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Des premières découvertes à la caractérisation des enzymes

Une activité de type PLD a été décrite pour la première fois à la fin des années 1940 chez les plantes, dans des extraits de carottes, puis de feuilles de chou (Hanahan et Chaikoff, 1947, 1948). Ces extraits végétaux présentant une activité PLD importante, ils furent ensuite utilisés comme biocatalyseur dans la synthèse de nouveaux phospholipides (Long et al., 1967 ; Eibl et Kovatchev, 1981). Il faudra attendre les années 1990 pour obtenir la première purification de l’enzyme à partir d’extraits de chou, étape nécessaire à la caractérisation des PLD par la suite (Abousalham et al., 1993). Les isoformes issues des plantes (PLDα, PLDβ, et PLDγ) ont été les premières purifiées, clonées et caractérisées (Wang et al., 1994). Ces travaux ont ainsi été les prémices de la caractérisation des PLD dans une grande variété d’organismes, tels que les bactéries (Iwasaki et al., 1994), les levures (Waksman et al., 1996), les virus (Zhao et al., 1997), et enfin les mammifères (Meier et al., 1999).

Les PLD de plusieurs espèces procaryotes et eucaryotes ont ainsi été clonées, et la comparaison des séquences entre différents règnes a permis de mettre en évidence des régions et motifs très conservés ainsi que des domaines de régulation. Par la suite, les membres de la famille des PLD ont été séparés en deux groupes distincts. Le premier groupe est constitué d’enzymes à activité PLD mais non homologues, présentant des domaines catalytiques différents. Cette catégorie comporte ainsi plusieurs types de PLD provenant d’organismes eucaryotes et procaryotes, qui jouent tout de même des rôles biologiques importants chez les mammifères et sont généralement sécrétés comme facteurs de virulence chez les bactéries. Le second groupe de PLD, majoritaire, comprend des enzymes présentant une homologie de séquence et notamment le motif HxKx4D (motif HKD) conservé chez toutes les espèces, contenant les résidus chargés histidine (H), lysine (K) et aspartate (D) (x étant un acide aminé quelconque). Ce motif, généralement dupliqué, est situé au niveau du centre catalytique (Hammond et al., 1995). Ce second groupe est donc nommé « à séquence consensus HKD », à l’inverse du premier groupe « non-HKD » (Selvy et al., 2011).

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Les différentes PLD chez les mammifères

Bien que les PLD aient été identifiées tardivement dans le règne animal, les PLD de mammifères ont très vite fait l’objet d’un vif intérêt. Les travaux portant sur l’identification, la purification, l’isolement des PLD et la détermination de leurs mécanismes d’action se sont alors succédé.La première activité PLD de mammifère a été découverte au milieu des années 1970 dans des extraits membranaires de cerveau de rat (Saito et Kanfer, 1973, 1975). Kanfer et ses collègues ont partiellement solubilisé une PLD d’environ 200 kDa, dont l’activité est optimale à pH 6, et est stimulée par l’oléate de sodium. Ce n’est qu’à la fin des années 1980 que cette activité PLD a été impliquée dans la transduction du signal suite à la fixation d’agonistes sur leurs récepteurs membranaires (Billah et al., 1989). Par la suite, diverses études chez le rat ont rapporté la présence de deux PLD au niveau du cerveau : l’une activable par des petites GTPases (de type Arf ou Rho) et dépendante du PI(4,5)P2, et l’autre activable par l’oléate de sodium mais non stimulée en présence de PI(4,5)P2 ou de GTPases (Massenburg et al., 1994). Ces études ont ainsi permis de mettre en évidence l’existence de plusieurs isoformes de PLD ayant des mécanismes de régulation distincts.

La caractérisation des PLD a ensuite permis l’identification par homologie de séquence de six isoformes (PLD1-6) possédant une séquence consensus HKD. Le rôle des différents domaines structuraux qui composent ces enzymes seront décrits dans la suite de cette introduction. Les isoformes PLD1 et PLD2, découvertes à la fin des années 1990, restent les isoformes les mieux caractérisées à ce jour (figure 19).

Le premier clonage de la PLD1 humaine (hPLD1) a été réalisé par le groupe de Michael Frohman, à partir d’une banque d’ADN complémentaire de cellules HeLa (Hammond et al., 1995). Leurs travaux ont montré que le gène de la hPLD1 code pour une protéine de 1074 acides aminés, correspondant à une masse moléculaire d’environ 120 kDa. Le même groupe montrera deux ans plus tard la coexistence de deux variants d’épissage, le variant PLD1b comportant une délétion de 38 acides aminés (résidus 585 à 624) par rapport à PLD1a (Hammond et al., 1997). Ces deux variants présentent une structure quasi identique, ainsi que des propriétés catalytiques similaires. Après le clonage de la hPLD1, d'autres séquences homologues ont été identifiées chez les mammifères (Ribbes et al., 1996). Les variants PLD1a et PLD1b ont notamment été retrouvés par la suite dans plusieurs tissus chez le rat (Katayama et al., 1998) et chez la souris (Colley et al., 1997a).

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43 Un second gène codant une protéine de structure très proche de la PLD1 a ensuite été identifié chez la souris (Colley et al., 1997b) puis chez l’homme (Lopez et al., 1998), et sa séquence complète a été décrite. Ce gène code pour une protéine de 933 acides aminés appelée par la suite PLD2, d'une masse moléculaire d’environ 100 kDa, et présentant environ 50% d'homologie de séquence avec PLD1. Les PLD1 et PLD2 peuvent différer notamment au niveau de leurs régions carboxy-terminale (C-ter) et amino-terminale (N-ter), qui comportent des domaines responsables de leur régulation et leur localisation. De plus, la PLD2 est délétée d’une boucle centrale de 116

Figure 19 : Structure des isoformes des PLD à séquence consensus HKD identifiées chez les mammifères

(Adapté de Kanaho et al., 2009 ; Egea‐Jimenez et Zimmermann, 2018)

Les domaines sont représentés de l’extrémité N-ter (à gauche) à l’extrémité C-ter (à droite). Les chiffres à droite des séquences indiquent le nombre d’acides aminés composant chaque protéine. Les PLD1-6 possèdent toutes au moins un domaine HKD. La PLD1 possède deux variants d’épissage PLD1a et PLD1b de structure extrêmement similaire. La PLD2 quant à elle est connue sous la forme de trois variants : PLD2a et PLD2b, qui sont quasiment identiques, et la forme tronquée PLD2c. Les 4 isoformes PLD3-6 comportent une hélice transmembranaire (TM) en N-ter.

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acides aminés (résidus 505-620) présente au milieu de la séquence de la PLD1 (Frohman et al., 1999). Trois variants d'épissage de la PLD2 humaine ont été séquencés à ce jour, dont le plus long est hPLD2a, le variant hPLD2b étant plus court de 11 acides aminés (résidus 810-820). Le variant hPLD2c est une forme tronquée et inactive dont la fonction est inconnue. Il ne comprend pas de site catalytique mais seulement les 335 premiers acides aminés de la séquence hPLD2a (Steed et

al., 1998).

Les quatre autres isoformes des PLD ont été découvertes plus récemment et restent peu caractérisées. Une activité de type PLD a tout d’abord été détectée spécifiquement dans la mitochondrie, où elle facilite les événements de fusion mitochondriale. L’isoforme identifiée, appelée Mito-PLD (puis PLD6), présente une homologie de séquence avec une PLD bactérienne, l’endonucléase Nuc, qui hydrolyse la liaison phosphodiester du squelette nucléique de manière analogue aux phospholipides. La PLD6 est homodimérique et contient ainsi deux hélices transmembranaires responsables de son insertion sur la membrane externe de la mitochondrie (Choi et al., 2006). Cette isoforme hydrolyse spécifiquement la CL pour former du PA. Concernant les PLD3-5, elles ont été identifiées uniquement par homologie de séquence et aucune activité catalytique n’a été détectée à ce jour pour ces isoformes. Les PLD3 et PLD4 présentent une activité exonucléase et peuvent s’ancrer dans la membrane du RE via une hélice transmembranaire qui place leurs domaines catalytiques à l’intérieur des citernes (Gavin et al., 2018). La PLD3 semble impliquée dans la formation des fibres musculaires (Osisami et al., 2012). Bien que controversées, différentes études ont également révélé l’existence d’une prédisposition à la maladie d’Alzheimer pour certains variants de la PLD3 (Cruchaga et al., 2014). La PLD4, quant à elle, a été impliquée dans la phagocytose chez les cellules microgliales, où elle a été détectée au niveau du noyau et des phagosomes (Otani et al., 2011). Le gène de la PLD4 a été identifié dernièrement comme un facteur de susceptibilité du développement de maladies auto-immunes (Okada et al., 2012 ; Chen et al., 2017 ; Akizuki et al., 2019), mais le mécanisme d’action mis en œuvre reste non identifié. Pour finir, la PLD5 présente également une hélice transmembranaire mais aucune conservation du site catalytique, et sa localisation ainsi que sa fonction sont encore inconnues (Frohman, 2015).

Outre les PLD1-6, d'autres enzymes de type PLD mais dépourvues de séquence HKD ont été identifiées. On peut citer par exemple la GPI-PLD, qui hydrolyse le glycolipide GPI en générant une molécule de PA, permettant de libérer l’ancre GPI de certaines protéines associées aux membranes cellulaires (Scallon et al., 1991). La N-acyl-phosphatidyléthanolamine (NAPE)-PLD, quant à elle, hydrolyse la NAPE afin de générer une molécule de PA et libérer de la N-acyléthanolamine. Cette enzyme joue un rôle important dans la synthèse des endocannabinoïdes (Okamoto et al., 2004). Enfin, l’autotaxine (ATX) est une lyso-PLD secrétée qui hydrolyse les lysophospholipides telle la LPC (lysophosphatidylcholine) afin de produire du LPA, un lipide stimulant la prolifération cellulaire (Hausmann et al., 2011).

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45 La suite de cette introduction se focalisera sur les PLD des mammifères comportant la séquence consensus HKD, notamment les isoformes PLD1 et PLD2.