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Le Devoir (Canada), mercredi 26 janvier 2005

Il y a soixante ans cette semaine, l'Armée rouge libérait Auschwitz. Lors des commémorations organisées pour souligner cet événement, l'écrivain Elie Wiesel a formulé un voeu sous la forme d'une question: «Le monde finira-t-il par apprendre?» Il est permis d'en douter.

Le soixantième anniversaire de l'entrée des Soviétiques à Auschwitz a commencé sous le signe de l'indifférence consciente d'une partie du monde. En effet, la moitié au moins des ambassadeurs rattachés aux Nations unies ont boycotté l'allocution de Wiesel ainsi que celles des autres invités. Ce refus de reconnaître ce chapitre de l'histoire, d'en examiner tout ce qui en fait l'horreur, a ceci d'abject qu'il confirme le constat d'un expert en ces choses. À savoir qu'au lieu du «plus jamais ça» clamé au lendemain de la Deuxième Guerre mondiale, le monde est habité par le «encore et encore».

Au cours des six dernières décennies, les fanatiques de la haine de l'autre ont tué des millions de personnes. À tel point qu'un inventaire des génocides s'impose : un million d'Ibos au Biafra, 1,5 million de Bengalis, 200 000 Guatémaltèques, 1,7 million de Cambodgiens, 500 000 Indonésiens, 200 000 Timorais, 250 000 Burundais, 500 000 Ougandais, 800 000 Rwandais, 10 000 Bosniaques, sans oublier le génocide qui a cours actuellement au Darfour. À l'évidence, le monde n'a pas appris parce qu'il ne veut pas entendre.

À cet égard, le dossier d'Auschwitz a eu une qualité pédagogique, si l'on ose dire, qui mérite une méditation minutieuse.

Contrairement à ce que beaucoup pensent et défendent aujourd'hui, l'exploration du crime d'entre les crimes fut tardive. La découverte par l'Armée rouge du mécanisme élaboré par les nazis pour éradiquer les Juifs n'a pas eu d'écho immédiat dans la population. À Nuremberg, cela fut étudié mais pas avec le soin que ce dossier exigeait. Pire, pendant les quinze années qui suivirent l'introduction des Soviétiques d'abord, des Alliés ensuite, dans les camps d'extermination, la solution finale fut un sujet tabou.

Il aura fallu attendre le procès, en 1961, d'Adolf Eichmann pour que s'amorce enfin un travail de mémoire sur le sujet. Jusqu'alors, les témoignages écrits par Elie Wiesel (1957), David Rousset (1946) et surtout Primo Levi, avec son vertigineux Si c'est un homme (1947), avaient été littéralement ignorés. Quant à Raul Hilberg, la sommité en la matière, il aura patienté onze ans avant qu'un éditeur ne publie son livre. Ce n'est qu'après la condamnation d'Eichmann en 1962 que ces ouvrages seront enfin analysés.

À la faveur de ce procès et des témoignages évoqués, les mentalités ont été frappées au point de forcer les autorités à sortir de leur torpeur, à mettre un terme à leurs sournois louvoiements. Ainsi, certains des cadres nazis qui administraient Auschwitz seront traduits devant les tribunaux dans la deuxième moitié des années 60. En France, il faudra attendre les années 80 et 90 avant que Klaus Barbie, Paul Touvier et Maurice Papon soient jugés.

Au fur et à mesure que la prise de conscience de la Shoah va s'étendre, on va assister à l'émergence et à la propagation d'une conception venimeuse du phénomène, soit la négation. En militant pour un gommage de la solution finale des livres d'histoire, ceux qu'on nomme justement les négationnistes ont brouillé les cartes au point que la confusion entre camps de concentration et camps d'extermination s'avère persistante.

Ce détournement du sens de l'histoire est d'autant plus dangereux qu'il doit être combattu avec fermeté et persistance. On se souviendra que c'est la négation, sous une forme différente, du génocide arménien qui servit de caution à Hitler lorsqu'il cherchait à rallier les sceptiques à sa lugubre ambition. On se rappellera surtout qu'une division fut effectuée entre la fonction

d'extermination et celle dite de concentration.

Ainsi, lorsque les Juifs arrivaient à Auschwitz, on dirigeait directement vers les chambres à gaz les enfants, les femmes et les vieillards. Les plus valides d'entre eux étaient amenés dans l'enclave concentration où on les épuisait à fabriquer outils de guerre et autres. La distinction faite au sort des Juifs découle en droite ligne de cette certitude que le sang de ces derniers était corrupteur.

À ce propos, on doit rappeler que, si Himmler et Heydrich, en charge de la solution finale, ont choisi le gaz et non le fusil, c'est qu'ils craignaient que les bons Aryens soient... éclaboussés !

Lorsqu'on pose le regard sur Auschwitz, on découvre que c'est bel et bien là que «le destin du siècle a saigné».

Le camp de Drancy, ultime étape avant la mort à Auschwitz pour 70.000 juifs

DRANCY (AFP) - mardi 25 janvier 2005, 8h43

Le camp de Drancy a été, jusqu'à sa libération le 17 août 1944, le principal lieu de départ, vers le camp d'extermination nazi d'Auschwitz-Birkenau, pour 70.000 à 80.000 juifs.

Simone Veil, elle-même déportée, et François Fillon, ministre de l'Education nationale, y rencontreront des élèves mardi.

"Arrachez vos étoiles!": ce cri a retenti dans le camp de Drancy le jour de sa libération le 17 août 1944. Le SS Aloïs Brünner, dernier commandant en poste avait alors pris la fuite avec une cinquantaine d'otages, après avoir brûlé les archives du camp. Selon les sources, entre 70.000 et 80.000 juifs furent internés dans ce camp, au départ une simple cité d'habitation construite dans les années 30.

Réquisitionné par l'armée allemande le 14 juin 1940, l'ensemble fut d'abord transformé en camp de prisonniers de guerre. Il devint, le 20 août 1941, un camp de concentration de juifs, après la première rafle dite "du 11ème arrondissement" car la plupart des 4.200 juifs arrêtés y habitaient.

Devant ce site en forme de "fer à cheval", des barbelés avaient été installés ainsi que des miradors, sous la surveillance extérieure de gendarmes français. Durant les premières années, un fonctionnaire français assurait le commandement du camp et faisait appliquer le règlement.

Le premier convoi est parti de Drancy le 22 juin 1942. Il était composé de 934 hommes et de 66 femmes internés dans le camp. Seuls 34 survivants de ce train reviendront en 1945.

La deuxième période du camp de Drancy a débuté avec la grande rafle des 16 et 17 juillet 1942 dite "Rafle du Vel d'Hiv", lorsque 13.152 hommes, femmes et enfants ont été arrêtés. Parmi eux, 4.992 ont été internés à Drancy.

Enfin, le 2 juillet 1943, une nouvelle équipe d'Allemands, avec à sa tête Aloïs Brünner, a pris le contrôle du camp. Les représentants de l'administration vichyiste ont alors été "relevés de leurs fonctions", n'assurant plus que la garde extérieure.

Une tentative d'évasion a marqué les mémoires: à partir de septembre 1943, des résistants ont commencé à creuser un tunnel... Lorsqu'il fut découvert par les SS, il manquait 1,50 mètres au tunnel pour aboutir. Il mesurait 38,5 mètres de long, 1,30 mètres de haut et 60 à 80 centimètres de large, selon le Conservatoire historique du camp de Drancy.

Deux ans après la Libération, le camp est redevenu un lieu d'habitation à loyers modérés (HLM). C'est seulement en 1954 qu'une plaque commémorative y a été installée, puis un "wagon témoin" au centre du bâtiment et un monument en 1976. Le conservatoire historique du camp de Drancy a été ouvert en 1989.

Le pavillon français rénové du Musée d'Auschwitz

AUSCHWITZ (Pologne), 26 jan (AFP)

Le président français Jacques Chirac inaugurera jeudi un pavillon français rénové au Musée d'Auschwitz, à l'occasion du 60ème anniversaire de la libération du camp.

La visite du pavillon numéro 20, peint aux murs blancs et nus, habillés d'un jeu d'ombres humaines, est orientée autour de la destinée tragique de cinq déportés choisis parmi 80.000 déportés de France, dont 76.000 juifs. Seuls 2.500 sont revenus, soit 3% d'entre eux.

Une manière, expliquent les conservateurs, d'honorer la mémoire de ces milliers d'hommes de femmes et d'enfants qui ont été condamnés mais n'ont pas tous été à Auschwitz.

Leur histoire se lit à travers cinq destinées racontées depuis leur déportation de France: celles de Sarah et Hersch Beznos, un couple d'origine russe et bélarus et de leur descendants.

Il y a aussi Jean Lemberger, d'un milieu de militants communistes juifs originaires de Pologne, et le petit Georgy Halpern, d'origine polonaise également, né à Vienne, amené en France par ses parents après l'Anschluss. Enfin Pierre Masse, résistant né dans une famille de magistrats israélites républicains convaincus et Charlotte Delbo, communiste et résistante.

D'une salle à l'autre dans le pavillon, l'évolution de leur destin. Des panneaux éclairés avec leurs photos et des légendes. Une des sept salles comprend un mur d'images de quelque 2.000 enfants juifs déportés sur les 11.000 de France.

Car outre Auschwitz, le pavillon raconte la fin tragique des victimes dans d'autres camps tels à Kaunas (Lituanie) ou Sobibor, en Pologne à la frontière ukrainienne.

Pour ceux qui veulent rechercher les leurs, exterminés à Auschwitz, un triste répertoire électronique: ceux dont les noms auront été consignés ou découverts par les historiens grâce à des témoignages.

Mais il y a tant de milliers d'autres qui n'y figurent pas puisque gazés dès leur arrivée au camp.

Les autorités polonaises ont demandé à la France d'imaginer une exposition illustrant la place de ses victimes par rapport à plus d'un million d'exterminés à Auschwitz-Birkenau, ont expliqué de hauts fonctionnaires français lors d'une visite organisée pour la presse avant l'inauguration.

Le pavillon français, avant cette rénovation, avait été inauguré en 1978 et sa première exposition -communisme oblige- était surtout axée sur les actes de la résistance française à l'occupant nazi.

Auschwitz préserve la mémoire de millions de Polonais morts en