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Des objectifs communs

Ces deux associations proposent des innovations organisationnelles qui ont pour objectif de facili- ter les échanges entre agriculteurs, afin de trou- ver des solutions adaptées à leurs besoins, de valoriser leurs pratiques et de les aider à se sen- tir moins isolés. Ainsi, les deux exemples per- mettent aux maraîchers ou aux porteurs de projet de se rattacher à un groupe d’échanges à grande échelle. Ceci est notamment permis par l’outil informatique, qui apparaît essentiel à la réussite des deux initiatives. Cet outil améliore la visibilité et l’accessibilité et facilite la transmission d’infor- mations et les échanges entre pairs.

Deux approches différentes…

Tout d’abord, le fonctionnement des deux organi- sations est très différent. Dans le cas du collec- tif MSV, il s’agit d’une association gérée par des bénévoles qui porte un projet de mise en réseau et de libre diffusion de l’information sur le sol vivant. Quant à Solagro, il s’agit d’une entre- prise associative ayant une trentaine d’employés et travaillant sur divers projets, dont celui de la plateforme Osaé.

Leurs contenus varient également. L’association MSV traite uniquement de maraîchage, sur de petites surfaces et sans travail du sol, alors que la plateforme Osaé souhaite développer une approche plus étendue de l’agroécologie, incluant

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différents systèmes de production, de différentes tailles, en AB ou non.

La gestion du réseau est différente dans les deux cas. Le réseau MSV est essentielle- ment formé de professionnels, et les membres – tous directement concernés par l’agroécolo- gie – peuvent se rencontrer régulièrement. Au sein d’Osaé, les agriculteurs présentés sont des témoins qui ne sont pas forcément en contact les uns avec les autres, puisque leur objectif premier est de diffuser leurs connaissances à un public qui va visionner les vidéos. Ils peuvent néanmoins être contactés.

… mais complémentaires

L’exemple de Pierre Besse, maraîcher à la fois membre de l’association MSV et témoin sur la plateforme Osaé, montre que ces deux inno- vations peuvent se compléter. Les agriculteurs internautes ont accès à des données très détail- lées sur le système agroécologique de sa ferme à travers Osaé. Pour des échanges sur le terrain et obtenir des conseils plus précis ou expérimenter avec d’autres, ce sont les services proposés par l’association MSV qui lui conviennent mieux.

Dans le cadre du projet Cap Vert8, les complé-

mentarités des formes de coopération entre agri- culteurs et leurs liens avec la transition agro- écologique ont été étudiés. Il en ressort que la multi-appartenance à des groupes, collectifs et réseaux est un moteur d’action pour les agricul- teurs (Cap Vert, 2017). Osaé est, selon Philippe Pointereau, un outil informatique qui permet d’avoir des informations détaillées en un seul clic, mais qui ne remplace pas les échanges entre agriculteurs et les expérimentations en commun, comme cela se fait au sein du réseau MSV.

Enfin, ces dispositifs de valorisation en ligne peuvent attirer l’attention des politiques régio- nales ou nationales. Il s’agit d’un levier majeur pour la transition agroécologique, comme le montre le rapport d’IPES-Food en 2016.

Discussion

Comme explicité lors de la discussion sur l’avenir de l’association MSV, des réseaux comme celui-ci peuvent parfois créer un phénomène d’exclusion.

8. Le projet Cap Vert est lauréat de l’appel à projets « Innovation et partenariat » 2013 du Casdar, il est porté en par la FNCuma, le réseau CIVAM, Trame, le Gaec Champ & Sociétés et le Gabnor.

Par exemple, un maraîcher avec des pratiques conventionnelles (travail du sol ou utilisation d’in- trants de synthèse), mais néanmoins intéressé par une évolution vers le non-travail du sol, peut ne pas se sentir inclus dans le réseau. Dans ce cas, un réseau formel, avec un cadre précis, peut devenir un frein à la diffusion de telles pratiques. Cependant, la création d’un cadre permet aussi de se retrouver autour de problématiques com- munes, de créer des liens de confiance et d’avan- cer plus vite. Ainsi, la multiplicité des réseaux, couplée à des plateformes de connaissance plus ouvertes comme Osaé, est nécessaire à la diffu- sion de l’agroécologie.

Cette multiplicité doit cependant être organi- sée. En effet, pour accélérer la transition agro- écologique, il semble essentiel de croiser diverses sources de connaissances. L’objectif est que l’en- semble du monde agricole puisse utiliser de nou- velles connaissances. Or, dans un réseau spécia- lisé comme le collectif MSV, les liens avec d’autres initiatives agroécologiques sont parfois difficiles à faire. Il apparaît aussi nécessaire de créer des liens avec la recherche, comme le font les réseaux DEPHY ou REVA9, qui travaillent avec des outils

standardisés et validés scientifiquement par la pratique et la recherche (D’Oiron, 2018 ; Sieffert, 2018). Néanmoins, certains agriculteurs peuvent ne pas se retrouver dans ce type de réseaux jugés parfois trop scientifiques et se sentent plus à l’aise dans des collectifs avec un ancrage local important, comme l’association MSV ou la plate- forme Osaé (Sieffert, 2018). Toutes ces initiatives sont donc complémentaires.

La recherche participative a aussi un rôle essen- tiel à jouer. Des UMR et bureaux de conseil se sont engagés dans des approches de recherche- action en faisant participer les agriculteurs en tant qu’entrepreneurs innovants (Béral, 2018 ; Peres, 2018). Ce type de projets permet des échanges complémentaires. Ces liens avec la recherche pourraient ainsi permettre de développer des outils de mesure indispensables pour évaluer la durabilité du système alimentaire lié à des pra- tiques agroécologiques et argumenter en faveur de la transition agroécologique (IPES-Food, 2016).

9. Réseau d’expérimentation et de veille à l’innovation agricole, mis en place par l’Observatoire français des sols vivants.

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BÉRAL C., R&D Agroof et gestion du projet

Arbratatouille, entretien téléphonique le 29/11/2017. BESSE P., maraîcher, membre de MSV et témoin sur la plateforme Osaé, entretien le 03/03/2018 à Lagardelle sur Lez.

COUSINIÉ P., animateur du réseau Agronomie- Ecophyto et membre du comité de pilotage d’Osaé, entretien le 10/02/2018 à Montpellier.

D’OIRON E., créatrice de l’Observatoire français des sols vivants et exploitante agricole, entretien téléphonique le 11/01/2018.

MULET F., créateur du réseau MSV et de l’entreprise Ver de Terre Production et ancien maraîcher, entretien téléphonique le 12/01/2018.

PERES J., directrice du FRCIVAM LR, entretien téléphonique le 24/01/2018.

POINTEREAU P., directeur du pôle agro-

environnemental de Solagro, entretien téléphonique, le 13/02/2018.

SCHREIBER K., chef de projet à l’Institut de l’agriculture durable, entretien téléphonique le 16/01/2018. SIEFFERT A., biologiste, ancien maraîcher et formateur spécialisé en agroforesterie, entretien téléphonique le 17/01/2018.

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Cette étude s’est également basée sur les entretiens suivants, dont les contenus sont venus enrichir l’analyse :

CAMPANA B., trésorier de l’association MSV et producteur de plantes à parfum, entretien téléphonique le 11/01/2018.

CRANCE J., maraîcher et membre du réseau MSV, entretien le 20/02/2018 à Prades le Lez. DOMENECH G., créateur de l’association MSV et formateur sur la fertilité des sols, entretien téléphonique le 10/01/2018.

HÉBERT C., créatrice de l’association MSV et gérante de la société Gaïa Consulting, entretien téléphonique le 29/11/2017.

LEVAVASSEUR V., membre du conseil d’administration de l’association MSV et créateur de l’association MSV Normandie, entretien téléphonique le 23/01/2018. MEYER F., animateur du réseau MSV Grand-Est et maraîcher, entretien téléphonique le 15/12/2017.

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