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Chapitre 3 Méthodologie

3.3. Méthode d’analyse

Comme nous l’avons spécifié au chapitre portant sur le cadre théorique, l’approche modulaire de l’école de Genève guide notre posture de recherche. Cette approche permet de considérer la complexité du discours et d’opter pour une décomposition de ce dernier en de fines unités, ce qui mènera à sa recomposition dans le but d’en obtenir une vue d’ensemble. Nous prendrons également en compte la question de l’organisation stratégique, que nous avons présentée en détail à la section 2.3., ainsi que la manière dont les interactants gèrent

les rapports de faces et de places dans des discours qui sont, par définition, argumentatifs. Plus précisément, l’analyse des données recueillies sera divisée en trois parties : dans la première, nous traiterons de la structure des émissions religieuses; dans la seconde, nous analyserons les interactions en face à face, ces dernières étant révélatrices du rôle des animateurs; enfin, dans la troisième, nous nous intéresserons au processus de la construction discursive d’un personnage charismatique. Une méthode d’analyse spécifique sera appliquée selon les besoins de chacune de ces sections.

Tout d’abord, au chapitre 4, nous emprunterons, à l’analyse conversationnelle, l’approche séquentielle, et ce, dans le but de rendre compte de la structure des émissions religieuses. Une analyse de contenu sera aussi réalisée afin de mettre au jour les différents thèmes abordés, l’objectif étant de vérifier si les animateurs religieux se concentrent uniquement sur des thèmes liés à la religion ou s’ils abordent des questions sociales, politiques, etc. Toutefois, ce n’est pas la méthode de l’analyse de contenu dite classique35 qui sera retenue, mais plutôt la méthode de l’analyse de contenu intégrant interaction et argumentation. Ce type d’analyse s’intéresse notamment à la structure de l’interaction et de l’argumentation puisqu’elle tient compte des tours de parole, des mouvements argumentatifs et des divisions séquentielles (Turbide, 2009). Dans cette perspective, Vincent (2008b : 23) stipule que l’analyse de contenu n’est pertinente que si elle tient compte des relations argumentatives.

Par la suite, au chapitre 5, nous analyserons les termes d’adresse et les actes directifs. Soulignons d’emblée que tous les termes d’adresse, autant ceux émis par les animateurs que par les auditeurs, seront retenus, alors que seuls les actes directifs produits par les animateurs le seront. Puisque des émissions interactives font partie de notre corpus, nous jugeons qu’une analyse des interactions sera révélatrice afin de montrer de quelles façons les animateurs se comportent avec leurs invités ou au téléphone avec leurs auditeurs. En d’autres termes, cette analyse permettra de cerner la dynamique interactionnelle des émissions soumises à l’étude.

35 Nous appelons ici classique l’analyse de contenu, telle que conçue dans les années 1970, fondée sur la

fragmentation du discours en différents thèmes et sur le traitement quantitatif de ces derniers (Charaudeau et Maingueneau, 2002 : 39).

Finalement, au chapitre 6, nous relèverons les indicateurs qui entrent en ligne de compte dans la construction discursive des « personnalités » des animateurs. Martel et Turbide (2005 : 193) soulignent que les procédés discursifs qui sont productifs dans ce contexte sont principalement de deux ordres et concernent les types d’arguments et les procédés rhétoriques. Cela signifie que nous nous intéresserons à la récurrence des techniques argumentatives et émotives utilisées. Ainsi, nous nous concentrerons sur les techniques qui sont les plus fréquentes afin de déterminer quelles sont les stratégies discursives qui sont employées par les animateurs. Nous analyserons, par le fait même, les indicateurs relevant de l’ethos (identité de l’animateur), du logos (la raison) et du pathos (appel aux sentiments). Cette approche est semblable à celle d’Amossy (2010 [2000]), dans la mesure où l’analyse de ces trois notions se superpose. Plus précisément, selon elle, ces trois notions, soit l’ethos, le logos et le pathos, sont intimement liées en ce sens où elles sont « imbriquées ».

Au final, nous optons pour une approche cumulative des méthodes d’analyse, approche qui consiste à recourir aussi bien à la méthode qualitative qu’à la méthode quantitative dans le but d’en arriver à une analyse plus complète et plus fine des données, ce qui nous aidera à dégager une vision somme toute intégrale de l’utilisation des stratégies discursives chez les animateurs religieux. Enfin, il importe de préciser que la présente étude relève de l’analyse du discours, qui, elle, s’inscrit dans une approche pragmatique. Ainsi, nous nous fonderons sur des travaux descriptifs ainsi que sur des travaux d’analystes du discours et de la conversation, analystes qui se sont intéressés à différents procédés dans « des situations authentiques de communication » (Martel et Turbide, 2005 : 194). Rappelons ici que la multitude des approches et des principes méthodologiques fait en sorte qu’il est impossible « de parler d’une approche intégrée et unifiée en analyse de discours » (Turbide, 2009 : 76).

En outre, à chaque chapitre, nous aurons recours, tout comme Vincent (2005 : 165), à l’atomisation des faits de langue, ce qui consiste en « leur décomposition en petites unités, puis [en] leur recomposition, [donnant] une image d’ensemble nettement plus précise que ne le ferait une description impressionniste de texte qui relèverait plus du résumé que de l’analyse ». Vincent (2001, 2005) se fonde ainsi sur les travaux de Sacks (1992 [1965] : 159), notamment sur les propos suivants :

Now, what I’m going to be doing is taking small parts of a thing and building out from them, because small parts can be identified and worked on without regard to the larger thing they’re part of. And they can work in a variety of larger parts than the one they happen to be working in. I don’t do that just as a matter of simplicity, but as I mentionned earlier [...], the gadget that you can stick in here and there and that can work in a variety of different machines. [...] So these smaller components are first to be identified because they are components perhaps for lots of other tasks than the one they’re used in. But then they’ll be fitted together into some actual single larger component in this case.

Cette méthode permet de dégager les différentes composantes du discours produit par les interactants. Pour Turbide (2009 : 77-78), cela revient à se concentrer, de manière successive, sur les dimensions interactionnelle, énonciative, linguistique, textuelle, etc., puisqu’il considère la méthode comme

économique et rentable pour l’analyse des discours qui suggère que même si les différentes composantes du discours sont interdépendantes – un type d’informations intervenant, complétant et nuançant un autre type d’information – chaque composante, chaque détail discursif, en tant qu’objet autonome et autosuffisant, peut être analysé indépendamment des autres. Parce que l’analyse de ces détails discursifs informe la mécanique d’ensemble du discours, l’addition de ces analyses fines et leur mise en relation permet d’obtenir une description plus complète, une compréhension plus globale des dynamiques qui façonnent les échanges entre les acteurs.