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Lucidité isolante : « Le répondeur »

Comme un phare au centre de l’album, « Le répondeur331 » (piste 5) éclaire, par sa franchise désarmante, l’ensemble des autres pièces. Avec une simplicité touchante, Les Colocs livrent par le biais de cette chanson un véritable témoignage sur la solitude, vécue à la fois comme repli et rejet, et trop souvent tue. De prime abord, le « je » cantologique observe par la fenêtre et constate, lui aussi, que c’est dehors novembre :

Y’a ben du monde qui grouille dehors Malgré l’hiver qui fait son smate Si y’a un soleil y brille pas fort J’aime la lumière c’est un peu plate Coudonc ça va-tu mal dans l’monde Ou ben y’a juste moé qui capote

C’est p’t’être ben parce que j’ai pu d’blonde Qu’la vie a l’air pas mal moins hot

[…]

Y’a des tracteurs partout dans’rue Y vont aller mettre la neige ailleurs Ça sert à rien y vont être déçus Ça fait même pas plus de chaleur […]

Peut-être qu’y neige peut-être qu’y pleut L’hiver est même pas sûr de lui

Y’é fait comme moi, y’é aussi peureux Dans l’fond l’hiver c’est mon ami

Le décor hivernal de la chanson – la noirceur, le froid et la « neige » – résonne avec la torpeur du « je » cantologique, qui reste à l’intérieur alors que « y’a ben du monde qui grouille dehors ». En effet, dès la deuxième strophe, « je » se demande, comme le personnage de « Tout seul », si d’autres n’angoissent pas comme lui : « Coudonc ça va-tu mal dans l’monde / ou ben y’a juste moé qui capote ». Il donne l’impression d’être seul à discerner les maux sociaux, et cette prise de conscience semble l’isoler encore davantage. Néanmoins, chez le personnage, « le désenchantement amène […] une confiance nouvelle à l’égard des valeurs de lucidité et d’authenticité332 ». Il perçoit déjà, par exemple, que les tracteurs qui déplacent la neige ne feront « pas plus de chaleur », au

331 Les Colocs, « Le répondeur », tirée de leur album Dehors novembre, op. cit., piste 5, 3:48 minutes. Voir

l’annexe A pour l’intégralité des paroles.

mieux ils changeront le mal de place. Il remarque également que les sujets complexes, abstraits et spirituels tels que « l’amour, la mort pis toute » sont trop souvent réduits à leur aspect économique : « le monte entier / veut juste savoir combien ça coûte ». Ainsi, le personnage du « Répondeur » se retrouve « tendu entre l’affirmation de sa lucidité et [son] désir de consolation, position difficilement tenable et hautement angoissante333 ».

Qu’il soit dû à son incompatibilité avec le mode de pensée du « monde » qui l’entoure ou encore à sa récente rupture, le « je » cantologique prend mesure de son isolement et de la tristesse que celui-ci lui cause dans le refrain de la chanson :

C’est à cause de mon répondeur Y’a absolument rien su’a cassette J’te dis qu’à soir dans mon p’tit cœur Y fait frette

Le froid de l’hiver pénètre jusque dans le répondeur, vide, du « je », et par le fait même jusque dans son cœur. Le silence de la cassette enregistreuse le met devant l’évidence de sa solitude : personne n’a appelé ni laissé de message, et il n’a « pu d’blonde » à qui parler. La partition du « Répondeur » donne à ce refrain une dimension encore plus mélancolique. Ce dernier débute en effet sur la note la plus aigüe de la chanson, de manière à pouvoir ensuite descendre sur des notes beaucoup plus graves lorsque le protagoniste touche le fond du puits de la solitude : « Y fait frette ». Ce dernier vers, le plus court de la chanson, est encadré par des silences et est chanté sur des accords de guitare plaqués, qui laissent résonner longuement le pathétique de la déclaration dans les oreilles de l’auditeur. Ce dernier se retrouve ainsi à suivre le monologue intérieur du personnage, qui s’exprime sur le ton de la confidence. Julie Ledoux note dans son mémoire l’emploi d’un « joual intimiste composé de mots simples (²ben², ²smate², ²moé²) » et « de phrases courtes et émotives (²si y’a un soleil y brille pas fort², ²J’te dis qu’à soir dans mon p’tit cœur / Y fait frette²)334 » qui donnent un ton très personnel à la chanson. Le langage du protagoniste « nous entraîne dans ses pensées les plus personnelles et, par la même occasion, nous présente la solitude comme un problème courant, mais tabou335 ». En effet, mis à part le protagoniste de « Tout seul » qui le criait au point d’être envoyé à la « maison des fous », ceux de « La maladresse » et du « Répondeur » n’expriment pas leur solitude tout haut, toujours par le biais d’un monologue intérieur. Une simple guitare acoustique est ici nécessaire à traduire la solitude et la mélancolie du « je » cantologique. Ce dépouillement instrumental laisse d’autant plus d’espace pour la voix du chanteur, qui prend désormais toute la place. Les motifs musicaux, qui se répètent sans variations, ainsi que la structure

333 Ibid., f. 14.

334 Julie Ledoux, op. cit., f. 78-79. 335 Ibid., f. 79.

de béton de la chanson (qui contient cinq couplets de deux quatrains chacun, aux rimes embrassées et aux vers octosyllabiques, ainsi qu’un refrain bien identifié) fixent la pièce comme un poème.

L’évolution de la chanson se lit ainsi dans les pensées du « je » cantologique. Car cette solitude qui l’accable reste néanmoins propice à une chose : la réflexion. Celle-ci est d’ailleurs déclenchée par la rencontre avec un personnage secondaire, qui fait revivre le personnage de l’itinérant que l’auditeur avait connu sur « Passe-moé la puck » :

Hier j’ai rencontré un pauvre Y vit dans rue pu rien pantoute

Y m’a dit une phrase je l’ai trouvée drôle

« La vie c’est court mais c’est long des p’tits boutes »

Même s’il ne possède rien, c’est tout de même ici le « pauvre » qui donne matière à réfléchir au « je » cantologique en s’exprimant sur sa perception du temps. Le chiasme au cœur de sa pensée illustre le paradoxe de la vie, qui paraît si longue en l’absence du bonheur. « Je » réalise d’ailleurs qu’il arrive à la mi-trentaine et qu’il n’est pas heureux (« À soir c’est mon anniversaire / Ben oui r’garde donc j’ai trente cinq ans »). À partir de ce moment dans la chanson, à partir de cette rencontre, la solitude du protagoniste se transforme en une occasion de réfléchir sur le vieillissement, sur l’amour (« J’y ai jamais dit je t’aime tout court / j’rajoute toujours quequ’chose après / C’comme ça qu’on voit si on est en amour / Je t’aime beaucoup ça fait moins vrai »), la vie et la mort, l’emprise de l’argent et, finalement, le bonheur. « Je » avoue envier celui des autres, qui « [dansent] comme le feu » et vivent avec fougue, parce qu’il échoue dans sa propre quête : « Ch’t’un peu jaloux de vous voir heureux ». Ainsi, le « ²Le répondeur² évoque les effets premiers d’une solitude chez une personne qui ne peut la supporter mais qui, paradoxalement, ne parvient pas à vivre adéquatement parmi les siens336 ».

Ultimement, l’échange avec le pauvre « engage le processus de rémission qui prendra place dans un éventuel lendemain où la lumière, la vie, et l’optimisme triompheront : ²J’vas me réveiller demain matin / Y va avoir un beau gros soleil²337 ». Un mécanisme en lui semble rappeler au protagoniste que les « p’tits boutes » où « la vie a l’air pas mal moins hot » ne peuvent durer toujours. Ainsi, un nouvel espoir est représenté dans la dernière strophe de la chanson par le soleil, qui chassera demain la noirceur de l’hiver, ainsi que par la musique, qui rompra le silence du répondeur : « P’t’être que j’vas voir un p’tit refrain / V’nir au monde entre mes deux oreilles ». À la lumière de ce dernier vers, l’acte créatif semble être ce qui encourage « je » à sortir de sa torpeur. Par conséquent, envisager la composition d’un « p’tit refrain » lui permet de dominer le

336 Ibid., f. 82. 337 Ibid., f. 78.

désenchantement et d’espérer en « demain » un jour meilleur – vision que nous retrouvons qu’en de rares endroits sur Dehors novembre. La chanson « Le répondeur » apparaît d’une certaine façon comme le fruit de cette réflexion et de cette création, comme si elle incarnait elle-même ce refrain libérateur. Il s’agit par ailleurs pour Les Colocs d’une façon de réengager leur œuvre que de l’utiliser pour lever le voile autour du phénomène tabou de la solitude, posant par le fait même la musique comme vecteur de l’espoir. Leur contemporain Jean Leloup semble utiliser lui-même ce remède au désenchantement lorsqu’il chante « À quoi je joue ? je joue de la guitare » dans une chanson où le protagoniste souffre de la même solitude et de la même lucidité que celui du « Répondeur » :

La solitude parfois est immense […] Je ne sais pourquoi je suis si triste

J’aimerais appeler quelqu’un, mais qui Dieu Je me sens seul

Viens je viens, tout m’isole […]

Je sens que j’hallucine

Et j’ai peur de partir comme un fou vers la mort […] Et j’ai des grands instants de lucidité

Fuck the system, do it, do it, do it338

En somme, l’artiste désenchanté ne pouvant plus compter ni sur Dieu ni sur personne redoute l’avenir malheureux où le système actuel le mène, système qu’il rejette dans un « instan[t] de lucidité » sans pareil par le biais de sa musique, en laquelle il met son dernier espoir.

« Tassez-vous de d’là » et l’implosion du reggae

À l’inverse des trois dernières chansons analysées, le « je » cantologique de « Tassez-vous de d’là339 » n’est pas celui en proie à la solitude, plutôt celui qui a laissé son ami « tout seul au bord de la catastrophe ». Devant la menace de la maladie et de la mort, il adopte une réaction jugée méprisable par Les Colocs : la fuite. Il réalise son erreur un peu tardivement, d’où les sentiments d’urgence, de culpabilité et de compassion qui émanent de la chanson – sans jamais pour autant qu’ils ne soient directement nommés. La chanson, incarnant la tentative du personnage de se racheter, comporte deux séquences qui se distinguent par un changement brusque d’interlocuteur. Le protagoniste s’adresse d’abord à un groupe indéfini de personnes, une « foule », à qui il intime impérativement dès le premier vers de libérer le passage : « Tassez-vous de d’là / Y faut que j’voye mon chum ». Ce besoin est vital et urgent, surtout si on considère l’empressement de « la mélodie

338 Jean Leloup, « Je joue de la guitare », tirée de l’album Les fourmis, op. cit., piste 10.

339 Les Colocs, « Tassez-vous de d’là », tirée de l’album Dehors novembre, op. cit., piste 3, 5:36 minutes.

monocorde (sur une seule note), sans décorations […], cette mélodie si proche du langage parlé, du langage pleuré angoissé désespéré340 ». Le fait est que la dernière fois qu’il a vu son ami, celui-ci était en mauvaise posture, malade, drogué, « mal amanché ». Sous le mode anaphorique, « je » offre à ses interlocuteurs « un minidocumentaire sur l’état de son copain en six lignes de texte, toutes d’un trait, sur des notes rapides jusqu’à l’essoufflement341 » :

La dernière fois que j’y ai parlé Son cœur était mal amanché Sa tête était dans un étau Y’était pas beau

Y’avait d’la coke dans ‘es yeux Y’avait d’l’héro dans l’sang

Y’avait toute son corps qui penchait par en avant

« Je » se souvient que son ami « avait le goût d’vomir, y’avait envie d’mourir », tandis qu’il avait lui-même davantage « l’goût d’[s]’enfuir ». Il reconnaît ainsi avoir abandonné son ami en détresse dans un moment crucial. Cette prise de conscience fait naître chez lui d’un seul coup un sentiment de culpabilité. Sans prévenir, le protagoniste cesse en effet de s’adresser à la foule pour se confier directement à son « chum » : « pardonne-moé, pardonne-moé j’ai pas voulu, j’ai pas voulu / pas voulu t’abandonner dans le moment le plus rough / je suis le lâche des lâches, pas le tough des tough ». L’antithèse qui oppose la lâcheté (« lâche ») et le courage (« tough »), en plus des répétitions, décuplent le sentiment de culpabilité dans lequel se noie déjà le personnage, qui supplie son ami de lui pardonner sa faiblesse. Si les emprunts anglophones ne détonent pas outre mesure dans cet extrait, c’est qu’ils ont intégré un joual québécois dont fait encore usage ici l’auteur André Fortin. Ce dernier se l’approprie d’autant plus par sa prononciation et son interprétation, très personnelles. Puisque l’une n’exclut pas les autres, au cœur de cette parlure sont également insérées des images poétiques qui traduisent la vulnérabilité des personnages. Une longue introduction d’harmonica prépare l’auditeur à intégrer l’intimité du texte. D’ailleurs, « l’harmonica c’est pas un violon, c’est pas éternel / Et pis ça pleure comme si c’était conscient d’son sort342 ». L’instrument éphémère, particulièrement présent sur « Tassez-vous de d’là », traduit bien la détresse des personnages.

En outre, dès cette introduction, « le beat est déjà là, déjà irrésistible », prêt à emporter l’auditeur avec lui. Il s’agit du rythme du reggae, « mais pas un pastiche de la vraie affaire rasta […], juste l’essentiel du reggae […], juste sa typique pulsation à deux étages qui dégage une

340 Stéphane Venne, Le frisson des chansons, Outremont (Québec), Alain Stanké, 2006, p. 162. 341 Id.

mégatonne d’énergie sans que les musiciens doivent émettre une mégatonne de décibels343 » et même sans qu’ils doivent recourir à plus de trois accords, qui composent ici la partition. La combinaison de la retenue et de l’énergie animale, d’une basse lente et régulière et d’une guitare plus animée et colorée, « donne au reggae ce swing à la saveur si particulière, paresseuse en même temps qu’énergique, pesante en même temps que fébrile344 ». En ce sens, « le reggae est aux antipodes du rock extrême : il implose plutôt que d’exploser345 », c’est-à-dire qu’il reproduit l’effondrement, l’éclatement interne d’un système. Kaufmann ajoute à cela que le reggae est souvent porteur de « textes qui traitent de l’actualité et des problèmes sociaux346 ». C’est ainsi que, même avec une modération musicale et à demi-mots, « Tassez-vous de d’là » parvient à dévoiler toute l’horreur que la société peine à regarder et à affronter, et la profondeur de la solitude à laquelle les individus sont par conséquent confrontés. Le « je » cantologique par exemple, en avouant ses remords et en dénonçant sa propre conduite, met le doigt sur la faille du système qui implose. Les Colocs choisissent en outre de traduire rythmiquement plutôt qu’en paroles le sentiment de culpabilité du personnage. Ils insèrent pour ce faire dans la partition, construite au départ sur une pulsation binaire, des mesures ternaires (de trois temps), « comme si on mettait quelques secondes de valse au beau milieu d’une marche militaire347 ». Ce changement du rythme, même très court la première fois sur le vers « au bord de la ca-tas-trophe » (le dernier mot étant rythmé par un triolet), provoque une « sensation de tangage », de « malaise comme avant une nausée348 ». Cette ingéniosité musicale permet de « lever le voile sur cette dérangeante et culpabilisante idée de [la] lâcheté devant la misère humaine, cette idée qui fait lever le cœur349 » des auditeurs. Un peu plus loin dans la chanson, en composant un couplet entier sur un rythme ternaire, André « Fortin va [les] amener aux limites de l’écœurement350 » :

Moé j’fais mon chemin dans la foule en espérant qu’une chose C’est de voir ton visage et de t’entendre crier

J’en ai plein mon casse, mais c’pas encore l’overdose Aidez-moé, aidez-moé

Moé j’fais mon chemin dans la foule en espérant qu’une chose C’est de voir ton visage et de t’entendre crier

Avec ta voix immense et ton cœur qui explose Aidez-moé, aidez-moé

343 Stéphane Venne, op. cit., p. 161. 344 Ibid., p. 161, note 35. Il souligne. 345 Ibid., p. 161.

346 Nathalie Kaufmann et Edouard Bertaud, op. cit., p. 170. 347 Stéphane Venne, op. cit, p. 166.

348 Id.

349 Id. Il souligne. 350 Id.

Dans cet extrait, le « je » cantologique émet dans une prière le souhait que son chum se manifeste avant qu’il ne soit trop tard, avant « l’overdose ». Il souhaite ardemment que ce dernier résiste, qu’il brise sa solitude et appelle à l’aide. Le protagoniste, lui, n’a pas besoin de « crier » pour faire entendre sa compassion. La voix d’André Fortin se permet ainsi la modération, étant donné la force suggestive des images et de la musique351. Déjà, les deux longues notes de « mon chum » dans le premier vers (« Y faut que j’voye mon chum ») expriment la considération du « je » envers son ami en détresse. La structure de la chanson tend à transmettre à l’auditeur cette sympathie pour le personnage « au cœur qui explose ». En effet, la partition renvoie plusieurs fois au début et la pièce, par conséquent, semble jouer en boucle. En reprenant sans cesse au début, en tournant sur elle- même, ce qui est également une façon d’imploser, « Tassez-vous de d’là » devient un huis clos pour les auditeurs, embarqués malgré eux. Ce mécanisme conatif qui force les auditeurs à adhérer à l’univers proposé, comme nous l’avons vu au chapitre précédent avec « On va crever en attendant l’été (ou l’hiver) », aide ici à transmettre les sentiments de culpabilité et de compassion : « Fortin crée un univers, et vous entrez dedans, et vous êtes cuit : l’horreur vous horrifie352 ». La preuve que les auditeurs se sont faits happer par la chanson ? Le passage dans une autre langue ne les surprend guère. En effet, les frères Diouf, invités par Les Colocs et « inspirés par la dynamique world et le rythme reggae de la guitare, […] ont improvisé quelques pistes de chants en wolof, jusqu’à retenir les phrases suivantes : ²Balma balma sama wadji / khadjalama yonwi / Djeguelma djeguelma sama / wadji khadjalama yonwi² » (PM : 306). Et même s’ils ne parlent pas wolof, les auditeurs semblent saisir au-delà le sens et la signification de ce couplet. Les Colocs réussissent ainsi le pari d’adapter le reggae à leur joual québécois, et encore davantage à la réalité de leur société, tout en convainquant de la légitimité de le faire.

Stéphane Venne, dans son ouvrage Le frisson des chansons que nous avons cité à maintes reprises précédemment, s’arrête un long moment sur « Tassez-vous de d’là » parce que cette « chanson tragique » est pour lui un « chef d’œuvre » qui « éclaire la réalité » et qui « nous garde allumé »353. C’est peut-être de cette façon qu’elle porte encore la trace de l’engagement des Colocs, dans son souci d’être vraie et, par la musique, par le reggae, de faire voir. En implosant, elle reproduit en effet l’effondrement d’une société qui, comme le personnage de « La maladresse », semble « ronger son frein en solitaire », en silence. Inversement, « l’univers de ²Tassez-vous de

351 « Fortin, le mélodiste comme l’interprète, demeure au milieu de sa voix. Il ne hurle pas. Ce sont les idées

qui hurlent ». Stéphane Venne, op. cit., p. 164. Il souligne.

352 Ibid., p. 163. Il souligne. 353 Ibid., p. 158.

d’lಠrepose sur une seule idée, l’idée maîtresse de notre temps : Au secours !354 ». Ce cri se veut un exemple pour tous ceux qui vivent la solitude ou qui en sont coupables, pour que les uns trouvent la « voix immense » afin de briser leur isolement et les autres la force d’affronter l’horreur, le désespoir. Cet appel à l’aide que lancent Les Colocs est également intimé par leur propre sentiment d’inadéquation sociale et par leur lucidité isolante devant l’avenir. C’est ce qui fait de « Tassez- vous de d’là » « l’hymne au désenchantement terminal, l’hymne de ceux qui déchantent, qui