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Chapitre 10. Les retentissements sociaux et émotionnels de l’AVC sur les aidants familiaux et les

10.1. Introduction 159

Suite à la survenue d’un AVC, puis au retour à domicile et sur le long terme, leurs victimes sont susceptibles d’entraîner des retentissements émotionnels et sociaux qui pourront retentir sur le mode de vie des aidants familiaux. Une revue des principales répercussions sociales et émotionnelles de l’AVC mises en évidence dans la littérature chez les aidants et les personnes victime d’un AVC sera élaborée. Les résultats d’études qui ont analysé la communication intra-dyade concernant les répercussions d’une maladie vécues par l’un ou l’autre de ses membres seront présentés. Enfin, les résultats d’une sélection de travaux sur la concordance entre les attitudes des aidants et des malades chroniques seront détaillés.

10.1.1. Des répercussions sociales conjointes

En fonction de la zone cérébrale atteinte et des déficiences neurologiques qui persistent en phase chronique, l’AVC peut entraîner une altération de la vie sociale des survivants. Une méta-analyse sur les répercussions sociales de l’AVC chez les victimes a révélé que parmi les victimes qui exerçaient une activité professionnelle au moment de sa survenue, en moyenne deux sur cinq seulement ont pu reprendre leur activité (Daniel, Wolfe, Busch, & McKevitt, 2009). Sur le plan personnel, l’AVC a affecté les relations avec les enfants et les partenaires des victimes, y compris sur le plan sexuel, a modifié la dynamique familiale et entraîné une diminution de la participation à des activités sociales (Baumann, Lurbe-Puerto, & Bucki, 2012).

Etant donné que la majorité des aidants sont les conjoints des personnes qui ont subi un AVC, ils résident souvent ensemble. Aussi, les aidants seront amenés à subir, eux aussi, les répercussions sociales et émotionnelles de l’AVC. D’une part, les répercussions peuvent directement faire suite aux limitations entraînées par l’AVC. Par exemple si, suite à l’événement, la victime ne peut plus aller se promener quotidiennement comme auparavant, l’aidant se trouvera face à une barrière supplémentaire à la pratique de cette activité commune. D’autre part, la venue de nouvelles responsabilités associées au rôle d’aidant peut, elle aussi, avoir des répercussions sur la vie sociale. Par exemple, une personne qui a subi un AVC peut nécessiter qu’on lui fasse des soins à une heure où, auparavant, son aidant allait rejoindre ses ami(e)s. La vie des uns devient inexorablement liée à celle des autres.

10.1.2. Intérêt de prendre en compte la qualité de la relation dyadique

Il existe une relation forte entre le vécu des aidants et des malades, ce qui a amené les chercheurs à prendre en considération dans les analyses, non plus seulement les aidants ou les malades de manière isolée, mais les dyades aidant-malade comme une entité à part entière (Untas, Koleck, Rascle, & Bruchon-Schweitzer, 2012). Des travaux ont montré que la relation entre les aidants et les malades, fondée sur des sentiments et du soutien, rend essentielles la confiance en l’autre et la sensation de compréhension mutuelle (Burnay, 2005). Aussi, après la survenue d’un AVC, la qualité de la relation entre les aidants et les personnes qui l’ont subi joue un rôle-clé pour leur bien-être.

Les études portant sur la confiance mutuelle (Molloy et al., 2008) et l’harmonie des relations sociales (Visser-Meily et al., 2009) ont montré que lorsque les aidants et les malades affichent des opinions proches, les malades présentent un état de santé psychologique élevé. Par ailleurs, lorsque les aidants estiment que leur relation avec les personnes victimes d’AVC

est de bonne qualité, les aidants présentent un meilleur état de santé mentale (Quinn, Clare, & Woods, 2009). De manière générale, dans les couples, une des raisons qui expliquent que les partenaires sont satisfaits de leur relation est le fait qu’ils perçoivent comme étant bonne la qualité de la communication entre eux (Meeks, Hendrick, & Hendrick, 1998). Il a d’ailleurs été montré que la qualité de la relation aide à améliorer l’ajustement des dyades pendant une maladie chronique (Badr & Acitelli, 2005). Pourtant, alors que la relation entre les aidants et les aidés devrait être considérée comme équilibrée en termes de dons à l’autre et de retours (Warner, Schüz, Wurm, Ziegelmann, & Tesch-Römer, 2010), le soutien social apparaît comme étant un mouvement plutôt unidirectionnel, souvent en faveur des malades (Spitz & Sordes Ader, 2007).

10.1.3. Le changement de caractère chez les victimes d’AVC et ses répercussions sur les aidants

Le thème de la relation à l’autre implique des interactions entre deux personnes et donc deux caractères. Or, l’une des plaintes récurrentes des aidants concernant les séquelles de l’AVC chez leur proche concerne le fait que leur caractère a changé (Stone et al., 2004). Les termes les plus couramment rapportés par les aidants pour définir les changements survenus chez les personnes suite à un AVC sont l’augmentation de l’ennui, de la frustration, de l’insatisfaction, de l’irritabilité, de l’inquiétude et du fait de se sentir malheureux ; les victimes d’AVC se sentiraient aussi moins actives, moins indépendantes, moins patientes, moins confiantes, moins stables, de moins bonne humeur, moins enthousiastes et maîtriseraient moins les situations qu’avant (Stone et al., 2004). Ces observations peuvent, soit directement résulter des séquelles de l’AVC (Kelly-Hayes et al., 1998), soit refléter la manière dont les victimes se sont adaptées suite à cet événement potentiellement traumatique (Daviet, Joste, & Salle, 2013).

Dès le Chapitre 7, il a été montré que les troubles affectifs chez les survivants d’un AVC jouaient un rôle plus important que les troubles moteur ou que la douleur sur la qualité de vie et la satisfaction à l’égard de la vie des aidants (Baumann et al., 2011). De plus, les aidants qui ont détecté un changement de caractère chez les personnes AVC présenteraient plus fréquemment des symptômes de détresse émotionnelle (Stone et al., 2004).

10.1.4. Les émotions ressenties et partagées par les victimes d’AVC

Les émotions les plus couramment rapportées suite à la survenue d’un AVC chez les victimes sont l’amertume, la honte, la culpabilité et le chagrin (Kvigne, Kirkevold, &

Gjengedal, 2004). La manière dont ces émotions sont partagées ainsi que la manière dont les aidants les identifient a été questionnée.

Partager avec autrui ses émotions suite à une situation difficile aide, entre autres, à la comprendre et à en tirer les leçons et permet de renforcer les liens sociaux (Rimé, 2000). Pourtant, plusieurs éléments constituent des barrières à ce partage. D’une part, la honte et la culpabilité, qui figurent parmi les émotions souvent ressenties par les malades chroniques (Frich, Malterud, & Fugelli, 2007), sont celles les moins partagées (Finkenauer & Rimé, 1998). D’autre part, une étude a montré que suite à un AVC, certaines victimes ont tendance à en relativiser ses impacts devant les aidants dans le but de les protéger (McPherson, Wilson, & Murray, 2007). Dès lors que les victimes camouflent leurs émotions, les aidants sont susceptibles de ne pas reconnaître le mal-être de leur proche et donc dans l’impossibilité de les soutenir.

Dans ce contexte où les retentissements sociaux de l’AVC sont vécus de manière commune et où les victimes rapportent des répercussions notamment émotionnelles, nous avons souhaité déterminer dans quelle mesure les attitudes des membres des dyades aidant- victime d’AVC différaient à propos des retentissements sociaux et émotionnels de l’AVC. Ce questionnement a amené à recenser les travaux qui ont analysé la concordance des réponses entre les membres de dyades aidant-malade.

10.1.5. La concordance des attitudes à l’intérieur des dyades

La concordance correspond à l’accord entre les attitudes de deux personnes. Dans le cadre de nos travaux, étudier la concordance à l’intérieur des dyades consiste à analyser le niveau de corrélation intra-classe entre les réponses des aidants et des personnes victimes d’AVC d’une même dyade. La plupart des travaux qui ont étudié la concordance entre les réponses des membres de dyades aidant-malade avaient pour objectif d’évaluer la fiabilité des réponses des aidants concernant les symptômes ou la qualité de vie des malades, dans le cas où ces derniers présenteraient des limitations pour répondre eux-mêmes (Jette et al., 2012; Low & Gutman, 2003; Silveira, Given, Given, Rosland, & Piette, 2010; Sneeuw et al., 1997). Ces études ont conclu que les aidants ont tendance à surestimer les symptômes des malades et à sous-estimer leur qualité de vie.

A notre connaissance, aucune étude n’a, à ce jour, comparé les attitudes des aidants et des victimes d’AVC d’une même dyade à propos des répercussions sociales de l’AVC vécues en commun et des répercussions émotionnelles ressenties par les malades.

Pour cette étude, nous sommes parties du postulat que des attitudes concordantes résulteraient en partie d’une communication antérieure à propos des ressentis de chacun et reflèteraient la qualité de la relation. Cette notion a été opérationnalisée par la concordance entre les attitudes des aidants et des malades à l’égard des retentissements sociaux de l’AVC vécus de manière commune ; ainsi qu’à l’égard des répercussions émotionnelles ressenties par les malades.

10.1.6. Objectifs

Les objectifs de notre étude ont été d’analyser, chez les aidants et les personnes qui ont eu un AVC, la concordance de leurs attitudes à propos des répercussions sociales et émotionnelles de l’AVC et de déterminer le profil socio-médical des dyades divergentes.