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La connaissance du terrain est indispensable pour mettre en place ces actions. Elle repose d’abord sur un diagnostic des besoins du quartier, sur l’appui des acteurs de proximité et sur le respect du fonctionnement interne du quartier.

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Un diagnostic des besoins du quartier qui se construit

avec les acteurs sociaux de proximité

Les projets « solidaires » menés par les « kapseurs » doivent correspondre au maximum à des besoins existant sur le territoire afin d’assurer une cohérence et d’avoir une véritable utilité pour le quartier. Un diagnostic était donc indispensable. Les professionnels avaient un rôle clé dans la réalisation du diagnostic et faisaient état de leur connaissance et de leur vision du quartier et de ses habitants. Cela permettait d’approcher les besoins existants, car ils ont l’avantage d’avoir une vision d’ensemble d’un groupe de personnes. Le diagnostic des besoins a également été fait par l’AFEV Rennes de manière informelle : « Moi je

connaissais déjà le quartier j’ai pu faire un diagnostic. C’est un diagnostic implicite. Ça fait 7 ans que l’AFEV est sur le quartier. »1 En revanche, il ne semble pas y avoir eu de diagnostic au Mans. Cependant, l’ancienneté de l’association sur le quartier (cinq ans) laisse supposer une bonne connaissance des problématiques du quartier. Contrairement à Grenoble, les autres pôles de l’AFEV ne se sont pas implantés dans l’objectif du projet KAPS : « Nous sommes

implantés sur le quartier depuis cinq ans, mais la réflexion sur les KAPS est plus récente, ça fait seulement trois ans que ça a émergé, avec les premiers pôles »2 Cela rejoint l’idée de projet de territoire. A l’AFEV Grenoble, des « réunions territoire » étaient d’ailleurs

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Entretien avec la chargée de développement local de l’AFEV Rennes.

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organisées entre les volontaires et des professionnels du quartier de façon régulière. Ce sont bien sûr les professionnels qui connaissent bien le quartier qui sont le plus « utiles » en termes d’introduction de nouvelles personnes. La mise en relation avec les partenaires, qu’ils soient associatifs ou institutionnels, est un préalable au contact avec les habitants : « Pour les lancer,

pour qu’ils puissent rencontrer les habitants, j’ai organisé une rencontre avec Concordia et une asso de spectacle vivant avec des médiateurs culturels, qui sont sur le quartier, une personne du développement social urbain de la mairie qui connaît bien le quartier, j’avais invité aussi le centre social qui n’est pas venu mais qui est bien implanté sur le quartier. »

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Respecter le fonctionnement interne du quartier

Les habitants des quartiers populaires ont souvent un sentiment d’appartenance plus fort que dans les autres quartiers. C’est aussi parce que la précarité de beaucoup de situations crée de nombreuses solidarités et permet aux personnes d’être d’autant plus soudées. Les personnes semblent en effet se parler davantage : « Ici, il y a de la chaleur humaine. Dans

certains quartiers, on peut côtoyer des personnes pendant cinq ans sans se parler parce que nos enfants ne sont pas dans la même classe » « dans un quartier ou on se sent chez soi. Il y a un côté « famille », on nous amène des gâteaux, on nous sourit, on nous aide à porter les livres. On ne trouve pas ça dans tous les quartiers » 1

Les réseaux existants sur ces quartiers sont forts et sollicités au quotidien par les habitants. Ces « réseaux sociaux de la pauvreté » ne sont pas pris en compte dans les opérations de démolition-reconstruction, mais ce n’est pas non plus une demande des personnes à reloger qui parfois n’anticipent pas bien les conséquences de la perte de ces liens : « La pauvreté est accompagnée de réseaux sociaux extrêmement forts, on se partage

une voiture, on fait les courses de la voisine. La nécessité fait société et on risque de briser ça. Mais les gens ne le disent pas de toute façon ! On ne peut pas le savoir. Mais il faut qu’on fasse attention. Il y a des familles très regroupées avec les grands parents, parents, enfants, petits enfants…il y a des gens qu’on avait relogés à la caserne de Bonne qui sont revenus à Mistral. » (chef de projet) Il y a une volonté de mixité de la part du bailleur, mais on voit que les personnes dont les situations sont proches s’attirent automatiquement, surtout si elles sont méprisées par les autres voisins : « On nous appelait les « cas sociaux de l’immeuble » car

nous étions les deux seules femmes seules avec nos enfants. » (ancienne habitante des Hauts

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de Rouen) Les personnes relogées évoquent elles-mêmes une perte de repères suite aux démolitions, et certains n’ont plus beaucoup de contact avec leurs anciens voisins.

Approcher le fonctionnement du quartier nécessite donc de connaître les rapports entre habitants, mais aussi les rapports des habitants aux structures et professionnels du quartier, ainsi que les rôles que chacun se donne. Il existe en effet une sorte de hiérarchie et de contrôle social effectué par des hommes influents (parmi lesquels les dealers sont les plus importants, notamment à Mistral), et qui laisse à penser à la « ghettoïsation » dont parle Didier LAPEYRONNIE. Méconnaître ces règles expose à une forme d’insécurité pour les personnes qui fréquentent le quartier.