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LET’S FOOD CITIES : UN INTERMÉDIAIRE ENTRE COLLECTIVITÉS TERRITORIALES

Dans ce mouvement de grand élan des collecti- vités et de la nécessité d’une transition vers des systèmes alimentaires durables et territoriaux, une initiative a récemment pris pied : Let’s Food Cities. Le projet est né en 2017 en France, où un nombre conséquent de villes ont déjà engagé des réflexions autour de l’alimentation et où des col- lectivités se sont mobilisées pour formaliser ces engagements dans le cadre des projets alimen- taires territoriaux (PAT). Let’s Food Cities est un projet porté par l’association de loi de 1901 Let’s Food, fondée par deux jeunes professionnelles. Il s’agit d’Anna Faucher, experte dans l’accompagne- ment de collectivités françaises à la mise en place de projets alimentaires territoriaux, et Louison

Lançon, ayant un background dans la sensibili- sation et l’accompagnement des gouvernements locaux des pays du Sud dans leur transition vers des systèmes alimentaires territorialisés.

Le projet part de trois constats. Premièrement, l’urbanisation massive et l’intérêt pour une meil- leure alimentation sont au cœur des questions de développement durable. Deuxièmement, l’en- gagement croissant de villes dans le monde pour une alimentation durable peut être renforcé au travers des échanges d’expériences et de bonnes pratiques qui peuvent s’inspirer mutuellement. Troisièmement, il existe un besoin d’internatio- naliser la question auprès des villes françaises signataires du Milan Urban Food Policy Pact (MUFPP)1, en s’appuyant sur les outils de la coo-

pération décentralisée, de laquelle, pour l’instant, la question alimentaire est relativement absente.

Le propos

Le projet veut accompagner des collectivités qui ont déjà montré leur intérêt à travailler sur des questions de systèmes alimentaires, en s’ap- puyant sur la coopération internationale entre les villes. L’outil de l’action extérieure des collectivi- tés territoriales n’est pas considéré par les por- teuses du projet selon son emploi traditionnel, c’est-à-dire que la France « va investir dans le Sud ». Il est plutôt proposé comme un instrument d’échange, au cours duquel les villes qui coo- pèrent apprennent l’une de l’autre (Lançon, 2018). L’initiative s’appuie sur les sept villes françaises signataires du Pacte de Milan : Paris, Nantes, Bordeaux, Montpellier, Marseille, Grenoble et Lyon. Elle vise à encourager et faciliter la coopé- ration internationale sur les thématiques de l’ali- mentation et de l’agriculture entre chacune de ces villes et une de leurs villes partenaires étran- gères. À titre d’exemple, le Grand Lyoncoopère avec Hô-Chi-Minh-Ville (Vietnam) et la Métropole de Bordeaux avec l’État mexicain du Guanajuato. La collectivité partenaire est choisie sur la base de collaborations déjà existantes, sous la forme du jumelage par exemple, ce qui devrait faciliter les interactions. De plus, une analyse préalable a été faite, proposant des villes dans lesquelles il y avait déjà des initiatives en lien avec au moins une des dimensions de la durabilité alimentaire,

garantissant ainsi un intérêt potentiel à travailler sur ces questions.

Concrètement, Let’s Food Cities propose de faire un échange entre les deux villes en identi- fiant, via un diagnostic du système alimentaire local, les principaux défis auxquels elles font face en matière d’alimentation et d’agriculture ainsi que les alternatives et actions innovantes à mettre en place ou valoriser. Ceci contribuerait à une meilleure compréhension du système ali- mentaire de la part des acteurs locaux, leur per- mettant une prise de décision plus réfléchie et adaptée, et apporterait des avantages de diffé- rents types aux deux villes impliquées.

Les collectivités étrangères pourront bénéficier des informations issues de l’étude et de l’échange avec la ville française, pour éventuellement impul- ser une dynamique locale vers la construction de systèmes alimentaires durables. Les collectivi- tés françaises, quant à elles, pourront apprendre des initiatives présentes sur le territoire de la ville partenaire et mieux orienter leurs stratégies d’ac- tion extérieure. La contribution financière deman- dée aux collectivités françaises pour participer au projet est minime et, avant tout, symbolique. Ceci est dû au fait que les porteuses du projet sont conscientes de la difficulté de mobilisation des acteurs publics, l’idée étant de faciliter leur implication et de leur montrer qu’ils ont intérêt à s’impliquer.

Les objectifs affichés par Let’s Food Cities, dont les effets ne sont pas encore mesurables étant donné la jeunesse du projet,sont donc d’une part de favoriser le partage d’expériences, de connais- sances et d’initiatives entre les sept villes fran- çaises signataires du Pacte de Milan et sept villes étrangères et d’autre part d’encourager et accom- pagner les dynamiques naissantes des villes étrangères, avec l’appui des villes françaises.

Le fonctionnement

Let’s Food Cities a tissé deux types de parte- nariats. Un partenariat institutionnel avec le Pacte de Milan, car il s’inscrit dans sa démarche d’échanges d’expériences entre villes à l’inter- national. Des partenariats financiers variés qui incluent la fondation LÉA Nature, la Chaire Unesco Alimentations du monde, les collectivités françaises participantes au projet et le ministère de l’Agriculture et de l’Alimentation (MAA). Pour ce dernier, le financement perçu par Let’s Food Cities est issu d’un appel à projet du Programme national de l’alimentation (PNA) qui, traditionnel- lement focalisé sur des initiatives françaises, a récemment montré un intérêt pour la valorisation des expériences françaises à l’international.

Il s’agit d’un projet pilote qui se déroule sur trois ans, avec des actions spécifiques qui devraient mener à la collaboration entre les partenariats constitués.

FIGURE 2. VILLES IMPLIQUÉES (MAI 2018)

JOURNÉE DES INNOVATIONS POUR UNE ALIMENTATION DURABLE 2018

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La première année, en cours, est consacrée à la réalisation d’un diagnostic des quatorze villes impliquées pour évaluer la durabilité de leurs systèmes alimentaires [Figure 2]. Ce travail pré- voit l’implication d’étudiants volontaires inscrits dans vingt-six universités situées dans les sept villes françaises. Il s’agit d’étudiants de disci- plines variées, telles que les sciences politiques, la géographie, l’urbanisme et l’agronomie, qui contribuent à la conduite d’une étude diagnos- tic du système alimentaire des villes impliquées, françaises d’abord et étrangères par la suite. Le but est de systématiser des informations sur les systèmes alimentaires locaux, sur les initiatives qui pourraient être reprises par les différentes villes, et de commencer à identifier des aires de collaboration possibles entre les deux villes partenaires.

Pendant la deuxième année, les fondatrices de Let’s Food iront à la rencontre des acteurs des villes étrangères. Pour chaque ville, l’idée est de produire des outils permettant aux acteurs locaux de visualiser les freins auxquels ils sont confron- tés et les leviers dont ils disposent et, par consé- quent, de pouvoir éventuellement prendre le contrôle de leur système alimentaire, renforçant ainsi sa durabilité. Il s’agit de réaliser une vidéo illustrant le système alimentaire, pouvant ser- vir comme outil de communication pour la ville. Ensuite, un atelier de construction collective sera mis en place, incluant les étudiants locaux et les acteurs du territoire, afin de partager les résul- tats du diagnostic et d’identifier des pistes d’ac- tion potentielles. Finalement, un évènement grand public sera organisé, afin de faire une res- titution aux deux villes partenaires, de valoriser les initiatives locales et d’éventuellement arriver à l’engagement de la ville pour la signature du Pacte de Milan.

La troisième année prévoit un suivi de la col- laboration entre les villes et une valorisation des résultats atteints. Le but est de diffuser le bilan de l’initiative et les premiers résultats de la coopéra- tion entre villes à travers un cycle de conférences. Un effet domino influençant d’autres collectivi- tés françaises pour l’engagement dans la coopé- ration sur la thématique de l’alimentation durable pourrait se produire. Pour les villes participantes au projet, il s’agirait d’arriver à l’établissement de partenariats plus pérennes, par exemple au tra- vers d’une convention.

L’approche avec les représentants