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Clôture des interactions dans les émissions interactives

Chapitre 4 Structure des émissions

4.1.2. Clôture des émissions et clôture des interactions

4.1.2.2. Clôture des interactions dans les émissions interactives

Chaque appel se termine par une suite d’échanges reprenant les étapes vues précédemment et qui concernent la fin des émissions : salutations, remerciements, invocations. Comme nous l’avons mentionné, chaque interaction doit suivre un rituel de fermeture et toute transgression à cette règle doit faire l’objet d’explication. Dans notre corpus, l’absence de clôture dans les tribunes téléphoniques est généralement attribuable à un problème technique : mauvaises conditions de réception ou écoulement des unités d’appel48.

Exemple 13

A2 : Voilà, donc, j’appelais juste pour vous féliciter Socé : merci

A2 : qu’Allah vous rétribue Socé : merci madame, merci

A2 : que la paix et la miséricorde soient sur vous.

Socé : merci, merci Ndaw. Nous remercions cette femme, Mariétou Ndaw depuis New Jersey. Elle appelle depuis les États-Unis d’Amérique, nous la remercions elle aussi vraiment (Socé, 5 février, auditeurs).

Dans cet épisode, la pré-clôture est constituée ici par « voilà, donc » et le « juste » vient confirmer que l’auditrice a atteint son but. Avec ces termes, l’auditrice communique son désir de mettre fin à l’interaction. Puis, elle fait des invocations et termine par des

48 Il est important de noter que 12 % des émissions avec auditeurs ne comprennent pas de clôture chez

l’animateur Socé et que ce pourcentage est de 13,7 % chez Sall. De plus, il faut noter qu’étant donné que nous nous sommes fondée sur les 30 premières minutes, certaines de nos émissions ne comportent pas d’ép isodes de clôture puisqu’elles durent plus longtemps. C’est le cas de toutes celles qui font intervenir des invités et des coanimateurs.

salutations qui mettent vraiment fin à son intervention. L’animateur quant à lui la remercie en tant qu’interlocutrice puis en tant que délocutée (« Nous remercions cette femme »), ce qui lui permet de renouer avec ses auditeurs.

Exemple 14

A8 : merci, nous sommes contents de vous Sall : par Allah, [appel à l’attendrissement] A8 : nous vous écoutons à chaque fois.

Sall : Alpha Oumar Diallo, Thiaroye-Kaw merci, nous te rendons vraiment hommage. 88 628 53 53, il est une heure passée de quatre minutes, ici dans le studio de Sud FM. El Haj Doudou Kenda Mbaye continuez49 (Sall, 7 janvier, auditeurs).

L’extrait 14 contient des remerciements et des compliments qui pourraient être considérés ici comme la pré-clôture puisqu’ils indiquent à l’animateur que l’appelant est arrivé au terme de son propos.

À l’instar de Yahiaoui (2010 : en ligne), nous avons observé que les clôtures sont plus courtes que les ouvertures. En effet, elle remarque que

[d]ans l’interaction radiophonique, la séquence d’ouverture est plus étendue que celle de clôture. Cette observation est contraire à ce qui se passe d’habitude dans l’interaction quotidienne, où la clôture est généralement plus longue, puisqu’on éprouve de la peine à se quitter, la séquence d’ouverture n’étant étendue que dans le cas des retrouvailles après une longue période de séparation.

Les clôtures sont, selon Traverso (2002c : 529), plus faciles à délimiter et de ce fait ont été plus étudiées. Parce qu’elles sont fortement ritualisées, elles ont fait d’emblée partie de l’analyse du système de protection des faces et du territoire (Goffman, 1973a [1959] et 1973b [1959]) et de celui de la politesse interactive introduit par Brown et Levinson (1978 et 1987). Tout comme les séquences d’ouverture, elles diffèrent d’une société à une autre et d’une culture à une autre et, d’ailleurs, le non-respect des usages rituels peut être perçu comme une offense grave (Yahiaoui 2010 : en ligne). Goffman (1974 [1967] : 41) stipule à

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ce sujet que « l’une des fonctions essentielles de l’activité rituelle est de permettre l’existence de rencontres autocontrôlées afin de garantir le maintien des sociétés ».

Ainsi, ces rituels jouent un rôle prépondérant dans l’interaction, et ce, en tant que régulateurs. Pour Kerbrat-Orecchioni (2005a : 114), « ces épisodes interactionnels, impliquant un changement d’état, sont particulièrement délicats pour les interlocuteurs [parce qu’] il n’est pas si facile d’“entrer en conversation” (“de rompre la glace”, de trouver les premiers mots et d’introduire les premiers thèmes), pas si facile non plus d’en sortir, et de produire le “mot de la fin” ». Ces séquences représentent donc des étapes négociées de l’interaction pour que chacun y trouve satisfaction.

La spécificité des épisodes d’ouverture et de clôture de notre corpus tient au caractère religieux de tous les rituels utilisés par les animateurs, les auditeurs, les invités et les coanimateurs. Il est évident que le rôle assigné à l’animateur y est très important puisque dans des émissions « laïques », telles les émissions de variétés ou les bulletins de nouvelles, nous ne retrouvons pas autant ces formules ritualisées que sont les invocations.

Nous tenons à signaler que certaines interactions avec les appelants ne contiennent que les rituels d’ouverture et de fermeture. Dans ces cas, les auditeurs appellent sans autre but que saluer, féliciter et remercier. Sur les 39 interactions avec un appelant, seules trois s’arrêtent à l’épisode d’ouverture en raison d’une interruption de l’appel (7%). Dans 54 % des cas, les auditeurs appellent pour poser des questions, alors que dans les 39 % restants, les auditeurs appellent seulement pour saluer, féliciter ou encore encourager l’animateur ou faire des commentaires. Ils appellent donc davantage pour chercher des réponses à leurs questions que pour de simples civilités.

Chez Sall, seule une émission ne comporte pas l’épisode du corps, également en raison d’une interruption. Mais ce qui semble paradoxal, c’est que les auditeurs appellent plus pour le saluer, le féliciter ou faire des commentaires (55 % des cas), et ce, sans lui poser de question, alors que le but véritable de cette tribune téléphonique ouverte aux auditeurs est de leur permettre de poser des questions sur les points qui ne sont pas clairs pour eux ou qui

concernent la religion en général. Nous sommes donc ici en présence de la fonction de gratification que ces félicitations et commentaires ont sur l’animateur des tribunes. Il s’agit de l’effet perlocutoire de ces derniers sur l’animateur, c’est à dire de l’effet des compliments des auditeurs sur les animateurs ou sur leurs actes.