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LIMITES ET FACTEURS DE RÉUSSITE DE LA MUTATION ENGAGÉE PAR LE MIN

Par l’installation d’un carreau bio et local et l’ac- cueil d’entreprises de transformation agroalimen- taire, le MIN cherche à développer des actions pour répondre aux enjeux de durabilité du sys- tème alimentaire local. Dans cette dernière partie nous discuterons de l’efficacité de ces actions.

JOURNÉE DES INNOVATIONS POUR UNE ALIMENTATION DURABLE 2018

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Limites

Les innovations développées par le MIN sont potentiellement de forts vecteurs d’action pour améliorer la durabilité du système alimentaire montpelliérain. En effet, la centralisation de la gestion des flux pourrait permettre des gains énergétiques substantiels sur la distribution. En parallèle, la relocalisation de la transformation participe à un écosystème de production ali- mentaire plus résilient qui rééquilibre le rapport de force entre producteurs et transformateurs. Ces actions ne prennent un véritable sens que si elles fonctionnent sur la base de produits issus eux-mêmes de pratiques respectueuses de l’en- vironnement tout en respectant le bien-être des travailleurs. La direction du MIN travaille en ce sens en valorisant les produits bio et locaux sur le carreau des producteurs ou via le box fermier et en portant une attention particulière aux pro- jets des entreprises qu’elle installe sur le MIN. Cependant, des points de vigilance sont à relever et à prendre en compte pour assurer la pérennité et le développement de ces actions innovantes.

Points de vigilance concernant les facteurs humains

Comme nous l’avons vu, une des principales forces du MIN se trouve dans la présence de nombreux acteurs de la logistique et de la transformation ali- mentaire. Cependant, pour le moment, il n’y a pas de cohésion forte entre eux. Il faudra donc veiller à être inclusif lors de la mise en place des projets. Dans le cas de la réflexion sur le déploiement des outils logistiques, il faudra être vigilant concer- nant l’inclusion des grossistes dans le projet pour qu’ils ne se sentent pas en concurrence déloyale. La distinction entre le MIN et ces derniers réside dans la différence des marchés visés et dans la façon de gérer la marchandise. La mutualisation logistique ciblera les produits locaux et de saison avec des volumes relativement petits, alors que les grossistes visent l’exhaustivité de la gamme sur des volumes importants pour des débou- chés différents. Cependant, les activités de ces deux acteurs seront proches et il est nécessaire d’établir un dialogue en amont pour anticiper des tensions.

Par ailleurs, les moyens humains de la SOMIMON paraissent très limités par rapport à l’ambition de l’entreprise. Nonobstant tous les avantages du travail en partenariat, celui-ci induit une inertie

souvent importante qui demande une énergie de relance forte et régulière.

Points de vigilance concernant les facteurs matériels

Le caractère fini de la surface disponible dans les infrastructures sur le MIN contraint les entre- prises incubées à une taille maximum. Cette limite à leur développement en taille peut être d’autant plus problématique du fait de la proxi- mité des entreprises du pôle de transformation. Cela pourrait renforcer la concurrence entre les entreprises se positionnant sur des activités trop similaires les unes aux autres. La croissance de ces entreprises a été anticipée, mais il faut veiller à ce que leurs décisions stratégiques à venir favo- risent une émulation et des intérêts communs en développant des complémentarités plutôt qu’en générant de la concurrence.

À travers cette stratégie de regroupement des entreprises, le MIN cherche à être un acteur incontournable dans la filière de la transforma- tion régionale. Par essence, l’objectif du MIN est territorial, ce qui n’implique pas forcément que ces objectifs soient durables. Par conséquent, il convient d’être particulièrement vigilant concer- nant le choix des entreprises implantées et notamment sur le choix des produits transfor- més, afin de s’assurer qu’ils répondent bien aux critères de durabilité compatibles avec les exi- gences du MIN.

Points de vigilance concernant les facteurs économiques

Le marché gare mise beaucoup sur la structu- ration de la filière agriculture biologique. La question du succès de cette entreprise se pose cependant, compte tenu de l’importante autono- mie actuelle de cette filière. En effet, le constat est que les producteurs s’arrangent la grande majorité du temps directement avec les acheteurs (particuliers, grossistes, restaurateurs, gérants de commerces, etc.). La venue d’un acteur tiers tel que le MIN pourrait être simplement ignorée, dans le cas où les acteurs ne verraient pas l’inté- rêt de complexifier leurs circuits de distribution en place. Plus grave encore, elle pourrait être un facteur de distorsion de marché, en rendant trop transparentes et accessibles des données sur les prix, vendeurs et acheteurs. Le cours des produits bio pourrait être infléchi à la baisse, ou du moins

laisser envisager aux acteurs la possibilité qu’il le soit. Dès lors, cette initiative du MIN est indisso- ciable d’un important travail de communication pour expliquer les tenants et aboutissants de l’ac- tion, ainsi que les parades à ces effets néfastes prévues.

La définition du « local » que le MIN propose est à expliciter car elle dépend des référentiels. Les approvisionnements se faisant dans un rayon de 200 km, certains acteurs peuvent ne pas considé- rer les produits proposés comme locaux ou y voir de la concurrence déloyale, devant aligner leurs prix sur ceux d’acteurs éloignés.

La viabilité sur le long terme des partenariats montés avec la chambre d’agriculture et les asso- ciations n’est pas acquise. Ces instances souffrent d’une fragilité financière et d’une vision politique à trop court terme, du fait de la tendance à la baisse drastique des subventions aux associations, mais aussi du possible changement de politique avec les élections à la chambre d’agriculture. En effet, un changement de stratégie à la chambre pour- rait se traduire par le retrait de cette dernière du projet. Ce faisant, les projets initiés en commun pourraient être fortement impactés.

Enfin, une autre limite a trait à la volonté poli- tique externe. Si la politique volontariste de la Métropole s’arrête, la Métropole pourrait tarder à renouveler le bail de concession du MIN à la SOMIMON. Bien que cela puisse ne pas avoir de conséquences sur le budget de fonctionnement du MIN, cela pourrait limiter la capacité de la SOMIMON à négocier des emprunts destinés à l’investissement.