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Déportation des juifs de France: le travail de précurseur de Serge Klarsfeld

AFP | 19.01.05 | 16h47

Serge Klarsfeld, avocat et président de l'association Fils et Filles des déportés juifs de France, a rappelé qu'il avait établi il y a 26 ans une liste des juifs de France déportés, convoi par convoi, qui a mené à la création du Mur des Noms au Mémorial de la Shoah à Paris.Q: Comment a été établie la liste des 76.000 noms des juifs de France déportés qui figurent sur le Mur à l'entrée du Mémorial de la Shoah?R: Le Mémorial a établi la liste. Nous avons ouvert le chemin, il y a 26 ans, en établissant une liste des déportés, convoi par convoi. Chaque fois qu'un train partait, une liste était faite au papier carbone: quatre exemplaires partaient pour Auschwitz, un restait à Drancy, un autre était adressé à la Gestapo.Les exemplaires retrouvés au siège de la Gestapo à Paris à la Libération par le CDJC (Centre de documentation juive contemporaine) étaient incomplets ou en mauvais état. En 90, j'ai retrouvé une liste en meilleur état, au ministère des Anciens Combattants. En complétant ou en rectifiant par des archives trouvées en Allemagne mais aussi à Bruxelles, New York et Jérusalem, j'ai pu établir un

"mémorial" exhaustif (ndlr, le Mémorial de la déportation, publié en 78). Ca a été un très gros choc quand nous l'avons publié. Q: Qu'est ce qui a motivé votre travail?R: Je ne voulais pas aller aux procès (contre d'anciens nazis ou contre les collaborateurs français) sans que les victimes soient là. La justice a entraîné la mémoire. Après la publication du livre, nous avons construit en Israël un monument de 35 mètres de long qui porte les noms des 80.000 juifs de France morts pendant la guerre (ceux

déportés de Drancy à Auschwitz, plus les juifs morts dans des camps d'internement ou ceux fusillés ou abattus en France). J'ai voulu accomplir le même travail avec les enfants, les moins de 18 ans. Sur les 76.000 juifs déportés, on compte 11.000 enfants. En 93, j'ai publié le Mémorial des enfants avec leurs photos.J'ai pu récupérer 7.000 actes de naissance. Tout cela figurera dans le Mémorial, avec les

adresses d'arrestation aussi parce que c'est très "parlant" de voir où ces ignominies ont été commises.

Q: Pensez-vous qu'il y a un problème de transmission de la "mémoire" de la Shoah en France?R: Plus maintenant. Il n'y a pratiquement pas de pays où la mémoire soit aussi bien conservée. Si les

négationnistes (NDLR: dans les années 70) n'étaient pas intervenus, nous n'aurions pas fait tout ce travail. On a pris conscience de beaucoup de choses en France, notamment avec le discours de

Jacques Chirac en 95. Maintenant, tous ces déportés, tous ces gens tués reviennent à la lueur du jour et font partie de l'Histoire.En 81, nous avons organisé les premiers voyages d'enfants à Auschwitz dans la journée: c'est un choc déterminant et salutaire pour les élèves. L'histoire est fondamentale et c'est le meilleur travail que l'on puisse faire contre le totalitarisme.

Une commémoration trop ciblée de l'Onu

Christian Laporte

Mis en ligne le 18/01/2005 - - -

Une session de l'Onu sur l'anniversaire d'Auschwitz divise les «anciens».

Avec la commémoration de la libération du camp d'extermination d'Auschwitz, le 27 janvier prochain, l'on entrera résolument dans une période d'hommages avec en guise d'apothéose, la célébration de la fin de la Seconde Guerre mondiale en Europe, le 8 mai prochain. L'Onu a pris les devants en décidant d'organiser le 24 janvier prochain une session spéciale pour marquer cet anniversaire. En soi, une bonne initiative. Il y a cependant un bémol: l'Organisation des Nations unies présente ce débat comme

«la» commémoration de la libération des camps nazis.

Une option qui trouble, pour le moins, les rescapés des camps de concentration, entendez: les prisonniers politiques et les prisonniers d'opinion qui redoutent que leur combat mais aussi leurs souffrances soient de moins en moins pris en compte dans le travail de la mémoire.

C'est ce qui a amené le Comité international de Dachau et son président-fondateur, Arthur Haulot, à interpeller le secrétaire général de l'Onu, Kofi Annan et à déplorer le choix de la seule date d'Auschwitz.

«Si grande que soit cette horreur, écrit le baron Haulot, elle ne justifie pas l'escamotage des centaines de milliers d'autres victimes du nazisme qui, comme les juifs, ont connu les pires souffrances et la mort la plus odieuse, non pour des raisons raciales mais en fonction de leur combat sans pitié contre le nazisme et l'écrasement par celui-ci de toutes les valeurs démocratiques.» Et d'ajouter que «s'il fallait choisir une date symbolique, il faudrait choisir la date du 29 avril qui est celle de la libération de Dachau, le premier camp de concentration créé par Hitler et ouvert par lui le 22 mars 1933.» Et Haulot de conclure que «ramener l'ensemble de la monstruosité des camps nazis à une confusion avec le massacre particulier et racial commis à Auscwhitz, c'est contribuer à donner de l'histoire de l'hitlérisme une idée totalement fausse qui ne peut que desservir dans l'esprit de la jeunesse la réalité d'un combat qui a impliqué d'autres millions de morts de toutes couleurs politiques démocrates et de toutes nationalités.»

Une crainte un peu égoïste? Que nenni, chat échaudé craint l'eau froide. Dans les milieux d'anciens résistants, l'on souligne ainsi que divers organismes internationaux sont mis sous pression afin de ne plus marquer que cette dimension de la Seconde Guerre.

«Que l'on n'interprète surtout pas notre réaction comme un acte contre les victimes juives», s'exclame Arthur Haulot. «Mes amis résistants juifs partagent notre point de vue. Il ne faudrait pas que l'on oublie la libération des autres camps et le 8 mai, date ô combien symbolique de la victoire de la démocratie!»

Une certitude: la Belgique n'oubliera pas le 8 mai. Une grande rencontre entre «anciens» et jeunes est déjà programmée... En partenariat avec tous les «anciens»...

© La Libre Belgique 2005

BIELSKO BIALA (Pologne), 20 jan (AFP)

A Bielsko-Biala, la petite communauté juive veut garder la tradition

La communauté juive de Pologne, la plus importante d'Europe avant la Seconde guerre mondiale, est presque éteinte depuis la Shoah et les vagues d'émigration de l'époque communiste, mais une poignée de cette minorité garde la tradition dans ce pays à 95% catholique.

Ainsi à Bielsko-Biala, dans l'extrême sud, "se trouvent 30 adultes juifs qui constituent la plus petite communauté de Pologne", explique à l'AFP sa présidente Dorota Wiewiora.

Nombre d'entre eux sont à moitié catholiques et pas toujours juifs du côté de la mère, alors qu'on n'est juif que par l'ascendance matriarcale, selon la Loi.

"Il ne reste ici qu'un seul couple d'une cinquantaine d'années à être juif des deux côtés", déplore Mme Wiewiora.

"Et nous n'avons pas de rabbin, ce qui nous déplace à Cracovie, distante d'une centaine de kilomètres, pour les services", dit-elle.

Le petit groupe de juifs se rencontrent pour les grandes fêtes. Ils sont probablement les derniers survivants dans cette ville forte aujourd'hui de 200.000 habitants.

Leurs enfants sont ailleurs, soit pour étudier à Cracovie, soit pour travailler dans d'autres grandes villes polonaises.

La présidente de la communauté se dit d'ailleurs "très pessimiste" sur l'avenir des siens, en voie de disparition ou d'assimilation dans la ville.

Bielsko-Biala est démunie de ses théâtres yiddish, de sa grande synagogue brûlée par les nazis le 13 septembre 1939, et de ses écoles.

De tout un rayonnement économique et culturel il ne reste que quelques bâtiments, symboles d'une richesse passée, réclamés et parfois récupérés par les familles juives encore vivantes, installées à l'étranger.

Et un trésor: les rouleaux de la Torah vieux d'un siècle, sauvés de la grande synagogue de Bielsko avant sa destruction. Ils sont visibles dans la salle de prières d'un centre, chargé d'administrer ce qui peut encore l'être au sein de la communauté.

C'est à Bielsko qu'est née Gerda Weissmann Klein, une déportée d'Auschwitz-Birkenau dont le témoignage a fait le tour du monde immortalisé dans un livre et dans un documentaire "One survivor remembers" (Un rescapé se souvient) primé en 1996 d'un Oscar, raconte fièrement Mme Wiewiora.

Bielsko-Biala a connu son lot de disparitions dues à la Shoah, extermination de six millions de juifs européens, dont la moitié de Polonais.

Avant la guerre, la ville comptait quelques 10.000 juifs, selon les documents existants au siège de la communauté. 3.500 sont revenus après la guerre, dont 841 des camps, mais moins de 500 originaires de la cité.

Le coeur de la ville, tout comme l'ensemble du pays, battait également au rythme du yiddish, culture de 10% de la population en Pologne. Celle-ci a fait naître de grands penseurs et artistes, dont Isaac Bashevis Singer, la mémoire littéraire des juifs polonais d'avant-guerre, prix Nobel de littérature 1978.

Après la guerre, il n'est resté que 280.000 juifs en Pologne, selon les historiens, sur plus de trois millions d'âmes dans les années 1930. Mais ils ne sont pas restés, chassés par le stalinisme, puis par la vague antisémite du pouvoir communiste en 1968. Ils se sont installés en Israël et aux Etats-Unis.

Aujourd'hui, ils sont au plus 5.000 en Pologne, selon les estimations, et l'essentiel est regroupé à Varsovie qui comptait avant 1939 plus de 300.000 juifs.

La capitale polonaise s'est dotée d'une école juive, où l'hébreu et la religion sont enseignés avec le soutien de la Fondation américaine Lauder.

Il reste une synagogue très active et une publication mensuelle en yiddish et polonais, Midrasz, qui se vend à des milliers d'exemplaires.

Pour la première fois après des décennies, la fête de Hanoukka a été célébrée à Varsovie en décembre. Les neuf bougies ont été allumées en plein centre de la capitale par le grand rabbin ashkénaze d'Israël, Yon Metzger, en présence d'officiels et de centaines de personnes.

60 ans après

19 janvier 2005 / 15 h 20