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Implication du PA dans la biosynthèse des lipides

Le PA est un élément clé dans le métabolisme des lipides. En effet, il sert de substrat dans la formation de novo de tous les glycérophospholipides via l’ajout d’un groupement polaire sur le phosphate. Il est également le précurseur des lipides de la classe des glycérolipides (ou acylglycérols), qui sont formés par hydrolyse de la liaison ester entre le glycérol et le groupement phosphate. L’un des représentants de cette classe est le DAG, qui a été impliqué dans de nombreux processus cellulaires, en partie par sa capacité à recruter et activer la protéine kinase C (PKC). Non seulement la dégradation du PA permet la synthèse d’autres lipides bioactifs, mais elle contribue aussi potentiellement à la régulation temporelle de l’activité du PA dans un processus cellulaire donné (Athenstaedt et Daum, 1999).

Ainsi, le PA peut être métabolisé par trois familles d’enzymes (figure 17). D’une part, il est rapidement converti en DAG par l’activité de phosphatases spécifiques du PA (phosphatidic acid phosphatases, PAP) qui hydrolysent la liaison phosphomonoester et laissent ainsi le groupement

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glycérol libre (Brindley et Waggoner, 1998). Le DAG formé par cette voie sera ensuite utilisé pour la synthèse de PC, PE et PS, ainsi que des triglycérides (TG). Dans les cellules des mammifères, deux types de PAP ont été identifiés selon leur localisation subcellulaire. Le premier type (PAPI) comprend des enzymes solubles, principalement localisées dans le cytosol et le noyau, et pouvant s’associer aux membranes, alors que le second type (PAPII) se compose d’enzymes transmembranaires, se trouvant majoritairement à la membrane plasmique (Kocsis et Weselake, 1996). Dans le cas des PAPI, trois isoformes sont connues : lipine 1, 2 et 3 (Zhang et Reue, 2017). Le recrutement de la lipine 1 vers les membranes cellulaires semble être régulé par un cycle de phosphorylation/déphosphorylation, mais également par la charge du PA (Grimsey et al., 2008 ; Eaton et al., 2013). D’autre part, le PA peut être métabolisé en cytidine diphosphate-DAG (CDP-DAG) par l’enzyme CDP-DAG synthase (CDS), qui catalyse l’ajout d’une cytidine phosphorylée sur le groupement phosphate. Chez les mammifères, cette enzyme est trouvée principalement dans les microsomes, où le CDP-DAG sera ensuite converti en PI, ainsi que dans la mitochondrie où il est utilisé comme précurseur pour la synthèse du PG et de la CL (Saito et al., 1997). Enfin, le PA peut être également désacylé par les phospholipases A (PLA) de type PLA1 ou PLA2, pour former du LPA (Higgs et Glomset, 1994 ; Thomson et Clark, 1995).

Figure 17 : Le PA, un élément central dans le métabolisme lipidique

Le PA peut être converti en d’autres lipides par trois types d’enzymes. Il peut être hydrolysé en LPA par les PLA. Il peut également servir de substrat à la CDS ou aux différentes PAP afin de former respectivement du CDP-DAG ou du DAG, qui serviront d’intermédiaires dans la synthèse des glycérophospholipides et des acylglycérols.

CDP, cytidine diphosphate ; CDS, CDP-diacylglycérol synthase ; CL, cardiolipine ; DAG, diacylglycérol ; LPA, acide lysophosphatidique ; PA, acide phosphatidique ; PAP, acide phosphatidique phosphatase ; PC, phosphatidylcholine ; PG, phosphatidylglycérol ; PE, phosphatidyléthanolamine ; PI, phosphatidylinositol ; PLA, phospholipases A1 et A2 ; PS, phosphatidylsérine ; TG, triglycérides.

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37 De façon intéressante, les métabolites directs du PA tels que le LPA et le DAG peuvent à leur tour altérer la topologie membranaire, servir de site d’attachement pour certaines protéines, ou moduler l’activation et la localisation de protéines (Roth, 2008). Le DAG possède une structure très proche de celle du PA, et son absence de tête polaire lui donne une forme conique plus prononcée, pouvant entraîner de fortes courbures négatives au sein d’une membrane. Il peut également interagir avec des effecteurs protéiques comme la PKC, mais avec un mode d’interaction différent de celui du PA au vu de sa charge réduite (Carrasco et Mérida, 2007). Le DAG est plus classiquement formé par l’action de la phospholipase C (PLC) à partir de PI(4,5)P2. Cependant le DAG produit par la PLC est polyinsaturé en sn-2, alors que celui provenant de la déphosphorylation du PA est plutôt saturé ou monoinsaturé. Or, selon sa voie de production, ce lipide semble avoir des rôles distincts (Pettitt et al., 1997). Il est alors probable que les fonctions du DAG dépendent de ses chaînes d’acides gras et que ses effecteurs soient capables de discriminer ce lipide selon son degré d’insaturation. Le LPA quant à lui possède la même tête polaire que le PA, mais une forme géométrique inverse qui favorise une courbure positive. De plus, ce lipide porte une charge négative plus élevée que le PA au sein d’une bicouche de PC, probablement grâce à la présence d’un groupement hydroxyle libre sur le glycérol du LPA (Kooijman et al., 2005). Le LPA intervient notamment dans l’organisation du cytosquelette d’actine (Moolenaar, 1995). Ces deux métabolites pourront à leur tour être utilisés comme substrat pour reformer du PA. L’interconnexion DAG-PA-LPA permet alors de moduler finement les caractéristiques membranaires selon les besoins de la cellule.

Voies de synthèse du PA

Différentes réactions enzymatiques conduisent à la synthèse de PA, selon qu’il soit formé de novo (PA structural) ou via une transformation d’un autre lipide suite à une activation de voies cellulaires (PA de signalisation) (figure 18).

Formation du PA structural

Chez les mammifères, la synthèse de novo du PA requiert deux réactions d’acylations successives, en utilisant des acyl-CoA comme donneur d’acyle (Vance et Vance, 2004). La première réaction peut être effectuée via deux voies enzymatiques distinctes, ayant pour substrat soit le glycérol-3-phosphate (G3P), soit la dihydroxyacétone phosphate (DHAP). D’une part, l’enzyme G3P acyltransférase (GPAT) catalyse le transfert d'un acide gras sur la position sn-1 du glycérol, entraînant ainsi la formation de LPA. D’autre part, l’ajout d’un groupe acyle sur le DHAP par l’enzyme DHAP acyltransférase (DHAP AT) aboutit à la formation de l’intermédiaire 1-acyl-DHAP, qui est ensuite réduit dans une réaction NADPH-dépendante par l'acyl-DHAP réductase (ADR) en LPA. La deuxième réaction d’acylation est alors réalisée par une enzyme de type LPA acyltransférase (LPAAT) sur la position sn-2 afin de former le PA.

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Les différentes acyltransférases impliquées dans ces voies présentent parfois une spécificité de substrat concernant l’acyl-CoA, ainsi qu’une spécificité de localisation subcellulaire. Parmi les quatre isoformes de GPAT identifiées chez les mammifères, les GPAT 1 et 2 sont trouvées dans la membrane mitochondriale externe et utilisent préférentiellement les acyl-CoA saturés (palmitoyl-CoA) par rapport aux insaturés (oléoyl-CoA). En revanche, les GPAT 3 et 4 sont localisées dans la membrane du RE et ne montrent pas de préférence pour les deux types d’acyl-CoA (Wendel et al., 2009). La voie du DHAP quant à elle a lieu principalement dans les peroxysomes, où l'enzyme DHAP AT ajoute un groupe acyle le plus souvent saturé sur le DHAP. Enfin, la dernière réaction d’acylation se produit principalement dans le RE, et le deuxième groupement acyle ajouté par les LPAAT est généralement insaturé (Dircks et Sul, 1999).

Au vu de la place centrale du PA dans la biosynthèse des phospholipides, un défaut dans l’activité de ces acyltransférases a de sérieuses conséquences sur l’organisme (Athenstaedt et Daum, 1999). Chez les procaryotes, où seule la voie G3P est présente, les mutations affectant cette voie s’avèrent létales. Chez les mammifères, un dysfonctionnement de ces enzymes est

Figure 18 : Voies de biosynthèse du PA

Le PA structural (de novo) peut être formé par deux principales voies enzymatiques (en orange), la voie du G3P et celle du DHAP, les deux aboutissants à la formation de l’intermédiaire LPA. La production de PA de signalisation est médiée par 3 types d’enzymes (en bleu) : les LPAAT, les DGK et les PLD.

ADR, acyl-dihydroxyacétone phosphate réductase ; DAG, diacylglycérol ; DGK, diacylglycérol kinase ; DHAP, dihydroxyacétone phosphate ; DHAP AT, dihydroxyacétone phosphate acyltransférase ; G3P, glycérol-3-phosphate ; GPAT, glycérol-3-phosphate acyltransférase ; LPA, acide lysophosphatidique ; LPAAT, acide lysophosphatidique acyltransférase ; PA, acide phosphatidique ; PC, phosphatidylcholine ; PLD, phospholipase D.

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39 responsable de maladies génétiques graves, pouvant atteindre différents organes. On peut citer par exemple le Syndrome de Barth, résultant d’une mutation de l'acyltransférase Taz1p et caractérisé notamment par un retard de croissance, une cardiomyopathie, et une neutropénie (Bione et al., 1996).

Formation du PA de signalisation

En dehors de la synthèse de novo, le PA peut être formé suite à l’activation de voies de signalisation cellulaires. Sa production est alors médiée principalement par trois voies de biosynthèse alternatives. La grande diversité et la complexité de régulation de ces enzymes suggèrent qu’elles soient impliquées dans des fonctions cellulaires spécifiques (Jenkins et Frohman, 2005).

La première voie correspond à l’acylation du LPA par des LPAAT. Chez l’humain, six isoformes de LPAAT ont été identifiées (Coleman et Lee, 2004). Ces isoformes se trouvent principalement dans le RE, ainsi que dans l’appareil de Golgi (LPAAT3) et dans la mitochondrie (LPAAT4 et 5) (Gonzalez-Baro et Coleman, 2017). La LPAAT3 peut affecter la structure des compartiments golgiens et le trafic membranaire par le remodelage des phospholipides (Schmidt et Brown, 2009). D’autres protéines présentant une activité LPAAT ont été impliquées dans le trafic membranaire, en particulier dans la transmission synaptique. C’est le cas de la protéine endophiline I (Schmidt et al., 1999), ou de la protéine RIBEYE dans les synapses à ruban (Schwarz

et al., 2011).

La deuxième voie fait intervenir les diacylglycérol kinases (DGK), qui catalysent la phosphorylation du DAG à partir de l’ATP. Chez les mammifères, dix isoformes de DGK (α, β, γ, δ, η, κ, ε, ζ, t, θ) ont été clonées et classées en 5 sous-familles selon leurs structures primaires. Toutes les DGK possèdent un domaine catalytique conservé riche en glycine liant l’ATP, ainsi que des domaines spécifiques qui participent à la régulation de l'activité et de la localisation de l'enzyme (Shulga et al., 2011). La moitié des isoformes (α, γ, ζ, t, et θ) sont présentes dans le noyau, où elles semblent jouer des rôles fonctionnels importants sur la prolifération cellulaire (Flores et al., 1996 ; Topham et al., 1998 ; Matsubara et al., 2006). L’isoforme la plus récemment identifiée, DGKκ, est localisée de manière constitutive à la membrane plasmique (Imai et al., 2005) et semble être la cible préférentielle de la protéine FMRP (fragile-X mental retardation protein) dont la mutation est responsable du syndrome de l’X fragile (Tabet et al., 2016). Les DGK ont également été trouvées au niveau d’autres compartiments membranaires, tels que le RE (ε et δ), l’appareil de Golgi (γ) ou encore les endosomes (δ et η) (Kobayashi et al., 2007). Par ailleurs, des études ont révélé l’association de l’isoforme β avec les filaments d'actine, ainsi qu’un rôle de l’isoforme ζ dans la dynamique du cytosquelette d’actine via son interaction avec des protéines régulatrices (Abramovici et al., 2009). En plus des différentes DGK citées ci-dessus, la protéine PKR-like ER

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kinase (PERK) possède une activité lipide-kinase intrinsèque au niveau du RE, et utilise le DAG comme substrat préférentiel (Bobrovnikova-Marjon et al., 2012).

L’activation des DGK est soumise à une régulation complexe, qui nécessite généralement leur arrivée à un compartiment membranaire. La plupart des isoformes nucléaires peuvent parvenir à la membrane plasmique suite à l’activation de voies de signalisation spécifiques. Par exemple, l'activation de récepteurs couplés aux protéines G (RCPG) conduit à la translocation des DGK ζ et θ à la membrane plasmique, suite à leur phosphorylation par la PKC (Santos et al., 2002 ; Sanjuán et al., 2003 ; van Baal et al., 2005). Le niveau de phosphorylation des DGK semble donc représenter un des éléments majeurs du contrôle de leur localisation et de leur activité. Une fois associées aux membranes, l’activité des DGK peut être régulée par divers cofacteurs comme le calcium ou certains lipides tels que les PIP (PI3P, PI(4,5)P2, PIP3), la PS et la sphingosine (Shulga

et al., 2011).Le recrutement des DGK permet de moduler finement la balance DAG/PA au sein d’une membrane, et d’influencer par conséquent les fonctions cellulaires régulées par ces deux lipides.

L’activité des DGK joue un rôle important dans le trafic vésiculaire, notamment dans la neurotransmission. Les isoformes β, γ, et θ sont notamment exprimées de façon prépondérante dans le système nerveux. Un modèle de souris invalidées pour la DGKβ présente une anomalie de formation des épines dendritiques des neurones de l’hippocampe, associée à une déficience de mémorisation spatiale (Shirai et al., 2010). Plus récemment, le groupe de Daniel Raben a montré que l’isoforme DGK θ s’associe à la membrane présynaptique de neurones murins et participe au recyclage des vésicules synaptiques (Goldschmidt et al., 2016). Par ailleurs, un défaut d’expression de la DGKκ a été associé aux anomalies synaptiques et comportementales observées chez les souris Fmr1 KO (knock out), un modèle du syndrome de l’X fragile. La surexpression de cette isoforme dans les neurones Fmr1 KO permet de restaurer la densité et la morphologie des épines dendritiques (Tabet et al., 2016).

La dernière voie de production du PA est médiée par l’activité des phospholipases D (PLD), qui possèdent une capacité de remodelage de la bicouche lipidique en hydrolysant majoritairement la PC. Cette voie de synthèse du PA est beaucoup plus rapide et régulée que les autres voies, ce qui suggère qu’elle soit la principale source de PA nécessaire à des phénomènes tels que les processus d’exocytose et d’endocytose. Dans la dernière partie de cette introduction, je vais présenter les caractéristiques de ces enzymes et détailler leurs fonctions.

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IV. Les phospholipases D (PLD)

Les PLD sont des enzymes membranaires de la superfamille des phospholipases. Ces enzymes forment le PA en catalysant l’hydrolyse de la liaison ester entre le phosphate et le groupement polaire des phospholipides (liaison phosphodiester distale). Cette activité catalytique est extrêmement conservée au cours de l’évolution, ce qui suggère qu’elle est associée à des fonctions cellulaires essentielles à tout être vivant (Selvy et al., 2011).