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Chapitre 9. La valeur accordée au rôle d’aidant et ses déterminants sociaux 143

9.2. Méthode 146

Pour cette étude, la variable analysée sera le domaine « estime accordée au rôle d’aidant » du CRA.

Avant de détailler les aspects méthodologiques, un point sera fait sur le contenu de ce domaine qui a entraîné un certain nombre de questionnements.

9.2.1. Réflexions sur le contenu du domaine « estime accordée au rôle d’aidant » du CRA

Au moment où les entretiens directifs de l’enquête AVC se sont déroulés, les enquêtrices ont rapporté que deux des sept items relevant du domaine « estime du rôle

d’aidant » (« je me sens privilégié(e) de prendre soin de lui/elle » et « je ne prendrai jamais

assez soin de lui/elle, tant je lui dois ») entraînaient des réactions spécifiques. Les aidants ne

se reconnaissaient pas dans ces affirmations, argumentant principalement qu’ « il ne [fallait]

pas exagérer ».

Une revue de la littérature a permis de rechercher si ce constat avait déjà été fait par ailleurs. Il apparaît que l’article qui traite de l’adaptation française du CRA n’en fait pas mention (Antoine et al., 2010). En revanche, d’autres études semblent confirmer que ces deux items posent problème. Sur le plan de la validation statistique, ils entravent la fiabilité du domaine (Nijboer et al., 1999b). Sur le plan pratique, des chercheurs suédois ont constaté que ces deux items peuvent entraîner un certain malaise chez les répondants. Ils ont analysé les commentaires des répondants au moment de la passation des questionnaires (Persson, Wennman-Larsen, Sundin, & Gustavsson, 2008) et ont montré que se sentir privilégié de prendre soin d’un proche et redevable vis-à-vis de lui sont des notions peu adaptées au contexte culturel européen. Quant à l’adaptation norvégienne de l’échelle, l’item concernant le sentiment d’être redevable de la personne aidée a été supprimé (Grov et al., 2006).

En ce qui concerne notre étude, la fiabilité du domaine complet à sept items a été testée. L’alpha de Cronbach s’est élevé à 0,741 et l’analyse factorielle a révélé que les sept items pouvaient converger vers une seule dimension. Pour la présente étude, le score initial a donc été conservé afin de pouvoir comparer les scores avec d’autres études qui ont utilisé la version française validée. Néanmoins, l’analyse des résultats obtenus à ces items devra s’accompagner de vigilance.

9.2.2. Choix des caractéristiques sociales

Les facteurs relevant du contexte social pris en considération ont été le soutien social de la part des amis, de la famille et des services éducatifs, sociaux et sanitaires, les conditions matérielles et environnementales ainsi que la sévérité des séquelles de l’AVC chez les personnes accompagnées.

Les caractéristiques sociodémographiques sélectionnées ont été l’âge et le sexe des aidants familiaux.

La sévérité des séquelles résiduelles de l’AVC a été mesurée par le nombre de fonctions neurologiques altérées, à partir du classement de l’American Heart Association (Kelly-Hayes et al., 1998) parmi les troubles moteurs, visuels, sensoriels, du langage, de la mémoire, l’incontinence et le changement de caractère [0;7].

La satisfaction à l’égard de la vie des personnes qui ont eu l’AVC a été mesurée à l’aide de l’item « Sur une échelle allant de 1 à 10, où situeriez-vous votre satisfaction à

l’égard de la vie ? ».

Le soutien social a été mesuré selon trois modalités :

1. L’instauration d’une structure autour de la personne AVC. Elle a consisté en la moyenne des scores obtenus aux deux items suivants (échelle de Likert en quatre points allant de « pas du tout d’accord » à « tout à fait d’accord ». Les scores ont été rapportés à une échelle allant de 0 (structure minimale) à 100 (structure maximale) :

« une organisation familiale s’est mise en place autour de la personne qui a eu un

AVC »,

« les liens entre nous tous (famille, amis) se sont maintenus et même renforcés ». 2. La confiance que les aidants familiaux accordent aux informations délivrées par les

services éducatifs, sociaux et sanitaires a été mesurée par la moyenne des scores obtenus à quatre items du questionnaire Carer Satisfaction with Community Services (CSCS) (Simon et al., 2003) (échelle de Likert en cinq points allant de « pas du tout

d’accord » à « tout à fait d’accord ». Les scores ont été ramenés à une échelle allant

de 0 (confiance minimale) à 100 (confiance maximale) :

« en cas de besoin, vous savez où obtenir plus d'information sur n'importe quelle

question liée à l'AVC ou aux soins à donner à une personne qui a eu un AVC »,

« votre opinion au sujet des décisions qui concernent le malade dont vous vous

occupez ne compte pas pour les professionnels des services sociaux et de santé »,

« vous auriez voulu plus d'aide pour faire vos demandes administratives, d'allocations

ou de demandes de services »,

« l'information que vous avez reçue a généralement été précise ».

3. Le soutien instrumental a été mesuré par le nombre de services d’aide à domicile utilisés parmi les soins corporels, l’aide aux repas, au ménage, aux sorties et aux courses [0;5].

Les conditions matérielles ont été mesurées par le score obtenu au domaine « impact de l’aide sur les ressources financières » du CRA [0;100], 100 indiquant un impact sur les ressources financières maximal.

Les conditions environnementales ont été mesurées par le domaine « environnement » du questionnaire de qualité de vie Whoqol-Bref (World Health Organization, 1996) [0;100], 100 indiquant une qualité de vie liée à l’environnement maximale .

9.2.3. Analyses statistiques

La distribution des réponses à chaque item du domaine « estime accordée au rôle d’aidant » a été analysée à l’aide des pourcentages de personnes « d’accord » vs. « pas

d’accord » ou « neutre ». La description des scores obtenus pour chaque variable a été

analysée à l’aide de moyennes et d’écarts-types.

Chaque facteur issu du contexte social (variables indépendantes) a fait l’objet d’un modèle linéaire général dont la variable dépendante était le domaine « estime accordé au rôle d’aidant ».

Le Chapitre 8 a montré que le rôle d’aidant pouvait avoir des conséquences négatives sur l’état de santé. Partant du postulat que voir son état de santé altéré par le rôle d’aidant pouvait affecter la valeur qui lui est accordée, chaque modèle a été ajusté sur la variable « impact de l’aide sur l’état de santé » (domaine du CRA) afin de modérer son éventuel effet sur la valeur accordée au rôle d’aidant.

Les facteurs externes qui expliquent l’estime accordée au rôle d’aidant familial à p≤0,1 ont ensuite été entrés dans une régression multiple également ajustée sur l’impact de l’aide sur la santé de l’aidant.