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MOTS-CLÉS : PERMACULTURE, INSERTION, HANDICAP, FRANCE, DÉCLOISONNEMENT

S

elon le ministère du Travail, en 2015 en France, on comptait environ 2,7 millions de personnes de 15 à 64 ans déclarant bénéficier de la reconnaissance admi- nistrative d’un handicap ou d’une perte d’autonomie. Contrairement à une idée reçue, 80 % des personnes concernées ont un handi- cap invisible, les personnes en fauteuil roulant ne représentant que 2 % des cas.

Aujourd’hui, il faut repenser notre société pour plus d’inclusion. Inclure, c’est respecter les per- sonnes handicapées et donner sa juste place1 à

leur famille. C’est aussi respecter chaque citoyen dans sa spécificité. Comment permettre l’accep- tation et la prise en compte des compétences et faiblesses de chacun dans notre société indivi- dualiste visant la performance ?

CONTEXTE

Selon une étude Ipsos (2010), 67 % des Français par- tagent les mêmes a priori négatifs sur le handicap mental, qui se traduisent par l’exclusion des per- sonnes concernées, exclusion qui constitue un frein à la pleine inclusion de ces celles-ci dans la société.

Depuis 2016, l’association Œuvre des Papillons Blancs de Salon-de-Provence et la Chrysalide d’Arles ont décidé de se regrouper pour créer l’as- sociation Agapei 13 nord-ouest (« nord-ouest »

1. Souvent les familles des personnes handicapées s’investissent beaucoup au quotidien, quitte à y consacrer toutes leurs jour- nées et à ne pas travailler. La juste place serait celle qu’a une famille ordinaire. Ni trop investie, ni trop désinvestie dans le quotidien des enfants, frères ou sœurs, etc.

pour sa situation géographique dans le départe- ment). Elles sont toutes deux spécialisées dans l’action sociale, plus spécifiquement dans l’ac- tion militante et familiale pour des personnes en situation de handicap mental.

Agapei 13 possède neuf établissements entre les régions salonaise et arlésienne, parmi les- quels : deux foyers de vie, un institut médico- éducatif (IME), un établissement et service d’aide par le travail (ESAT), une entreprise adaptée, un foyer d’accueil médicalisé et un foyer résidentiel.

L’association est organisée en quatre pôles des- tinés à fournir un accompagnement aux enfants et adolescents dans leur scolarité, proposer un type de travail adapté à chacun et fournir un hébergement liant soins et accompagnement per- sonnel adaptés.

Par ailleurs, le monde agricole essuie de nom- breuses critiques de la part de la société civile, notamment concernant l’usage de pesticides. De plus, la dynamique d’installation ou de reprise agricole s’est ralentie : on est passé de 21 660 nouveaux arrivants dans la profession d’agricul- teur en 1996 à 14 146 en 2016, selon le syndicat Jeunes Agriculteurs. Le travail de l’agriculteur s’est uniformisé et spécialisé. Enfin, les métiers et profils des agriculteurs changent, et il semble que de plus en plus de personnes sont sensibili- sées aux problématiques sociales en général et veulent agir, avec leurs propres moyens mais de manière plus articulée.

Le projet des « jardins du Mas » illustre cette tendance. Il s’agit d’une initiative entre l’associa- tion Agapei 13, plus spécialement le foyer de vie du Mas Saint Pierre à Arles, et Nathalie Torres,

https://goo.gl/9kg2Tk

JOURNÉE DES INNOVATIONS POUR UNE ALIMENTATION DURABLE 2018

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en situation de reconversion professionnelle pour devenir agricultrice biologique.

Ces deux acteurs ont pour ambition de faire de l’agriculture une activité d’insertion sociale, et du foyer un espace d’apprentissage et de production respectant à la fois les résidents et l’environnement.

LE PROJET

Le projet est né en mai 2017, à l’issu d’une réunion entre Isabelle Viardot – directrice du foyer de vie du Mas Saint Pierre (Arles, Bouche du Rhône) – et Nathalie Torres. Cette rencontre a permis d’initier un projet d’implantation d’une ferme au sein du foyer. L’idée est de prêter à Nathalie Torres un terrain dont le foyer est propriétaire, afin qu’elle puisse développer une activité agricole de maraî- chage biologique en permaculture. En possession d’un master en environnement et forte d’une expérience en tant que chargée du développe- ment durable au sein d’une coopérative agricole, cette dernière a décidé de changer de carrière et voit en la permaculture une bonne opportunité.

La permaculture

La permaculture (permanent agriculture) est une méthode de conception formalisée dans les années 1970 par Bill Mollison et David Holmgren en Australie sur les bases d’un modèle d’agricul- ture japonaise. Elle vise à s’inspirer de la nature pour développer des systèmes agricoles en syner- gie, basés sur la diversité des cultures, leur rési- lience et leur productivité naturelle. Dès les années 1980, le terme s’est étendu à une approche systé- mique qui va bien au-delà du domaine agricole.

Désormais synonyme de « permanent culture » au sens large, la permaculture désigne une éthique et une méthode globale visant à la conception de systèmes intégrés dans une stratégie de déve- loppement durable, au sein de laquelle l’activité humaine doit tenir compte des écosystèmes natu- rels et s’exercer en harmonie et en interconnexion avec eux, dans un souci constant d’efficacité, de soutenabilité et de résilience (E-RSE.net, 2018).

Synergie

En donnant à Nathalie Torres un accès à la terre (possédée par la Chrysalide) à moindre coût, l’as- sociation Agapei 13 met en place une nouvelle activité inclusive et porteuse de sens, destinée aux

résidents du foyer et encadrée par leurs accompa- gnateurs, en partenariat avec Nathalie Torres.

Ainsi, deux jardins ont été mis en place en par- tenariat [Figure 1] :

→ Un jardin d’apprentissage de 500 m2 : depuis

près d’un an, ce jardin accueille quotidiennement les résidents et le personnel accompagnant pour des activités manuelles de semis, jardinage, récolte, etc. et pour un enseignement à la perma- culture. Cette première étape du projet a permis aux résidents et aux encadrants de s’approprier les activités et de s’organiser. À terme, ce jardin a pour vocation d’être utilisé comme espace « test », à la fois pour juger de l’engouement et de la maturité des résidents envers l’activité, et pour tester de nouvelles cultures et/ou per- mettre aux résidents de choisir quelles espèces planter. Un projet de plantation de fleurs aroma- tiques devrait y voir le jour prochainement. → Un jardin maraîcher de 1 ha : cet espace est

« réservé » pour que Nathalie Torres puisse développer son activité. Ce jardin va connaître sa première saison en 2018. Nathalie Torres a conçu cette zone de manière à maximiser la production. Plantes vivaces, arbres fruitiers et légumes de saison vont ainsi cohabiter. Des rotations avec des cultures à cycle court sur des planches per- manentes vont permettre de gagner en volume et de minimiser les interventions sur le sol.

FIGURE 1. LE MAS SAINT PIERRE VU DU CIEL

(Source : capture Google Maps, montage L. Le Gall)

UNE INITIATIVE : DES ENJEUX…

Le caractère innovant de ce projet réside dans le fait qu’il fait intervenir des acteurs différents et répond par conséquent à des intérêts et besoins

divers. Le projet combine à la fois une logique d’espace expérimental pour la production, une logique de jardin partagé entre acteurs plus ou moins professionnels et une logique d’inclu- sion par l’activité. Ceci en se confrontant à plu- sieurs enjeux, selon les acteurs, comme décrit ci-dessous.