus simple à qualifier.

Lors des deux premières éditions du séminaire étudié, parmi les trois observés, cette observation fut largement « participante ». Cette posture, basée sur la participation active et affirmée à l’activité des individus « étudiés », s’applique à l’évolution dans l’environnement en ce que « j’y participais », puisqu’il est aussi mon cadre d’évolution professionnelle, mais surtout à la posture adoptée lors des évènements considérés. Cette technique peut être définie ainsi (De Walt, 2015: 251) :

« L’observation participante est une méthode dans laquelle un chercheur prend part aux activités, rituels, interactions et évènements quotidiens d’un groupe de personnes, comme l’un des moyens d’apprendre à la fois les aspects explicites et tacites de leurs routines et cultures de vie. L’observation participante est considé- rée presque de façon universelle comme la méthode centrale et qui la définit de la recherche ethnographique, et comme la méthode de base [en: foundational] dans l’anthropologie culturelle, mais elle a aussi des racines originelles en sociologie et a été incorporée dans la recherche qualitative dans de nombreuses disciplines de- puis au moins la seconde moitié du vingtième siècle. »

La posture d’observation participante qui se définit par la particularité de pratiquer les activités des individus du groupe suivi pour la recherche, entraîne la création de liens avec le groupe suivi, par l’implication dans le groupe, afin de le comprendre en profon- deur. Cette forme particulière d’ethnographie facilite l’accès à des éléments peut-être plus difficiles à obtenir par d’autres formes.

Dans ma recherche, ce sont des questions traditionnelles de la « critique » – sou- vent hautement sociales, culturelles (e.g. Adler et al., 2007) – qui sont investiguées. Or, il existe un autre intérêt de l’observation participante (de l’ethnographie en général), puisqu’elle contribue à créer des liens. Selon Neyland (2008: 2) :

« Les forces affirmées pour les données ethnographiques sont que : une image dé- taillée et en profondeur d’un groupe, d’une organisation et de ses membres peut être développée ; les questions sociales, culturelles et politiques que les autres mé- thodes voient comme intangibles peuvent former le point de focalisation de l’analyse ; et l’ethnographie peut être très fortement participative, ce qui permet aux membres du groupe de commenter les données et la collecte de données pen- dant qu’elles se produisent. […] »

La démarche pouvait donc aussi être « participative » pour les acteurs du terrain, en particulier lors des deux premiers séminaires ou entre les évènements. L’effet des indi- vidus du groupe étudié (parfois, des participants au sens large), et de la proximité avec ses

membres, sur les données, leur collecte etc. fut effectivement réel. Les étudiants (sen- sibles à la recherche dans ce Master 2 très ancré dans cette activité) qui participaient au séminaire acceptèrent largement de réfléchir et réagir in situ à leurs actions, à leurs décla-