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1.3 Equilibre rédox et mécanismes réactionnels

1.3.4 Les mécanismes réactionnels, étapes limitantes de la réaction rédox

Les phénomènes d’oxydoréduction dans les silicates fondus et les verres ont été largement étudiés, en particulier avec le fer, selon de nombreux axes qu’ils soient thermodynamiques ou structuraux. Mais les cinétiques, et en particulier l’interprétation de leurs mécanismes, restent néanmoins assez mal connues. Plusieurs mécanismes de diffusion sont envisagés pour expliquer l’oxydo-réduction : les diffusions d’oxygène moléculaire ou ionique et la diffusion des cations divalents, modificateurs de réseau (Fig. 1.26). Les travaux de Magnien et al. [2004, 2006, 2008] que nous décrirons par la suite ont permis d’affiner les domaines de prédominance des mécanismes en fonction de la température.

Nous allons ici présenter ces mécanismes dans le cas du fer dans le cadre d’une réaction d’oxydation.

a) La diffusion de l’oxygène

D’après la réaction, vue dans la section (1.2.1):

Fe2O3 <=> 2FeO + ½O2. (1.5)

Il a été envisagé que les mécanismes réactionnels rédox peuvent impliquer la diffusion de l’oxygène. C’est lors de sa progression au sein du silicate vitreux ou fondu que l’oxygène va réagir avec le fer. Les deux demi-réactions redox localisées à l’interface du front d’oxydation sont :

Fe2+ ↔ Fe3+ + e-, (1.1)

O2 + 4 e- ↔ 2 O2-, (1.2)

La cinétique du phénomène rédox est contrôlée par la diffusion de l’oxygène soit sous la forme ionique soit sous la forme moléculaire. Dans le cas de la diffusion d’oxygène moléculaire dissous, les fronts des deux phénomènes (rédox et diffusion) coïncident. Il existe alors un flux diffusif d’oxygène moléculaire vers l’intérieur du silicate vitreux ou fondu (à travers des canaux ou par échange séquentiels avec les oxygènes du réseau). La propagation du front d’oxydation est limitée par la diffusion de l’oxygène moléculaire. Le mécanisme impliquant la diffusion d’O2

a été principalement étudié par des expériences de diffusion chimique [Schreiber et al., 1986a, 1986b; Wendlandt, 1991].

Le mécanisme impliquant la diffusion d’oxygène ionique est caractérisé par le fait que les demi-réactions redox ne sont pas localisées aux mêmes endroits et s’éloignent d’autant plus que le front d’oxydation progresse. L’oxygène moléculaire atmosphérique se dissocie à la surface du silicate fondu pour donner un anion O2- qui va migrer vers l’intérieur du silicate fondu. Afin de conserver l’électroneutralité du système, un contreflux d’électrons compense la migration des anions O2-. La différence, par rapport au premier mécanisme, provient du comportement de conducteur électrique d’un verre contenant des éléments de transition. Cette conduction électrique est due principalement au transfert d’électron entre Fe2+ et Fe3+. Ces espèces électroniques (électrons ou contreflux de trous électroniques) dominent ou contribuent de façon significative à ces cinétiques redox. Par conséquent ce deuxième mécanisme implique [Cook et Cooper, 2000]:

- deux flux diffusifs : celui de l’oxygène ionique O2- et celui des électrons (polarons),

- deux demi-réactions redox localisées : - à l’interface du front d’oxydation :

Fe2+ ↔ Fe3+ + e-, (1.1)

-à l’interface atmosphère/verre la demi réactions rédox est la suivante:

Dans ce cas, la propagation du front d’oxydation est limitée soit par la diffusion des espèces électroniques (trous électroniques ou électrons), soit par celle d’oxygène ionique. Les espèces électroniques étant fortement mobiles, la diffusion d’O2- peut être considérée comme limitante.

Mécanismes relatifs à la diffusion d’oxygène et méthodes de détermination

Deux types d’expérience de diffusion ont permis de distinguer les deux mécanismes relatifs à la diffusion d’oxygène. Les études ont été menées sur une large gamme de compositions (basalte, andésite, borosilicate, aluminosilicate…) avec comme principal élément multivalent le fer. Canil et Muehlenbachs [1990] ont mesuré la diffusion de traceur isotopique O18 pour caractériser la dynamique du mouvement des atomes d’oxygène dans les silicates vitreux et liquides. Comme cela a été décrit précédemment (section 1.3.3), les mesures de traçage isotopique montrent que l’oxygène se propage dans un réseau silicaté grâce à une combinaison de deux mécanismes. L’oxygène diffuse sous forme d’oxygène anionique O2- et interagit avec les formateurs de réseau (Si, Al) par translation et/ou rotation. Les interactions peuvent aussi conduire à la migration des unités silicatées ou aluminosilicatées plus grandes et plus lentes sans rupture des liaisons Si-O [Schreiber et al., 1986a 1986b; Wendlandt, 1991].

Des mesures de diffusion chimique [Doremus, 1960; Dunn, 1983; Goldman et Gupta, 1983; Schreiber et al, 1986a, 1986b; Wendlandt, 1991] ont permis d’observer la variation de valence d’un cation multivalent en fonction du changement de température ou de fO2. Cette méthode repose sur l’évolution de l’épaisseur du front d’oxydation avec le temps. Cette évolution est mesurée par analyse chimique [Schreiber et al., 1986a, 1986b] ou par variation de la masse due au changement d’état rédox du verre [Wendlandt 1991].

Généralement les expériences de diffusion chimique sont associées à la migration de l’oxygène moléculaire de l’atmosphère dans le silicate vitreux ou fondu, via des canaux existants à l’intérieur de la structure silicatée [Schreiber et al.,1986b]. Le coefficient de diffusion est donc dépendant de la taille, du nombre de canaux disponibles, et de l’énergie nécessaire à la rotation des unités silicatées afin que l’oxygène puisse être mobile à travers ces canaux [Schreiber et al.,1986b].

Figure 1.27 : Echange d’oxygène avec le réseau silicaté à l’origine de la

diffusion de l’oxygène moléculaire avec O* l’oxygène échangé [Schreiber et al., 1986b].

Plus récemment, Roskosz et al. [2008] ont comparé la propagation du front rédox (par spectroscopie Mössbauer et Raman) et le traçage isotopique de l’oxygène ionique à haute température et ont confirmé le mécanisme relatif à la diffusion d’oxygène ionique.

b) La diffusion de cations modificateurs de réseau et le mécanisme rédox associé

Ce mécanisme d’oxydoréduction des silicates fondus a été observé par Cook et al. [1990]; Cooper et al. [1996]; Cook et Cooper, [2000]; Smith et Cooper, [2000]; Burkhard [2001] dans des silicates fondus (basaltique, et du système MgO-Al2O3-SiO2 dopés en fer…), préalablement réduits et placés dans une atmosphère oxydante (air). Ce mécanisme qui a lieu à des températures légèrement supérieures à la transition vitreuse implique une « rétro-diffusion » de cations modificateurs (Ca2+, Mg2+, Fe2+) depuis le front d’oxydation vers l’interface air-liquide ; ces cations réagissant avec l’atmosphère environnante pour former une couche cristallisée. Les mesures par spectroscopie RBS du front d’oxydation donnent ainsi accès à un coefficient de diffusion des cations tout en suivant l’évolution cinétique du redox [Cook et al., 1990; Cooper et al., 1996; Cook et Cooper, 2000]. Le coefficient de diffusion des cations correspondant à la propagation du front d’oxydation, la cinétique des réactions rédox peut être atribuée à la migration des modificateurs de réseau et non à la diffusion d’espèces oxygène (O2

ou O2-) trop lente. Ce mécanisme réactionnel est possible essentiellement dans les matériaux ioniques, en particulier les silicates fondus, contenant des éléments multivalents comme les métaux de transition. Ces éléments font du matériau un semi-conducteur de type polaron, la présence d’espèces électroniques très mobiles (trous électroniques, électrons) découple les flux ioniques. Un polaron est par conséquent un électron interagissant fortement avec les ions environnants.

La rétro-diffusion des cations modificateurs de réseau va libérer des anions O2- donc augmenter le rapport O/cations permettant l’oxydation de Fe2+ en Fe3+. Un flux parallèle d’électrons (polarons) va permettre de conserver l’électroneutralité du système. Le mécanisme de déplacement des électrons implique des demi-réactions redox Fe3+ + e- → Fe2+ ; ce qui permet aux électrons de se propager entre les atomes de fer [Schmalzried, 1983].

Les électrons étant plus mobiles, les cinétiques redox sont alors gouvernées par la diffusion des cations modificateurs de réseau. Comparativement, la diffusion de l’oxygène est un mécanisme parallèle tellement lent qu’elle n’intervient pas dans le processus redox. Les deux réactions redox mises en jeu sont physiquement séparées (Fig. 1.28) et le sont d’autant plus que le front d’oxydation progresse.

À l’interface du front d’oxydation ξ :

2 MO + 4 Fe2+  2 M2+ + 4 Fe3+ + 2 O2- + 4 e- (1.36) À l’interface air/liquide :

La réaction rédox qui se produit à l’interface du front d’oxydation ξ (Fig. 1.28) fournit les électrons (ou polarons) qui vont migrer vers l’interface air/liquide pour entraîner la décomposition de l’oxygène gazeux. Les éléments multivalents contenus dans le verre en fond un semi-conducteur de type polaron, rendant alors possible ce mécanisme réactionnel. La présence d’espèces électroniques très mobiles (polarons) découple les flux ioniques [Cook et Cooper, 2000].

Figure 1.28: Oxydation d’un basalte naturel [Cooper et al., 1996]. Les cations divalents

diffusent depuis le verre oxydé jusqu’à l’interface silicate –atmosphère où ils réagissent avec l’oxygène atmosphérique pour former une fine couche d’oxyde. ξ représente le front d’oxydation et Jh+ , JMg2+, Ca2+ et JNa+ représentent respectivement les flux de trous électroniques, de cations divalents et du sodium nécessaire à la compensation de charge du Fe3+ tétra-coordonné. Ici la diffusion du sodium est tellement rapide qu’elle ne représente pas un facteur limitant de la cinétique.

La réaction rédox qui se tient à l’interface air/liquide et entraîne la combinaison des cations modificateurs avec les ions O2- libérés pour former une couche cristallisée en surface. Ces deux réactions sont donc accompagnées de deux flux diffusifs opposés : celui des cations et celui des trous électroniques. Ce mécanisme rédox des cations a été confirmé par Burkhard [2001].

En outre, dans le cadre d’expériences d’interdiffusion entre deux verres aluminosilicaté vers 1070 K, Barton et de Billy [1980], Barton et al. [1992] et Barton et Caurant [1993] ont mis en évidence un enrichissement de la surface en alcalin et un transfert du sodium à travers la jonction. Cette diffusion du sodium étant du même ordre de grandeur que la perte de FeO due à l’oxydation, Barton et al. concluent à des réactions rédox contrôlées par la diffusion de cations alcalins.