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CHAPITRE I : Formation du PA et régulation des PLD au cours de la phagocytose

A. Activation des récepteurs phagocytaires et déclenchement de la signalisation

Définition et catégories de récepteurs phagocytaires

La phagocytose est initiée suite à l’adhésion d’une particule sur les récepteurs phagocytaires présents au niveau de la membrane plasmique du macrophage. Cette interaction ligand-récepteur va déclencher des cascades de signalisation intracellulaires menant à l’internalisation de la particule. Parmi la grande variété des ligands reconnus, on trouve par exemple des motifs moléculaires consensus à la surface des bactéries tels que le mannose, les lipopolysaccharides (LPS), les peptidoglycanes, ou bien la PS exposée à la surface des corps apoptotiques. Les particules peuvent également être recouvertes d’opsonines, des molécules

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101 sécrétées par le système immunitaire qui recouvrent la particule cible et favorisent sa reconnaissance par différents types de récepteurs. Les phagocytes présentent ainsi un large éventail de récepteurs plus ou moins spécifiques de ces ligands, qui œuvrent en collaboration pour la détection et l’ingestion des particules (Underhill et Goodridge, 2012 ; Canton et al., 2013).

La plupart des pathogènes ou corps apoptotiques, au vu de leur structure complexe, ne seront pas reconnus par un unique récepteur mais par la mobilisation de plusieurs types de récepteurs différents, dont la contribution dans la phagocytose sera variable (Stuart et Ezekowitz, 2005). Ainsi, tous les récepteurs engagés ne sont pas des récepteurs phagocytaires en tant que tels. Les récepteurs dits phagocytaires sont définis par leur capacité intrinsèque à induire l’internalisation d’une particule, lorsqu’ils sont exprimés en surface de cellules non phagocytaires (Freeman et Grinstein, 2014). En revanche, d’autres récepteurs de surface sont requis pour la reconnaissance du pathogène et coopèrent avec les récepteurs phagocytaires, mais leur action n’est pas suffisante pour déclencher la phagocytose. C’est par exemple le cas de la famille des récepteurs « Toll-like » (TLR), qui modulent l’efficacité de phagocytose, le devenir des particules internalisées et la réponse inflammatoire (Moretti et Blander, 2014).

Les récepteurs phagocytaires sont classés en deux catégories. La première comprend les récepteurs qui reconnaissent directement les particules à ingérer, par exemple les récepteurs scavengers (Prabhudas et al., 2014). La seconde classe inclut des récepteurs apparus chez les mammifères, qui reconnaissent les particules par l’intermédiaire des opsonines. Les récepteurs aux opsonines les mieux caractérisés dans la littérature sont les récepteurs du complément (CR), ainsi que les récepteurs Fc (FcR). Ces deux types de récepteurs, bien que classés dans une même catégorie, induisent des voies de signalisation différentes (Swanson et Hoppe, 2004). Les récepteurs à opsonines de type FcR ont été les plus étudiés. De plus, au cours de nos travaux, nous avons stimulé la phagocytose via des Ig qui activent ce type de récepteur, afin notamment de visualiser l’extension des pseudopodes. Je me focaliserai ainsi dans ce chapitre sur le déroulement de la phagocytose suite à l’activation des FcR, notamment ceux de type gamma.

La famille des récepteurs Fc (FcR)

Les FcR sont des récepteurs transmembranaires qui permettent l’internalisation de particules opsonisées par des Ig, les constituants majoritaires des anticorps circulants, en se fixant à leur partie constante (Fc). La famille des FcR se subdivise en plusieurs classes selon le type d’Ig avec lesquelles les récepteurs interagissent. Les récepteurs Fcα et Fcε se lient respectivement aux Ig de types A et E, tandis que les récepteurs Fcγ (FcγR) reconnaissent les Ig de types G (IgG). Les FcR sont classés en récepteurs de haute affinité (FcRI) ou de faible affinité (FcRII et FcRIII). Les premiers peuvent lier différents types d’Ig et permettent une transduction du signal dès la liaison d’une seule molécule, tandis que les seconds se lient exclusivement aux IgG, et nécessitent la liaison d’un complexe d’IgG afin de transmettre le signal (Nimmerjahn et Ravetch, 2008).

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Le déclenchement de la phagocytose par les FcγR est le mieux étudié. Il existe 6 FcγR chez l’homme, qui présentent des affinités différentes pour les IgG (figure 32). Ils sont classés en deux types fonctionnels : les récepteurs FcγR dits « activateurs », qui possèdent un domaine intracellulaire « immunoreceptor tyrosine‐based activation motif » (ITAM) permettant la signalisation via des mécanismes de phosphorylation ; et les récepteurs FcγR dits « inhibiteurs » dont l’unique représentant est le FcγRIIB, qui possède un domaine intracellulaire « immunoreceptor tyrosine‐based inhibition motif » (ITIM), inhibiteur de la phosphorylation des tyrosines. Les FcγR activateurs sont constitutivement actifs à la surface des macrophages et se regroupent suite à la reconnaissance de complexes immuns pour initier le processus de phagocytose. Les FcγRinhibiteurs, quant à eux, modulent l’intensité de l’activation.

Les monocytes, macrophages et neutrophiles humains expriment les récepteurs activateurs FcγRI (CD64), FcγRIIA (CD32) et FcγRIIIA (CD16), ainsi que le récepteur inhibiteur FcγRIIB (Nimmerjahn et Ravetch, 2008). Chez les phagocytes murins, le récepteur FcγRIIA n’est pas exprimé alors qu’un récepteur spécifique FcγRIV est présent. L’utilisation de modèles murins dépourvus des gènes codants pour les FcγR a permis de mettre en évidence leur rôle crucial dans la réponse immunitaire contre les invasions microbiennes. Il a notamment été montré que la

Figure 32 : La familles des récepteurs aux IgG (FcγR)

(Adapté de Nimmerjahn et Ravetch, 2008)

Les FcγR se lient à la fraction constante (Fc) des IgG. Ce sont des glycoprotéines transmembranaires de type I, à l’exception du récepteur FcγRIIIB chez l’homme, qui possède une ancre GPI. On distingue deux types de récepteurs chez la souris et l’homme : les récepteurs activateurs possédant un domaine d’activation intracellulaire constitué d’un motif ITAM et les récepteurs inhibiteurs qui eux comportent un motif ITIM. La phosphorylation des tyrosines de ces motifs régule la signalisation en aval de ces récepteurs.

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103 délétion du gène codant le FcγRI chez la souris entraine une inhibition de la phagocytose des complexes immuns formés par les IgG2a, ainsi qu’un défaut de présentation de l’antigène par le CMH, ce qui conduit à une réduction de la réponse inflammatoire (Ioan-Facsinay et al., 2002 ; Bruhns et Jonsson, 2015). L’utilisation de ces modèles a également révélé la balance très importante entre les signaux activateurs et les signaux inhibiteurs induits par le FcγRIIB. En effet, la délétion de ce dernier dans une lignée de macrophages murins entraîne une augmentation de l’internalisation des cibles opsonisées avec des IgG, mais également une réponse inflammatoire excessive conduisant au choc septique (Clatworthy et Smith, 2004).

Signalisation en aval des FcR

Suite à la fixation du ligand, plusieurs événements surviennent. Tout d’abord, une cascade de signaux aboutit à la phosphorylation des résidus tyrosine sur le domaine ITAM, par des membres de la famille des protéines kinases Src. Cette phosphorylation est suivie d’un recrutement de la kinase Syk, puis d’un regroupement des récepteurs. Enfin, elle entraîne l’activation de petites GTPases qui vont ensuite intervenir dans l’extension des pseudopodes caractéristiques de la phagocytose FcγR-dépendante (Niedergang et Grinstein, 2018).

Agrégation des récepteurs

Dans un premier temps, la liaison des Ig entraîne le regroupement des récepteurs phagocytaires. L’agrégation de ces récepteurs permet d’augmenter la liaison entre la particule et la membrane plasmique du phagocyte, mais aussi d’amplifier le signal intracellulaire par l’augmentation du nombre de récepteurs activés (Sobota et al., 2005). Ce mode de recrutement des récepteurs a été appelé mécanisme en « fermeture éclair », du fait que les récepteurs seraient interconnectés au fur et à mesure de l’extension de la membrane plasmique autour de la particule. Par ailleurs, l’agrégation des FcR est à la base de la transduction du signal au cours de la phagocytose. Il semble en effet que la liaison du ligand au récepteur permette la phosphorylation des motifs ITAM dans les 15 secondes après activation, mais ne soit pas suffisante pour maintenir la signalisation (Paolini et al., 1991 ; Benhamou et al., 1993 ; Kiener et al., 1993). Ainsi, plus il y a de récepteurs agrégés au cours de la phagocytose, par exemple à cause de la liaison d’une particule de grande taille, plus la transduction du signal sera importante. De plus, le groupe de Sergio Grinstein a pu montrer que dans le cas le plus physiologique où l’opsonisation d’une particule avec des IgG n’est pas réalisée de manière homogène, ce mécanisme de fermeture éclair est favorisé par l’activation des intégrines, qui réalisent un pontage entre la particule et la membrane du phagocyte (Freeman et al., 2016). La diffusion latérale des récepteurs Fc est cependant limitée par le réseau de filaments d’actine corticale, qui immobilise des protéines transmembranaires jouant un rôle d’ « enclos », comme par exemple CD44 (Freeman et al., 2018).

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Phosphorylation des récepteurs

Suite à l’agrégation des FcR, le domaine ITAM des récepteurs est phosphorylé par des protéines tyrosine kinases. Cette phosphorylation est requise pour initier la signalisation aboutissant à la polymérisation d’actine à la coupe phagocytaire (Lin et al., 2016). Le maintien de cette signalisation nécessite par ailleurs l’exclusion des tyrosine phosphatases au niveau du site de phagocytose. Une étude récente a ainsi mis en évidence le rôle de la barrière créée par les intégrines et l’actine-F en anneau, qui empêchent la diffusion des phosphatases (notamment CD45) vers le centre de la région d’internalisation (Freeman et al., 2016). Les FcγR ne possédant pas d’activité kinase intrinsèque, l’étape de phosphorylation requiert l’activité de tyrosine kinases de la famille Src, qui sont des facteurs clés dans la transduction du signal en aval des FcγR. L’activité de ces kinases transforme les motifs ITAM en plateformes de recrutement d’autres kinases telles que Syk ainsi que de protéines adaptatrices (Cox et Greenberg, 2001).

La famille des kinases Src est composée de 9 membres dont trois sont majoritairement exprimés dans les macrophages (Lyn, Hck, Fgr). Le rôle de ces kinases dans la transduction du signal en aval des FcγR a été montré dans des macrophages murins. Un défaut d’expression de ces kinases inhibe de 60% la phagocytose dépendante du FcγR dans ces cellules en entraînant notamment une diminution significative de l’activité de la kinase Syk connue pour être en aval de la cascade de signalisation, ainsi qu’un retard de la polymérisation d’actine à la coupe phagocytaire. En revanche, l’invalidation d’une seule des trois kinases Src n’est pas suffisante pour affecter drastiquement la phagocytose (Fitzer-Attas et al., 2000 ; Majeed et al., 2001). Parmi les Src, la protéine Hck est majoritairement exprimée dans les macrophages et comprend deux isoformes en quantités égales : p59Hck et p61Hck. Ces isoformes diffèrent par la présence de groupement acylés qui gouvernent leur localisation subcellulaire. La p59Hck est palmitoylée et est retrouvée constitutivement à la membrane plasmique. Il a été démontré que cette isoforme permet l’activation de la kinase Syk et régule la plasticité du cytosquelette d’actine après activation des FcγR dans les macrophages murins (Carréno et al., 2002).

Recrutement et activation de la kinase Syk

La kinase Syk intervient en aval de la signalisation des kinases Src. Cette protéine a été identifiée en premier lieu comme interagissant via son domaine SH2 avec des tyrosines phosphorylées présentes sur les motifs ITAM des récepteurs des lymphocytes B activés (Johnson et al., 1995). Cette kinase est également exprimée dans les macrophages, où elle joue un rôle majeur dans la cascade de signalisation menant à la polymérisation d’actine. Une étude dans les lymphocytes T a également montré à l’aide de l’expression d’une protéine de fusion que la protéine Syk est requise pour l’assemblage de l’actine et la phagocytose en aval des FcγR (Cox et

al., 1996). Ce résultat a ensuite été confirmé dans des macrophages : une fois les domaines ITAM du FcγR phosphorylés, Syk est recrutée rapidement à la membrane du phagosome en formation

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105 via son domaine d’homologie aux protéines Src (SH2). De plus, la déplétion de cette kinase entraîne une diminution de la phagocytose dépendante du FcγR associée à un défaut de mise en place de la coupe phagocytaire (Crowley et al., 1997 ; Kiefer et al., 1998). Au cours de la phagocytose, les récepteurs deviennent très mobiles, ce qui favorise leur regroupement, et sont exclus de la région de polymérisation de l’actine. Une étude récente a révélé que l’activation de Syk amplifie le signal de phagocytose en restaurant la mobilité des récepteurs FcγR non engagés, en induisant le remodelage du cytosquelette d’actine au niveau du site de phagocytose (Jaumouillé

et al., 2014). Suite à ces cascades de phosphorylation, de nombreuses protéines adaptatrices sont mobilisées au site de phagocytose afin de recruter des enzymes du métabolisme lipidique, notamment celles régulant la formation des PIP.