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Méthodes expérimentales

____________________________________________________________________________________________________________________ Laves naturelles

2.4 Mesure du rapport rédox

2.4.1 Détermination de l’état rédox des échantillons vitreux

La caractérisation de l’état redox Fe3+/ΣFe des compositions vitreuses à température ambiante est réalisée par deux techniques : l’analyse chimique par voie humide et la spectroscopie Mössbauer.

a) Analyse chimique par voie humide

L’analyse chimique par voie humide du rapport redox du fer dans les silicates repose sur la méthode volumétrique mise au point par Wilson [1960], et modifiée à l’IPG en remplaçant la solution de titrage originelle de sulfate d’ammonium ferreux par une solution de dichromate de potassium. Cette méthode permet de mesurer l’état redox global Fe3+/ΣFe des échantillons après synthèse ou équilibration sous certaines conditions. L’incertitude liée à cette méthode est relativement faible (±0.05). L’analyse chimique par voie humide est, en général, réalisable sur

a1) Dosage du Fe2+ (exprimé en FeO) par volumétrie

Le principe réside en la dissolution de l'échantillon par des acides et le dosage du FeO par une solution titrée de K2Cr2O7 :

- Dans un creuset en platine, 0.5 g de verre broyé sont dissous par 7 ml d'acide sulfurique et 3 ml d'acide fluorhydrique,

- Le creuset est placé sur un bec Bunsen et l'ébullition est maintenue durant 3 minutes, - Le contenu du creuset et les eaux de rinçage sont versés dans un bécher renfermant 1g d'acide borique (H3BO3), 10 ml d'acide sulfurique (H2SO4) dilué à 50% en volume et 5 ml d'acide orthophosphorique (H3PO4). L'acide borique va neutraliser l'acide fluorhydrique (HF) de la solution, l'acide sulfurique rend la solution plus acide et l'acide phosphorique va complexer le fer. Quelques gouttes d’indicateur coloré (diphénylamine sulfonate de baryum) sont ajoutées.

La solution est dosée en ajoutant progressivement une solution titrée de dichromate de potassium (K2Cr2O7) et en repérant le virage violet. Le taux de fer ferreux présent dans la solution est déduit du volume, V, de K2Cr2O7 requis pour obtenir le virage au violet et de la masse, m, de verre dissous par la formule :

! %FeO =V " 2 m " FeO

M

Fe

M

"100, (2.5) ! %FeO =V m" 257.3 . (2.6) a2) Dosage du fer total (exprimé en Fe2O3) par volumétrie

Cette étape consiste en la réduction et au dosage du fer par une solution titrée de K2Cr2O7 :

- Dans un creuset en platine sont mélangés 1 g d'échantillon, 5 ml de H2SO4 et 40ml de HF. La solution est chauffée sur un bec Bunsen jusqu'à évaporation totale.

- 2 g d'acide borique et 5 ml d'acide sulfurique sont ajoutés aux résidus. Puis la solution est chauffée à nouveau durant environ 30 min ;

- Le contenu du creuset et les eaux de rinçage sont versés dans un bécher. La solution est maintenue à ébullition jusqu'à éclaircissement de celle-ci ;

- Le volume de solution est ramené à 500 ml grâce à de l’eau distillée. 50 ml de solution sont prélevés (ce qui correspond à 0.1 g d’échantillon) et versés dans un bécher;

- A ces 50 ml sont ajoutés 5 ml d'acide sulfurique, 2 ou 3 gouttes d'arsénio-tungstate [(AsO4 (WO3H3)9)2], quelques gouttes de chlorure de titane TiCl3 jusqu'à obtenir un virage bleu. Du dichromate de potassium est versé jusqu'à la décoloration (TiCl3 est totalement oxydé). 5 ml d'acide phosphorique et quelques gouttes de diphénylamine sulfonate de baryum sont alors ajoutés. La solution est dosée par du dichromate de potassium.

Le taux de fer total présent est déduit du volume, V, le volume de dichromate de potassium nécessaire pour observer le virage et de la masse, m, de verre par :

! tot

Fer

=V " 2 "10 m " 2 FeO3

M

2 "

M

Fe, (2.7) ! tot

Fer

=V m" 2859.3, (2.8)

Ainsi connaissant la teneur en fer total (exprimée en Fe2O3), la teneur réelle en Fe2O3 de l’échantillon peut être calculée :

!

%

Fe

2

O

3=

Fer

tot" %FeO #

M

Fe2O3

2 #

M

FeO

,

(2.9)

!

%

Fe

2

O

3=

Fer

tot" %FeO #1.1113. (2.10)

Une variante de cette méthode consiste à utiliser le taux de fer total FeO déterminé par microsonde pour calculer le rapport redox des silicates étudiés.

Les rapports rédox déterminés par chimie par voie humide sont répertoriés dans les tableaux 2.3a, b, c, d et 2.4 pour les compositions étudiées.

b) La spectroscopie Mössbauer

La spectroscopie Mössbauer est un des outils courants pour déterminer le rapport rédox et la coordinence du fer dans les verres silicatés [Mysen et al., 1980, 1984, 1985 ; Virgo and Mysen, 1985, Alberto et al., 1996; Rossano et al., 1999; Partzsch et al., 2004; Jayasuriya et al., 2004]. L’effet Mössbauer est un phénomène de résonance nucléaire qui concerne certains isotopes (57Fe, 119Sn, 121Sb, 125Eu) dans la région des rayons γ (quelques keV à 100 keV) d’un spectre électromagnétique. Nous ne parlerons ici que de l’isotope 57 du fer présent à 2,14 % dans le fer naturel et qui constitue l’atome le plus étudié par spectroscopie Mössbauer.

La technique est basée sur la découverte faite par R.L. Mössbauer que dans un solide, lors de l’émission ou de l’absorption d’un photon γ, il existe une fraction des noyaux émettant ou absorbant sans recul [Mössbauer, 1958].

Dans ce paragraphe, nous décrivons le principe de la spectroscopie Mössbauer et les paramètres importants qui nous permettrent de décrire les spectres. Les publications de McCammon [2004] et Amthauer [2004] fournissent une description plus complète de la technique, ainsi que les travaux de Lagarec et Rancourt [1997] et Alberto et al. [1996] qui apportent une description de la spectroscopie Mössbauer adaptée aux verres.

b1) Dispositif et principe de fonctionnement

Le montage usuel d’une expérience Mössbauer est constitué :

- d’une source radioactive qui contient l’isotope Mössbauer et émet un rayonnement γ suite à des mécanismes de désexcitation du noyau entre l’état excité et l’état fondamental de l’isotope.

- de l’échantillon étudié qui contient le même isotope dans son état fondamental. - d’un compteur γ.

Les expériences Mössbauer ont été réalisées au Bayerisches Geoinstitut à l’Université de Bayreuth, Allemagne, avec Catherine McCammon. Le montage expérimental comprend une source constituée de 57Coqui se transforme en 57Fe* excité à la suite d’une capture électronique. Le retour spontané de l’état excité à l’état fondamental du 57Fe provoque un rayonnement γ qui est alors absorbé par l’échantillon. Le noyau de la matrice absorbante passe ainsi de son état fondamental à un état excité. Grâce à la fraction des noyaux émettant ou absorbant sans recul, la spectroscopie Mössbauer peut être utilisée pour sonder l’environnement du fer dans les solides, dans notre cas les verres.

Figure 2.7: Représentation schématique d’un spectromètre Mössbauer. La source oscille

relativement à l’absorbeur, ce qui module l’énergie émise par effet Doppler. Les rayons γ passent au travers de l’absorbeur sans être affectés et atteignent le détecteur, ou bien ils sont absorbés et réémis dans une direction différente de celle du détecteur.

L’énergie de recul étant nulle, le phénomène de résonance peut être observé. Le rayonnement γ de la source traverse le matériau absorbant où il est partiellement absorbé. La mise en mouvement de la source par effet Doppler permet de réaliser un balayage en énergie autour de l’énergie d’émission (Fig. 2.7) et permet ainsi l’observation de l’absorption par des noyaux cibles d’environnement distinct.

Le nombre de photons γ transmis est alors mesuré en fonction de l’énergie du rayonnement γ. La mesure est effectuée par un compteur γ. L’absorption résonnante a lieu lorsque l’énergie des rayons γ est exactement égale à la différence entre les états d’énergie du noyau absorbeur. Le spectre Mössbauer enregistré correspond au nombre de rayons γ transmis en fonction de la vitesse de la source relativement à l’échantillon, mesurée en mm /s.

La spectroscopie Mössbauer permet l’étude des interactions hyperfines noyau-cortège électronique et noyau-atomes voisins. Elle renseigne sur l’état de charge, de spin, la symétrie locale de l’atome sondé mais également sur les champs électriques et magnétiques internes grâce à des paramètres comme le déplacement chimique, l’interaction quadripolaire ou le champ hyperfin.

b2) Exploitation des données Mössbauer

L’énergie des interactions électroniques est composée de deux termes : le déplacement central (center shift, δ ou CS) et l’écart quadripolaire (quadrupole splitting, Δ ou QS) (Fig. 2.8).

Figure 2.8: Exemple de spectre Mössbauer d’un composé contenant du fer et ne

possédant pas de propriété magnétique, présence des doublets du fer ferreux et ferriques, δ =CS ; Δ = QS.

Dans le cas très simple où l’atome absorbeur est situé dans un environnement cubique identique à celui de l’atome émetteur, le spectre Mössbauer est constitué d’une unique ligne d’absorption à vitesse relative nulle.

Lorsque l’échantillon est dans un environnement différent de celui de l’atome émetteur, cette ligne simple apparaît à une vitesse relative différente de zéro (Fig. 2.8). Ce décalage est appelé déplacement central (CS). CS est la somme de deux termes : le déplacement isomérique et le déplacement Doppler de second ordre. Ce dernier augmente avec la température. Le déplacement central CS dépend de la température de mesure. Il est mesuré par rapport à une référence, ici une feuille de fer métallique [Virgo et Mysen, 1985, Alberto et al., 1996].

CS est directement lié à la densité électronique du noyau. Le déplacement central dépend

Figure 2.9 : Variation des déplacements

centraux CS (mm/s), à température ambiante dans des minéraux cristallisés [McCammon, 2004]

D’autre part, l’interaction du moment quadripolaire du noyau avec la distribution asphérique de charges électroniques est présentée par un doublet et nommée interaction quadripolaire (Δ ou QS). La séparation entre ces deux pics est une mesure de cette interaction. Elle est associée à la dissymétrie de l’environnement du noyau de fer et renseigne par conséquent sur la coordinence du fer.

Les paramètres hyperfins (CS,QS) ne sont pas les seuls à prendre en compte lors de l’utilisation de la spectroscopie Mössbauer. D’autres paramètres décrits en détail dans les travaux de Lagarec et Rancourt [1997], McCammon [2004] et Amthauer [2004], vont avoir une grande influence sur les informations déduites des spectres Mössbauer :

- L’évaluation de l’aire des sous-spectres Mössbauer associés à chaque doublet nous permet d’évaluer le rapport rédox Fe3+/ΣFe de l’échantillon. Le critère d’égalité des aires des composantes des doublets de Lorentziennes est sujet à débat. Toutefois dans cette étude nous avons considéré que ce critère est vérifié [Alberto et al., 1996], diminuant ainsi le nombre de paramètres d’ajustement.

- L’épaisseur Mössbauer de l’absorbeur ta (de l’échantillon) fait varier le rapport signal sur bruit du spectre Mössbauer. Cette épaisseur sans dimension, nommée épaisseur effective Mössbauer, dépend de la composition chimique, de la surface et de la masse de l’échantillon. Afin d’obtenir des spectres Mössbauer comparables et possédant le meilleur rapport signal sur bruit, nous avons travaillé avec une épaisseur tidéal calculée de façon identique pour chaque composition. Le détail du calcul de l’épaisseur idéale est présenté en Annexe 3.

- La largeur de raies donne une information complémentaire sur les sites cristallographiques occupés par le fer. Dans une expérience Mössbauer, chaque raie correspond à une lorentzienne. Si le fer existe dans plusieurs sites différents et/ou que ces sites sont distordus, chaque configuration contribue à l’absorption totale avec des paramètres CS et QS différents, ce qui résulte en une distribution de lorenziennes. Dans le cas des verres, l’élargissement des raies est une des caractéristiques de la nature amorphe du matériau vitreux. Les variations de l’environnement du fer à l’échelle de la matrice sont aléatoires, les contributions lorentziennes vont s’ajouter. L’hypothèse d’une distribution de gaussienne pour les paramètres hyperfins est alors adoptée.

Notre méthode de traitement des spectres Mössbauer est basée sur cette hypothèse de distribution en forme de gaussienne des paramètres hyperfins [Alberto et al., 1996]. Dans un premier temps, les spectres expérimentaux ont été corrigés des effets d’épaisseur avec le programme Recoil® [Lagarec et Rancourt, 1998]. Ensuite, toujours avec le logiciel Recoil®, nous avons utilisé le modèle d’analyse des spectres Mössbauer, extended Voigt-Base Fitting (xVBF). Ce modèle fait l’hypothèse d’une distribution 2D de gaussiennes pour Fe2+ et Fe3+[Alberto et al., 1996] et apporte une approche plus réaliste de la modélisation des multiples configurations dans lesquelles les ions fer ferreux et ferriques se retrouvent au sein de la matrice vitreuse, ainsi que de la distorsion des différents sites. Cette méthode a été utilisée avec succès pour l’analyse de spectres de silicates vitreux [Alberto et al., 1996; Jayasuriya et al., 2004 ; Mysen, 2006; Rossano et al., 1999, 2008].

La spectroscopie Mössbauer nous a donné des informations structurales et le rapport redox du fer avec une très bonne précision (±0.02). Les spectres obtenus se trouvent dans les chapitres 3 et 4 et les rapports rédox sont répertoriés dans les tableaux 2.3a-c. En général, il existe un bon accord entre les rapports Fe3+/ΣFe obtenus par spectroscopie Mössbauer et par analyse chimique par voie humide [Mysen et al, 1985], que nous avons vérifié.

2.5 Caractérisation structurale des silicates vitreux et fondus