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ESTELLE JACQ, LUCAS LE GALL, ANDREA LIMIROLI A ujourd’hui, en France et dans le

monde, de nombreuses personnes vivent toujours dans une situation de grande précarité, à la fois sociale et économique. En 2015 en France métropolitaine, 8 % de la population se situait en-dessous du seuil de pauvreté monétaire fixé à 50 % du revenu médian, soit 705 € mensuels pour une personne seule, et 14,2 % en-dessous du seuil de pauvreté monétaire fixé à 60 % du revenu médian, soit 1 015 € mensuels (Insee, 2017). Cette situation, qui concerne un nombre important de personnes partout dans le monde, est bien loin de se résumer à une question économique, de plus en plus de personnes étant « socialement exclues ».

L’exclusion a de multiples corollaires : mal- logement, dégradation des conditions d’accès aux soins, ou encore refus bancaire. Le terme d’exclu- sion sociale désigne d’après l’organisation interna- tionale du travail « un état de pauvreté qui empêche

les individus d’accéder aux conditions de vie qui leur permettraient à la fois de satisfaire leurs besoins essentiels (nourriture, éducation, santé, etc.) et de participer au développement de la société dans laquelle ils vivent » (Smelser et Baltes, 2001).

Certaines catégories sont plus vulnérables et se retrouvent plus fréquemment concernées par l’exclusion sociale, les facteurs favorisant celles-ci étant notamment : le sexe (femmes, mères céli- bataires), l’âge (jeunes d’une part, seniors d’autre part), la présence d’un handicap, la catégo- rie socioéconomique, ou encore la localisation géographique.

Face à ces constats, une société plus inclusive, c’est-à-dire qui « s’adapte aux différences de la

personne, va au-devant de ses besoins afin de lui donner toutes les chances de réussite dans la vie » (Hadège, 2011) semble nécessaire.

L’insertion des personnes en situation d’exclu- sion peut être favorisée et encouragée par une variété de mesures et de dispositifs, comme l’in- sertion par l’activité économique (chantiers et entreprises d’insertion), l’accompagnement des personnes en situation de handicap vers le retour à l’emploi (ESAT ou entreprises adaptées), ou encore l’accompagnement vers des formations professionnalisantes. Quelle que soit la forme prise par ces dispositifs, la construction du pro- jet de vie à travers le travail apparaît être le grand intégrateur : le projet Food2rue en France et le programme AFOP au Cameroun décryptés dans ce chapitre en sont l’illustration. En voici quelques mots :

→ Food2Rue est une association parisienne qui a souhaité permettre à des femmes éloignées de l’emploi de se réinsérer professionnelle- ment et socialement, grâce à un dispositif d’insertion adapté à leurs contraintes. Avec un chantier d’insertion et une coopérative d’ac- tivité et d’emploi sur le secteur de la cuisine de rue, Food2rue œuvre pour que les femmes deviennent actrices de leur réinsertion. → AFOP est un programme camerounais de for-

mation-insertion pour les jeunes dans l’agri- culture : son approche co-construite engage les acteurs territoriaux et le gouvernement à mettre en place un dispositif durable, apte à installer des jeunes producteurs capables d’agir dans la réalité complexe de la gestion quoti- dienne de leur activité agricole. Le jeune exploi- tant augmente l’attractivité du métier agricole, de par son inclusion sociale au sein du territoire. Par ailleurs, l’insertion ne se traduit pas uni- quement par l’emploi : certains individus sont dans l’incapacité d’occuper un emploi classique. L’insertion prend alors une autre forme, en per-

JOURNÉE DES INNOVATIONS POUR UNE ALIMENTATION DURABLE 2018

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mettant de rendre visible une catégorie de per- sonnes vis-à-vis du reste de la population par le biais de son activité, comme l’illustre le pro- jet « les jardins du Mas », présenté dans ce cha- pitre. Celui-ci est un projet d’implantation d’une exploitation maraîchère biologique au sein d’un foyer de vie de personnes en situation de han- dicap mental, mis en place par l’association Agapei 13. Il a pour buts de développer une acti- vité remobilisante pour les résidents, de per- mettre à une jeune maraîchère de s’installer plus facilement, en bénéficiant d’un débouché stable, et d’approvisionner la cantine de l’établissement.

Tous ces projets s’inscrivent dans le domaine de l’alimentation. Les filières agroalimentaires et le système alimentaire dans son ensemble repré- sentent un enjeu important pour l’insertion et l’inclusion de personnes caractérisées par diffé- rentes formes de vulnérabilité. En effet, les filières agroalimentaires, par leur poids économique, représentent un gisement d’emplois très impor- tant. Avec sept cent vingt mille emplois en France, les filières agricoles et alimentaires, et principale- ment leur secteur industriel, représentent le deu- xième employeur national (Fondation Daniel et Nina Carasso, 2017). De plus, par leur structure atomisée et leur maillage très serré sur l’ensemble du territoire, les acteurs économiques agricoles et alimentaires constituent des leviers perti- nents pour répondre à des problématiques éco- nomiques locales. Même constat au Cameroun, où les métiers agricoles, même si pour la plu- part informels et vulnérables à cause de revenus faibles et du manque de services d’appui, contri- buent de façon significative à l’économie nationale et à l’état de sécurité alimentaire du pays.

Le secteur de l’alimentation durable est d’au- tant plus porteur qu’il correspond à une demande sociétale émergente. Son essor présente de mul- tiples opportunités d’emploi ou de création d’ac- tivité, à tous les niveaux du système alimentaire, aussi bien en milieu urbain que rural. Ainsi, le

Réseau Cocagne relie depuis plus de vingt ans insertion par l’emploi et agriculture durable. Pauline Chatin a rejoint ce réseau avec la créa- tion des Vignes de Cocagne, première exploita- tion viticole biologique à but d’insertion. Invitée à introduire la thématique de l’insertion lors de la Jipad 2018, elle évoque des leviers qui restent selon elle à mieux activer : des politiques permet- tant de renforcer le potentiel des filières agricoles en matière d’insertion, des solutions qui puissent inclure une plus grande diversité de citoyens en situation d’exclusion, par exemple les personnes handicapées, des formes d’insertion qui génèrent un impact positif en terme d’inclusion dans un territoire obtenu grâce à la réinsertion. Les trois innovations présentées dans ce chapitre inter- rogent également ces leviers et les défis auxquels ils répondent.

BIBLIOGRAPHIE

FONDATION DANIEL ET NINA CARASSO, 2017.

Appel à projets 2017 – Axe « Alimentation durable ». L’alimentation durable, un levier contre la précarité.

Disponible sur Internet : www.sante-brest.net/IMG/ pdf/presentation_aap_fondation_daniel_et_nina_ carasso.pdf

HADÈGE G., 2011. Société inclusive : un « projet »

politique universel. Le Monde.

INSTITUT NATIONAL DE LA STATISTIQUE ET DES ÉTUDES ÉCONOMIQUES, 2017. Les niveaux de vie en

2015. Disponible sur Internet : https://www.insee.fr/fr/

statistiques/3055008

SMELSER N. J., BALTES P. B. (Eds), 2001. International

Encyclopaedia of the Social and Behavioural Sciences.

https://goo.gl/n8q7hN

Vidéo de présentation

situation d’exclusion au travers de