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2.3 Approches numériques

2.3.2 Méthodes CFD

Dans les méthodes conventionnelles, considérant une description eulérienne de l’écoulement, le calcul numérique de l’écoulement consiste à approcher les équations de Navier-Stokes dans un domaine d’étude, en introduisant des schémas de discrétisation des opérateurs différentiels spatiaux et temporels [23]. Le code elsA de l’Onera est basé sur la méthode des volumes finis et résout ces équations au centre des cellules qui composent le maillage structuré multi-bloc discrétisant le domaine fluide [24] (voirII.2.3). La méthode de lattice Boltzmann, appelée LBM pour Lattice Boltzmann Method, est une méthode alternative à la résolution des équations de Navier-Stokes. Cette approche consiste à calculer l’écoulement selon une description eulérienne

en résolvant la formulation discrète de l’équation de Boltzmann [25,26]. Le code PowerFLOW développé par la société EXA est fondé sur cette approche. De nombreuses méthodes CFD existent selon le type de sources acoustiques étudié. Concernant le bruit de soufflante, la si- mulation adoptée doit être en mesure de décrire de façon suffisamment précise les phénomènes turbulents pour le bruit à large bande, ou de caractériser les fluctuations périodiques de charges pour le bruit de raie.

Méthodes CFD pour la simulation de sources turbulentes : Les écoulements au sein

de la veine de la soufflante sont de nature turbulente. Cela peut se traduire par la superposi- tion d’un mouvement d’agitation aléatoire au mouvement moyen. Le mouvement aléatoire est caractérisé par des tourbillons présentant des échelles spatiales très variées. En effet, la plus petite taille des structures tourbillonnaires, appelée échelle de Kolmogorov, est imposée par la viscosité du fluide tandis que la taille maximale des tourbillons est imposée par la dimension caractéristique de l’écoulement. Ainsi, calculer numériquement toutes ces échelles nécessite des dimensions de maillages incompatibles avec les moyens informatiques actuels ; il est alors néces- saire de modéliser le comportement d’une partie ou de la totalité des phénomènes turbulents. La figureI.6représente les principales méthodes de traitement de la turbulence qui sont décrites ci-après :

— Les méthodes Reynolds-Averaged Navier-Stockes (RANS) ou Unsteady RANS

(URANS) sont fondées sur le principe de décomposition des grandeurs de l’écoulement

en une partie moyenne et une partie fluctuante, selon la décomposition de Reynolds [27]. Les équations de Navier-Stokes sont ensuite moyennées pour ne calculer que le champ moyen. Ainsi, l’ensemble des phénomènes turbulents est modélisé selon une description statistique quelle que soit l’échelle spatiale. L’instationnarité de la méthode URANS introduit la dépendance temporelle des équations de Navier-Stokes, ce qui permet de ca- ractériser les phénomènes périodiques. Cette méthode de calcul a pour avantage d’être peu coûteuse mais ne permet pas l’étude de la dynamique des structures tourbillonnaires et semble donc peu satisfaisante pour la prévision du bruit d’interaction à large bande. Cependant, comme nous le verrons en I.4.2.1, une simulation RANS est couramment utilisée pour calibrer la modélisation d’un spectre de turbulence homogène et isotrope (THI). Le principe des approches RANS est davantage détaillé en II.2.1.

— La simulation numérique directe ou DNS pour son terme générique anglophone

qu’à celle de Kolmogorov. Cependant, on montre qu’une telle approche nécessite que le nombre de points du maillage soit de l’ordre de ReL3, où L est la longueur caractéristique de l’écoulement. Dans le cas d’une soufflante de turboréacteur en régime d’approche le nombre de Reynolds est de l’ordre de 106, le maillage doit donc contenir approximati-

vement 1018 points. Or, les moyens informatiques actuels ne permettent pas encore de

telles performances pour les configurations industrielles. Ce type de simulation est donc réservé pour des applications à bas nombre de Reynolds, pour la recherche académique ou bien pour des configurations de ventilateurs à très faible nombre de Mach. On peut citer par exemple la simulation numérique directe réalisée par Sanjosé et al. [28] sur un profil d’aube avec bord de fuite dentelé avec un nombre de Mach de 0,047 et un maillage de 640 millions de cellules couvrant trois motifs dans la direction de l’envergure.

— La simulation des grandes échelles ou LES pour Large-Eddy Simulation est une méthode alternative aux approches DNS et RANS. Cette méthode est fondée sur l’hy- pothèse selon laquelle les petites structures ont principalement un rôle dissipatif et un comportement isotrope qui peut être prédit par un modèle dit de “sous-maille”. En re- vanche, les grandes échelles spatiales ont un comportement chaotique qui dépend de la géométrie du problème. L’idée de la LES consiste donc à réaliser un filtrage spatial dans lequel les grandes structures de l’écoulement sont résolues jusqu’à une échelle donnée, et les plus petites structures (jusqu’à l’échelle de Kolmogorov) répondent au modèle de sous-maille (voir II.2.2.1). L’avantage majeur d’une telle simulation est de rendre ac- cessible la caractérisation réaliste de la turbulence instantanée d’un écoulement. Cette méthode a notamment été mise en œuvre par Boudet [29] pour la description des grandes échelles turbulentes à l’origine du bruit à large bande généré par un profil soumis à une perturbation. Cependant, la simulation des grandes échelles dans la couche limite près d’une paroi exige une résolution seulement dix fois moins coûteuse qu’en DNS, la qua- lifiant ainsi de “Quasi-DNS”. C’est pourquoi, une approche LES résolue en paroi est réservée aux applications académiques à faible nombre de Reynolds. La LBM offre des avantages significatifs en matière de temps de calcul dus à un système d’équations dif- férentielles partielles plus simple comparé aux méthodes Navier-Stokes traditionnelles. Cependant, cette approche est plutôt réservée à des applications à bas nombre de Mach (M ≃ 0.4), bien que des premières applications pour les turbomachines aient déjà vu le jour [30, 31].

tiques actuelles ne permettaient pas de résoudre précisément les écoulements en paroi à haut nombre de Reynolds à partir d’une approche DNS ou LES. Dans ces régions, une simulation RANS semble offrir une meilleure représentation de la turbulence qu’une simulation LES mal résolue. La motivation a donc été de tirer avantages des méthode RANS et LES en proposant une approche capable de traiter les zones proches paroi en RANS tandis que la LES est utilisée pour le reste de l’écoulement, offrant ainsi un com- promis entre “contenu physique” et “coût numérique”. C’est dans cette idée que Spalart

et al. [33] ont proposé la Detached-Eddy Simulation (DES97), pour laquelle la transi-

tion du mode RANS au mode LES est continue et régie par la taille de la maille, sans nécessiter de contraintes supplémentaires à l’interface des domaines (voir II.2.2.2). De ce fait, il a été constaté que le mode LES pouvait se déclencher trop tôt dans la zone de développement de la couche limite lorsque le maillage n’est pas parfaitement adapté [34]. Ce déclenchement anticipé impacte la modélisation des efforts de Reynolds qui sont alors sous-estimés dans la couche limite. Ce problème, appelé MSD pour Modeled Stress

Depletion, engendre le décollement artificiel et non physique de la couche limite connu

sous le nom de GIS pour Grid Induced Separation. Pour parer ces difficultés, Spalart

et al. [34] proposèrent la Delayed Detached-Eddy Simulation (DDES) dans laquelle le

mode RANS est imposé dans la couche limite (voir II.2.2.3). Toutefois, il a été montré par Deck [4] que la DDES retardait le décollement de la couche limite dans les configu- rations de type “marches”, c’est-à-dire les configurations pour lesquelles le décollement

DNS LES Méthodes hybrides RANS/LES Approches statistiques instationnaires Approche "physique" Approche "numérique" Co n te n u ph ys iq u e Co ût n um ér iq ue Modélisation Résolution

Figure I.6 – Représentation des principales méthodes CFD de simulation de la turbulence

est fixé par la géométrie. Afin d’apporter une solution à ce problème tout en répondant à un besoin marqué de disposer d’une méthode permettant de simuler efficacement et de manière fiable toutes les zones d’un moteur, Deck [4] a développé la Zonal Detached- Eddy Simulation (ZDES). La ZDES est une approche zonale de la DES pour laquelle les domaines RANS et DES sont sélectionnés individuellement afin de clarifier le rôle de chaque région qui est résolue avec la méthode la plus adaptée. Par ailleurs, l’approche zonale permet des zones RANS en dehors des parois offrant ainsi encore un gain en coût numérique. Cette méthode a été validée sur différentes configurations d’écoulement, de la simulation d’un avion [35,36], en passant par le jet [37], aux écoulements basiques [38], et plus récemment sur une configuration de compresseur [5]. La ZDES n’a cependant encore jamais été validée sur des applications turbomachines à finalité acoustique. Une présentation plus détaillée de cette méthode est disponible en II.2.2.4.

— Les méthodes stochastiques consistent à synthétiser un champ turbulent, respectant les caractéristiques spectrales prescrites, au moyen d’un modèle établissant le comporte- ment statistique de la turbulence. Par exemple, si la turbulence est supposée homogène et isotrope, il est possible d’utiliser les modèles de von Kármán ou de Liepmann (cf. II.3.5.2). L’introduction de ces modèles permet de réduire la description statistique du champ turbulent en des paramètres qui sont accessibles par des données expérimentales ou numériques. En outre, l’introduction d’une modélisation temporelle de l’évolution de ce champ turbulent dans les méthodes stochastiques donne accès aux termes sources turbulents. La motivation consiste alors à forcer ces termes sources dans les équations de bilan des outils CAA qui procèdent au rayonnement acoustique. Les méthodes sto- chastiques ont l’avantage d’être peu coûteuses mais les hypothèses inhérentes à leur application rendent leur validité discutable.

Méthodes CFD pour la simulation de sources déterministes : Dans le cas de la simu-

lation numérique des sources déterministes on ne s’attache pas à caractériser les phénomènes turbulents mais plutôt les phénomènes périodiques à l’origine du bruit tonal. Il n’est donc pas nécessaire de calculer ces structures, là où une modélisation statistique est suffisante. C’est pourquoi on a le plus souvent recours à des méthodes de type RANS instationnaire qui per- mettent de résoudre à moindre coût les fluctuations aérodynamiques présentant une périodicité temporelle.

Compromis entre “contenu physique” et “coût numérique” : Comme illustré sur la

figureI.6, l’approche numérique pour la simulation d’écoulements complexes à haut nombre de Reynolds revient systématiquement à une discussion relative au compromis entre le “contenu physique” que l’on souhaite récupérer, et le “coût numérique” qu’il est possible d’investir. En effet, les configurations réalistes de soufflantes impliquant un haut nombre de Reynolds (de l’ordre de 106) rendent les approches numériques coûteuses pour le milieu industriel, notamment

pour les applications aéroacoustiques qui exigent une résolution plus fine du maillage que pour des études purement aérodynamiques. Pour rendre ces méthodes accessibles, il est possible de restreindre le domaine de calcul moyennant des hypothèses sur la géométrie de la configuration. Il est ainsi très courant de réaliser des simulations de type RANS pour lesquelles seul un secteur angulaire du rotor et du stator sont modélisés. Les deux domaines peuvent avoir une ouverture angulaire différente et le raccord est réalisé par des conditions chorochroniques qui consistent à appliquer des conditions aux limites de retard de phase le long des frontières périodiques et à l’interface des domaines rotor-stator [39]. Le principe d’un calcul RANS chorochronique est exposé enII.2.1.4. Par ailleurs, les approches 2,5D consistent à ne mailler qu’une tranche d’aube et à appliquer des conditions de périodicité en envergure, ce qui revient à négliger les fluctuations radiales de l’écoulement [40]. Ces hypothèses permettent une réduction considérable de la taille du maillage en contre-partie de la perte du caractère tridimensionnel de l’écoulement dans la veine de la soufflante.