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La cohésion interne peut être obtenue si les habitants ont une bonne image de leur quartier mais aussi s’ils pensent que les gens de l’extérieur en ont aussi une bonne image. Il faut donc un travail sur les représentations dans les deux sens. Les représentations du quartier et de ses habitants conçues par les personnes de l’extérieur ou par les habitants eux-mêmes semblent évoluer. Les représentations des personnes extérieures par les habitants originels sont plus difficilement modifiables. Quatre types d’acteurs ont été intégrés à cette enquête. La perception qu’ont les acteurs de la coordination dans les politiques de mixité n’est pas du tout la même selon la place d’où ils parlent. Et ils n’ont pas non plus la même perception de leur rôle. L’image du quartier est parfois complètement inversée selon qu’elle émane d’un professionnel ou d’un habitant, d’acteurs institutionnels, d’agents de la ville sur le terrain, associatifs ou habitants, et même d’une personne à l’autre. D’où la difficulté d’agir sur ces représentations. Il y a une forte opposition entre ceux qui jugent que les quartiers sont plus agréables que le centre ville (du point du cadre de vie, de l’offre de services, des associations…) et ceux qui les considèrent comme des quartiers délabrés, de relégation sociale, où règne l’insécurité. Les institutionnels notamment, insistent sur le cadre de vie agréable et le niveau de services disponibles, notamment le chef de projet de Rouen : « Ce

sont des quartiers connotés. Mais en fait c’est beaucoup plus agréable que de vivre en centre

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ville, on a une vue et une offre de services uniques, une centaine d’associations sur les Hauts de Rouen »1 Il a l’air surpris lorsque nous l’interrogeons sur le fait que certaines personnes veulent partir des Hauts de Rouen : « Vous voulez parler des personnes qui restent encore,

parce que beaucoup ont été déplacés. Dans l’ensemble les personnes souhaitent rester leur quartier » Les professionnels, qu’ils soient associatifs ou institutionnels, ont une image du

quartier qui frôle parfois le misérabilisme. Le personnel de l’AFEV ainsi que les volontaires ne semblent pas rejeter ce quartier mais reconnaissent l’ambiance particulière qui y règne, sans pour autant être objectifs. Certains ont d’ailleurs été victimes d’agressions, ce qui influence irrémédiablement leurs représentations. « Éducatif », « apprenti sorcier », « social », « relais » ou « lien », de nombreux termes sont ressortis dans les entretiens. Certains croient davantage à l’idéal de mixité, certains s’identifient à leur structure ou même au quartier alors que d’autres sont beaucoup plus détachés : « La mixité fonctionnelle, on la cherche dans

l’urbain mais aussi surtout dans l’humain. On cherche à changer la politique de peuplement, ça fait un peu interventionniste comme terme, mais c’est comme ça que ça se dit …C’est un truc d’apprentis sorcier ce qu’on fait, nous-mêmes on en sait pas ce que ça va donner ! » (Un

chef de projet de la politique de la ville). Selon un professionnel rencontré, le service public c’est « rendre service aux gens». Parfois, les professionnels évoquent des préoccupations comme par exemple arriver à se faire reconnaître en tant qu’équipement du quartier. Parmi les habitants rencontrés, la plupart affirment que la rénovation urbaine change l’aspect du quartier de manière positive. Mais peu affirment réellement aimer ce quartier et en être fiers, même si dans le fond, il y a toujours un attachement fort au lieu de vie pour ces personnes.

Les personnes extérieures qui fréquentent le quartier viennent souvent pour accéder à des services ou des loisirs, c’est donc un contexte différent et particulièrement choisi. Ces personnes ont plutôt une image positive du quartier, et voient surtout l’aspect urbain apporté par les nouveaux aménagements.

Il semble que les opérations visent avant tout à casser l’image des quartiers au lieu de revaloriser celle des habitants. On peut parler d’une sorte d’obsession de l’image, qui vient des habitants à l’origine mais est accentuée par les médias. On essaie de changer l’image des quartiers alors que les problématiques demeurent. Les

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professionnels sont entrés dans cette logique et s’attaquent en priorité à l’image. Les opérations ne suffisent pas à modifier réellement l’image du quartier du point de vue des gens de l’extérieur. On constate que l’image du quartier est ancrée et que la modifier est peine perdue lorsqu’il s’agit d’habitants de l’agglomération grenobloise ou rouennaise de longue date. Les classes moyennes surtout ont du mal à être attirées dans le quartier. La subjectivité des représentations est un obstacle à une unification et parfois même à une amélioration de l’image du quartier.

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IV. MIXITE EXOGENE CONTRE MIXITE ENDOGENE : DES

LOGIQUES CONTRADICTOIRES ET UNE CONSIDERATION

DIFFERENTE DES PUBLICS

Nous avons décelé certaines logiques à l’œuvre dans la mise en place de ces différentes actions, et il se trouve que, de nombreuses fois, nous avons découvert des paradoxes. Il y a d’abord celui auquel nous nous attendions : la mixité exogène contre la mixité endogène. Les acteurs n’emploient pas ces termes, se limitant à parler de la mixité en général. Mais dans la pratique, la mixité exogène est souvent privilégiée par rapport à la mixité endogène, qui elle, agit directement sur la situation des habitants en vue de l’améliorer. Si les deux concepts semblent opposés, ils ont néanmoins une complémentarité. Nous allons analyser les actions micro-locales de mixité sociale à travers ce spectre.

A.

Des discours qui évoquent les deux types de mixité de