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Le modèle Novamont, comme indiqué, vise à revi- taliser les territoires dans lesquels l’entreprise s’est implantée. Néanmoins, dans une optique plus générale, on peut se demander si elle par- vient vraiment à être un facteur déclencheur de dynamiques et processus socioéconomiques. L’utilisation de différentes matières premières végétales, la minimisation consécutive des trans- ports, et l’échange d’expériences avec les diffé- rents interlocuteurs locaux sont sûrement des actions positives pour assurer le bon fonction- nement industriel innovant. En même temps, on peut pousser l’entreprise à faire encore plus pour développer un système industriel local perfor- mant, qui a des effets bénéfiques mais surtout qui entraîne d’autres dynamiques encore plus posi- tives dans les territoires concernés. L’engagement de différents acteurs qui ne sont pas exclusive- ment en collaboration mais qui sont aussi ani- més par la compétition et la rivalité permet au système de s’autoalimenter. D’un point de vue théorique, un système de production territoriale performant innove et vit aussi grâce à l’émulation entre les entreprises. Souvent, l’innovation est permise par cette dynamique de compétition qui rend le modèle économique efficace, et dont plu- sieurs personnes peuvent bénéficier. Dans le cas de Novamont, cette compétition avec d’autres entreprises n’est pas présente et des méca- nismes de coopétition2 ne peuvent pas se mettre

en place, alors que cela pourrait être favorable

2. Organiser la « coopétition » au sein d’un secteur consiste à faire travailler des acteurs économiques qui sont à la fois concurrents et collaborateurs. En savoir plus, se reporter aux innovations décryptées dans le chapitre « L’action collective au service de l’innovation ».

pour les territoires sur lesquels Novamont est implanté, même si cela signifierait une perte de parts de marché. En outre, Novamont a un centre de recherche et développement parfois très éloi- gné des sièges de production. Cette concentra- tion de savoir technoscientifique est sans doute importante pour l’avancement des pratiques, ainsi que probablement une forte structure cen- tralisée permet une formulation stratégique com- plexe. Cependant, il faudra être vigilant sur les possibles actions collectives qui auraient pu se mettre en place et comprendre que relocaliser les enjeux de pouvoir permet aussi de redynamiser un territoire et de produire de l’innovation.

CONCLUSION

Les éléments innovants des actions décrites dans cette analyse sont intégrés dans un sys- tème urbain, commercial et humain complexe. Pour s’assurer que toutes les forces aillent de pair, il faut faire attention aux possibles obsta- cles et considérer les pistes d’amélioration. À ce propos, on peut projeter encore plus l’innovation dans le futur. Les actions de collecte et de valori- sation des déchets pourraient avoir un rôle plus important pour montrer l’aspect systémique de l’alimentation et des déchets. Les usines de com- postage pourraient être impliquées activement dans la sensibilisation aux enjeux de l’économie circulaire et dans la structuration de leur marché de vente du compost, destiné principalement aux particuliers jardiniers. Cette commercialisa- tion du compost pourrait s’étendre aux produc- teurs agricoles qui sont présents sur le marché, avec des échanges humains et économiques possiblement fructueux dans les deux sens. En plus, le label du compost (développé par le CIC) peut être utilisé comme critère de choix dans les concours publics et pousser vers une utilisation à plus grande échelle (Campagnol et al., 2017). Les marchés de produits frais ont par ailleurs d’autres potentiels encore peu exploités, notam- ment en termes de renforcement de la restaura- tion de rue (Fages et Bricas, 2017). D’autre part, des projets de cuisine des produits invendus sont envisageables. Des tentatives en ce sens ont déjà été faites lors d’événements particuliers et pour- raient être une piste intéressante à développer pour créer du lien social sur le marché. Cette pratique fait partie de la tradition du marché,

qui a été perdue avec le temps : à la fin du mar- ché, des grands repas étaient organisés et rien n’était gaspillé. Cependant, la création de start- ups qui récupèrent et cuisinent pour vendre des repas préparés est un thème difficile et délicat à traiter. La création d’activités de rente serait mal vue par les commerçants et empêcherait la redistribution des aliments à ceux qui en ont le plus besoin et qui ne pourraient pas accéder aux prix des repas.

Aujourd’hui, différentes politiques locales, qui prennent en considération la dimension ali- mentaire, sont en place, même en absence d’une suprastructure institutionnelle de coordination. Dans ce contexte, il serait intéressant de réflé- chir aux rôles du CAAT et du COMIT (les marchés de gros respectivement de l’agroalimentaire et du poisson), premièrement en tant que vecteurs du développement local et de la requalification en forte connexion avec les marchés urbains et, deuxièmement, en tant qu’éléments de la même économie circulaire, à une échelle supérieure à celle de Porta Palazzo.

Finalement, une réflexion liée à la spatialité du marché est à mener. Un facteur de réussite du projet et de la coexistence des pratiques sur les marchés est basé sur la gestion des espaces com- merciaux et logistiques, afin que ceux-ci soient fonctionnels vis-à-vis des activités. La place de la République, où s’installe le marché, a été réamé- nagée lors des Olympiades hivernales du 2006. Le marché couvert et l’espace pour les bancs ont été élargis et cela a permis un passage plus facile des camions pour la récolte des déchets et le nettoyage.

En conclusion, j’aimerais reprendre une cita- tion faite par Catia Bastioli, administratrice délé- guée de Novamont, de Bartold Brecht, qui dans

La Vie de Galilée dit « quand les hommes de science [...] se contentent d’amasser le savoir pour le savoir, la science peut s’en trouver muti- lée, et [les] nouvelles machines pourraient ne signifier que des tourments nouveaux. Vous découvrirez peut-être avec le temps tout ce que l’on peut découvrir, et votre progrès cependant ne sera qu’une progression, qui vous éloignera de l’humanité ». L’homme, l’économie et l’écolo-

gie doivent être capables de mettre en place une reconnexion qui est l’antidote contre la pauvreté croissante alimentant les populismes et mettant en danger nos démocraties (Bastioli, 2017).

JOURNÉE DES INNOVATIONS POUR UNE ALIMENTATION DURABLE 2018

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Cette étude s’est basée sur les entretiens suivants, dont les contenus sont venus enrichir l’analyse : AIMARO C., président de l’Agence de collecte des déchets de Turin, AMIAT, entretien le 08/03/2018 à Turin.

BOTTIGLIERI M., experte en politiques alimentaires et dirigeante publique, Comune di Torino, entretien téléphonique le 14/03/2018.

CAMPAGNOL J., secrétaire technique, Consorzio Italiano Compostatori, entretien téléphonique le 07/03/2018.

CIAFARDONI M., membre de l’association Eco dalle Città, entretien le 06/03/2018 à Turin.

DI BELLA E., dirigeante publique de la

Città metropolitana di Torino, entretien le 05/03/2018 à Turin.

HUTTER P., président de l’association Eco dalle Città et journaliste, entretien le 07/03/2018 à Turin.

MAMBRETTI S., Market developer et Waste

Management, Novamont Italia, entretien le 15/02/2018 par Skype.

SILLAH O., membre de l’association Eco dalle Città, entretien le 06/03/2018 à Turin.

Remerciements

L’ensemble des personnes interviewées

pour la disponibilité et le temps qu’ils m’ont accordés, pour leur sourire et ouverture.