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En dehors de l’accompagnement social demandé par l’ANRU, des expériences de médiation se répandent dans les quartiers pour atténuer les frictions liées à la mixité imposée. La médiation sociale est aussi une manière d’accompagner les habitants. Celle-ci peut être assurée par des professionnels de la médiation, qui sont parfois des personnes issues du quartier. Le travail de médiateur est encore mal connu et mal reconnu. Il consiste en un approfondissement plus ou moins poussé du travail de régulation sociale opéré par les travailleurs sociaux et associatifs du quartier. Pour que la médiathèque ne soit pas seulement identifiée comme un lieu physique, mais bien comme fédératrice d’un réseau etintégrée à une offre culturelle de plus grande envergure, des actions « hors-les-murs » sont organisées. Des médiateurs employés par la ville de Rouen se déplacentpour animer des ateliers auprès, par exemple, de personnes âgées en maisons de retraite ou encore de prisonniers. Des outils de médiation sur site sont également disponibles : auditorium et espace d’ateliers de création notamment.Les médiateurs sont également chargés de mettre en place une gamme de services et d’actions de médiation spécifiques en direction de publics ciblés destinés à améliorer l’accompagnement des personnes rencontrant des difficultés par rapport à leur situation de vie, la pratique de la lecture, la pratique culturelle, de la langue française. Ce type de médiation est donc davantage de la médiation culturelle, au même titre que les « médiateurs du livre » développés dans de nombreuses bibliothèques ces dernières années et notamment à Lyon.Les accompagnants non issus du quartier semblent cependant avoir moins de poids. La question de la légitimité de ces personnes s’est très vite posée pour les personnes du quartier.

Dans le cas de la bibliothèque Grammont, un accompagnement s’est avéré nécessaire sur le long terme et pas uniquement au début. Faite au départ par les médiateurs de la ville de Rouen, la médiation sociale est aujourd’hui assurée par un adulte relais issu du quartier :

« Maintenant il y a un emploi aidé à la bibliothèque qui fait de la médiation sociale avec les gens du quartier, un adulte relais. »

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Il y a une différence importante selon que les personnes sont issues du quartier ou sont des professionnels. Celle-ci est pointée par la plupart des personnes interrogées. Même pour ceux qui seraient étrangers au quartier, l’importance de la connaissance du terrain ne peut être négligée pour un professionnel.

Il existe 4000 adultes-relais dans toute la France. L’Acsé (Agence nationale pour la Cohésion sociale et l’égalité des chances) finance ces postes, qui assurent des missions de résolution pacifique de conflits, d’accès aux droits, de prévention des incivilités, d’aide aux démarches administratives ou encore de médiation culturelle. Ils jouent un rôle important de rapprochement avec l’école, les services publics ou les professionnels de santé. Le dispositif des adulte-relais est intéressant de ce point de vue. Nous avons pu échanger avec une personne relevant de ce dispositif. Il affirme avoir bénéficié d’un recrutement par connaissances. Il a pour mission de créer du lien entre le quartier et la bibliothèque, que ce soit avec les structures ou avec les habitants : « Je fais du lien avec les associations dans le

quartier (La Sablière, fraternité banlieue) et aussi avec deux écoles, je parle des animations comme l’heure du conte. Cette année on va commencer les ateliers sur le roman ado avec de l’autocritique, et puis on a d’autres en projet »1

Le Plateau n’a pas eu de difficulté pour se faire accepter par les jeunes du quartier. Il est en effet tenu par une équipe issue du quartier Mistral qui s’identifie comme les « grands frères », ancêtre du dispositif des adultes-relais, qui s’en différencie par sa nature informelle et se concrétise par l’octroi d’une légitimité pour intervenir de manière éducative sur les jeunes du quartier. L’expérience des grands frères au début des années 90 est devenue négative car elle a été monopolisée par des leaders charismatiques pour obtenir des bénéfices locaux dans des négociations entre élus et jeunes des cités devenus médiateurs, ce que BOUCHER appelle des « pacificateurs indigènes »2. L’équipe du Plateau est en effet reconnue pour son rôle de régulateur dans le quartier, une position dont elle a le monopole. Cet équipement, qui fait notamment contrepoids à l’influence des dealers à Mistral.

Il faut évoquer ici la place des associations dans la médiation, par exemple celui de l’AFEV à Mistral. Ces associations assurent le relais avec les institutions mais servent aussi de relais entre les personnes habitant le quartier, qui les connaissent et leur font confiance, et les personnes de l’extérieur qui sont introduites par elles dans le quartier. Certaines assurent

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Entretien avec l’adulte-relais de la médiathèque Simone de Beauvoir au pôle culturel Grammont. 2

MOISAN André « La médiation sociale comme contribution au bien commun », Dossier la médiation sociale, Education permanente n°189, septembre 2011.

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également un rôle de régulation sociale : « Je leur donne des orientations mais je ne veux pas

que ce soit une commande, je suis toujours en accompagnement avec eux. Au rythme de deux rencontres par mois. Je leur fais rencontrer des structures, et je les implique dans les formations pour les bénévoles, pour qu’ils se sentent appartenir au projet AFEV. Ça peut être de la méthodo, de l’animation…je maintiens la dynamique entre eux parce que si ça colle pas entre deux ça peut faire capoter le projet. »1 Les médiateurs associatifs ont parfois acquis une légitimité bien qu’ils ne soient pas issus du quartier, ce qui est le cas des salariées de l’AFEV et surtout la déléguée territoriale qui connaît de nombreuses familles via les accompagnements individualisés.

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IV. CONCLUSION : LES PREMIERS RESULTATS

Dans chaque cas, nous avons essayé de déterminer les éléments qui ont conditionné les résultats en termes de relations sociales, de dynamique de groupe, de cohésion sociale et d’autonomie pour les habitants originels. Ces actions tendent vers la réussite sur certains points, parfois c’est plus difficile sur d’autres. Des changements de stratégie ont parfois dû être opérés. Il convient alors de rechercher quels sont les éléments qui semblent avoir fait la différence. Nous avons cherché à dégager les résultats de chaque opération par rapport à son objectif de départ, mais aussi par rapport à ce qui nous intéresse dans ce mémoire : l’ouverture du territoire et l’image du quartier, où on se limitera à constater quelles personnes sont amenées à se côtoyer, et la rencontre entre les personnes de l’intérieur et celles de l’extérieur, qui caractérise une étape supplémentaire dans la création de lien social.

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Ouverture du territoire et attraction de nouvelles