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Les quartiers défavorisés sont stigmatisés à cause des problèmes de sécurité qui leur sont liés. Mais aucune étude n’arrive réellement à mettre en évidence des effets de quartier, c’est-à-dire des effets du lieu de résidence sur les sociabilités et les destins sociaux, que ce soit relativement à l’ordre social ou à l’égalité des chances (KIRSZBAUM, 2011). Pour certains sociologues tels que Jean-Yves AUTHIER, ces effets existent. Une opposition forte existe entre d’une part ceux qui considèrent les quartiers comme une ressource grâce aux liens de solidarité qui s’y nouent et permettent aux habitants de « s’en sortir », et d’autre part, ceux

qui les considèrent plutôt comme un lieu d’enfermement (Eric MAURIN par exemple)2

. On peut donc opposer « l’assainissement des quartiers » mené aujourd’hui au développement des

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Collectif informel, Pouvoir d’agir est un lieu d’échanges, de réflexion et d’action, ouvert à tous, qui vise à rendre plus visibles les initiatives qui permettent aux citoyens de développer leur pouvoir d’agir, développer de telles initiatives par un appui aux acteurs de terrain, promouvoir le pouvoir d’agir des citoyens comme levier indispensable dans la construction du bien commun. Le collectif est né en 2010 à l’initiative de militants issus de réseaux impliqués dans des démarches « pouvoir d’agir », qui ont souhaité créer un espace collectif autour de cet enjeu commun.

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Authier Jean-Yves,Bacqué Marie-Hélène, Guérin-Pace France (dir.), Le quartier. Enjeux scientifiques, actions politiques et pratiques sociales, La Découverte, coll. « Recherches », 2007.

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quartiers. Cette distinction est la clé qui conduit à l’efficacité des politiques menées. La rénovation urbaine avait indirectement structuré le mouvement d’émancipation des Noirs aux Etats-Unis (CASTELLS, 1972). Cela soulève un questionnement sur ces politiques dont on dit souvent qu’elles détruisent les relations de solidarité. Certains dispositifs semblent entretenir les habitants dans une situation de passivité, d’autres au contraire essaient de reconstruire une dynamique dans le quartier. Ces manières de faire ne permettent pas aux plus démunis de définir quel est leur intérêt propre, alors que cela devrait être le cas dans une perspective démocratique. La mixité ne doit pas être confondue avec la lutte contre la ségrégation. Et ce n’est pas non plus la même chose que de permettre une mobilité spatiale mais aussi sociale aux plus démunis. De toute évidence, la mixité sociale ne se décrète pas, et un accompagnement est nécessaire afin d’évoluer dans ce sens. Le volet social s’articule au volet urbain de la politique de la ville. Il prévoit des mesures à destination des habitants originels. Ces mesures sont au nombre de cinq : la communication-concertation avec les habitants, le travail sur la mémoire, la clause d’insertion, l’accompagnement du processus de relogement et la gestion urbaine de proximité. Selon le Comité d’évaluation et de suivi de l’ANRU ainsi que la grande majorité des chercheurs, il faut en effort supplémentaire de l’action publique en termes d’éducation, de formation, de transport public, d’accès à l’emploi et de sécurité afin que cela ait un impact réel sur la condition socio-économique des habitants. Il recommande également que le Programme National de Rénovation Urbaine 2 concilie objectif de mixité sociale et objectif de mobilité résidentielle1. La démocratie participative, un élément central du développement social des quartiers et du rapport DUBEDOUT, revient sur le devant de la scène depuis une quinzaine d’année. Une loi impose d’ailleurs des procédures de concertation avec les habitants concernant les projets urbains d’envergure. Mais cela ne semble pas réellement profiter aux habitants.

La mixité peut-elle aboutir au développement social ? Se rejoignent-ils dans les objectifs ? Le clivage droite / gauche ne semble pas si pertinent, mais la mixité sociale est davantage centrée sur la valorisation du territoire alors que le développement social s’intéresse davantage aux populations. La rénovation urbaine est privilégiée et vise avant tout à mettre en œuvre la mixité sociale dans les quartiers. Le développement social des quartiers est apparenté au développement communautaire rejeté par le système français. Dans son évolution la plus récente, le développement urbain s’inscrit

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Comité d’évaluation et de suivi de l’ANRU, Les quartiers en mouvement. Pour un acte 2 de la rénovation urbaine. La documentation française, 2011. P .109-138.

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dans une réinterprétation de la mixité sociale. Sous les intitulés: « développement urbain socio- spatial », « développement social urbain », « développement intégré de quartier »,

de nouvelles pistes sont proposées pour éviter de soumettre le développement des quartiers au diktat de la compétitivité entre entités urbaines et pour s’attaquer aux causes de la ségrégation socio-spatiale par la mise en œuvre d’une politique de développement urbain. Ces propositions ont en commun de mettre l’accent sur le milieu social «situé à l’interface entre les approches urbanistiques et sociales»1

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V.

CONCLUSION : LES HYPOTHESES A VERIFIER GRACE

A L’ENQUETE DE TERRAIN

Le développement social va donc nous intéresser sous l’angle de son articulation éventuelle avec les politiques visant la mixité des quartiers. Celle-ci est loin d’être évidente, d’une part parce ces deux concepts semblent à certains égards antagoniques. D’autre part, la mixité sociale a largement pris le pas aujourd’hui sur le développement social dans l’action publique. Certaines actions relèvent davantage de la mixité exogène et d’autres de la mixité endogène, même si les objectifs officiels ne différencient pas les deux et, dans la pratique, se réfèrent bien plus souvent à la mixité exogène. Nous développerons quatre hypothèses qui seront ensuite validés ou invalidées par l’enquête de terrain. Nous ne pouvons pas prétendre évaluer la véritable réalisation de la mixité sociale, car même pour les pouvoirs publics, c’est très difficile à évaluer, comme nous l’avons vu. Mais nous pouvons analyser leur construction en termes d’objectifs concernant les conditions de vie des populations originelles, ainsi que leur impact sur différents points de la dynamique sociale du quartier à l’échelle locale. Pour cela, nous prenons comme point de départ quatre hypothèses, résultant de la réflexion déroulée tout au long de la première partie. Ces hypothèses concernent des éléments différents, mais pour chacun nous nous efforcerons d’analyser à la fois les objectifs de départ, les impacts, et les représentations des différents acteurs.

A.

La mixité endogène bénéficie davantage aux populations