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Inactivation des micro-organismes

IV. B.1. Lois de la stérilisation

Prenons l’exemple d’un pourcentage d’objets non stériles de 0.01% ; d’après ce tableau, si l’on réalise des tests de stérilité sur 10 000 objets, la probabilité de trouver un objet non stérile ne sera que de 63 %. Cette faible probabilité permet de concevoir les limites théoriques de l’essai de stérilité, auxquelles viennent s’ajouter des limites pratiques, comme la contamination accidentelle et le coût des essais.

IV.B.1. Lois de la stérilisation

Suivant, en cela, l’histoire de la science de la stérilisation, les lois gouvernant la destruction des micro-organismes sont généralement étudiées en choisissant comme exemple le procédé de stérilisation par l’eau, que cette eau soit utilisée en phase vapeur, ce qui est le cas de toutes les applications hospitalières, ou qu’elle soit dans certaines applications industrielles, utilisée en phase liquide. Dans ce dernier cas, c’est l’eau de la solution qui joue

stérilisation (oxydation, alkylation, irradiation…) car ceux-ci font tous appel à des réactions chimiques ou physiques du premier ordre.

A l’état végétatif, les micro-organismes, selon les espèces, se reproduisent entre –5°C et +80°C : au-delà de 80°C, ils sont rapidement détruits, mis à part les bactéries de type archeobacteriaceae, dont certaines d’entre elles, vivant dans un milieu très particulier, sont exceptionnellement thermorésistantes. La destruction des spores par l’eau nécessite l’emploi de températures plus élevées.

La stérilisation par la vapeur d’eau a fait l’objet d’études expérimentales à partir de 1920. Les lois gouvernant la stérilisation peuvent être comprises sans qu’il soit besoin de faire appel à des équations algébriques.

IV.B.1.a. Première loi de la stérilisation

Lorsque l’on utilise l’eau pour stériliser, on a constaté qu’à température constante, la contamination initiale était à peu près divisée par dix, chaque fois que l’opération était prolongée d’un temps de durée constante, appelée temps de réduction décimale et symbolisé par la lettre D. Ceci constitue la première loi.

Supposons qu’un objet contaminé initialement par un million de micro-organismes soit soumis à la stérilisation en le maintenant à la température de 120°C. Pour simplifier le raisonnement, faisons l’hypothèse que le temps observé pour réduire dix fois la contamination à 120°C, c’est-à-dire l’amener d’un million à cent mille micro-organismes, ait été d’une minute (D120°C = 1 minute). Selon la loi citée ci-dessus, si l’on poursuit le traitement deux minutes, la contamination sera cent fois moindre, après trois minutes, elle sera mille fois moindre et après 6 minutes, elle sera un million de fois moindre : cet objet ne sera plus porteur que d’un seul micro-organisme.

Qu’en est-il après la septième minute ? S’est-on débarrassé à coup sûr du dernier micro-organisme vivant ? En réalité, il y a encore une chance sur dix pour que l’objet soit encore contaminé par ce micro-organisme. Ces considérations probabilistes n’ont aucun sens

physique. Pour aider à la compréhension de la réalité physique, transportons-nous à l’échelle des micro-organismes.

Pour reprendre une comparaison proposée par O. Cerf, directeur de recherche à l’INRA, imaginons que les molécules d’eau sont les projectiles tirés par une mitrailleuse sur un régiment ennemi dont les soldats sont les micro-organismes : « il n’y a pas de différence entre, d’une part, la destruction des micro-organismes par un produit chimique et, d’autre part, la destruction d’un régiment par une mitrailleuse…ce qui caractérise les deux types d’hécatombe, c’est que la proportion de destruction reste constante au cours du temps. » Dans son hypothèse, la durée de chaque rafale est d’une minute ; au début les rangs sont serrés, puis s’éclaircissent et le nombre de survivants diminuant, les chances de les atteindre décroissent corrélativement. Quand il ne reste plus qu’un survivant, la rafale suivante peut le manquer, elle lui laisse une chance sur dix, la suivante une chance sur cent ; la mitrailleuse aura beau tirer indéfiniment, on ne sera jamais absolument sûr d’avoir tué le dernier survivant.

Il en va de même de la stérilité.

Lorsque le nombre de chances de survie n’est plus que d’une sur un million, c’est-à-dire, après la douzième minute, la Pharmacopée européenne et la norme européenne EN556 permettent de qualifier stérile l’état de cet objet.

Si l’adjectif stérile définit en théorie un objet qui ne porte aucun micro-organisme capable de se multiplier, dans la pratique, la stérilisation n’est pas synonyme d’état stérile. La qualification stérile correspond en fait à un très haut niveau de qualité que l’on ne peut apprécier quantitativement par une vérification expérimentale effectuée a posteriori sur le produit fini.

Pour mieux comprendre l’impossibilité de la vérification expérimentale de la stérilité, examinons un lot d’objets au lieu de raisonner sur un seul objet. Prenons un lot d’un million d’ampoules accepté stérile par le pharmacien. La définition de la stérilité autorise que parmi le million d’ampoules, l’une d’elle puisse contenir un micro-organisme. Or il est impossible de vérifier ce postulat expérimentalement, et ce, à deux titres :

- expérimentalement, même en travaillant dans les meilleures conditions et avec le plus grand soin, le biologiste contaminera lui-même, par ses manipulations, en

moyenne un test sur deux mille. Il y a donc cinq cents fois plus de chance que le test soit positif à cause des manipulations (faux positifs).

- pratiquement, la loi de statistique mathématique de Poisson veut que, si l’on prélève au hasard un échantillon d’un certain nombre d’ampoules pour analyse, pour être absolument sûr que l’échantillon prélevé contient l’ampoule recherchée, il faudrait accroître la taille de l’échantillon jusqu’à un million, c’est-à-dire examiner la totalité du million d’ampoules, ce qui théoriquement n’est pas impossible mais pratiquement, sans intérêt car on détruirait la totalité du lot d’ampoules.

Si l’on ne peut pas prouver ce niveau de qualité, on peut néanmoins contrôler les moyens successifs utilisés par l’opérateur au cours de chaque étape de fabrication de l’objet stérile.

IV.B.1.b. Deuxième loi de la stérilisation

La première loi gouvernant le processus de stérilisation nous instruit sur la décroissance dans le temps de la contamination à température constante. Si au lieu de fixer la température à 120°C, on effectuait le traitement à 130°C, durant quelle durée faudrait-t-il maintenir cette température pour obtenir le même niveau de stérilité ? En fait chaque fois que l’on accroît la température d’un même nombre de degrés, symbolisé par la lettre z, la stérilisation est dix fois plus rapide.

Les spores contaminant les objets sont de nature très diverse. Chaque spore est définie par les valeurs DT de réduction décimale et de z qui lui sont propres.

Pour être sûr d’obtenir, pour toutes les espèces de spores, un degré suffisant de décontamination, il suffit d’imposer des conditions assurant la destruction de micro-organisme dont les spores sont les plus résistantes, c’est-à-dire celles qui possèdent les valeurs les plus élevées de DT et de z.

Les micro-organismes dont les spores sont les plus résistantes à l’action de l’eau sont le Bacillus subtilis et le Bacillus stearothermophilus ; cette dernière est par exemple caractérisée par une valeur de D à 120°C voisine de 2 minutes et une valeur z voisine de 9.5°C. Ces valeurs signifient qu’à 120°C, chaque fois que l’on allonge le temps de traitement de deux

de traitement est augmentée de 9.5°C, ce temps de réduction décimale est dix fois plus court (deuxième loi).

A chaque température correspond un taux de destruction appelé taux de létalité (L) qui représente son efficacité relative à cette température. Par exemple, si l’efficacité relative est de 1 à 120°C, elle est de 4 à 126°C, 10 à 129.5°C et 100 à 139°C.

Ainsi, des temps de stérilisation qui ont été réputés équivalents, tels que 15 minutes à 121°C, 10 minutes à 126°C, 3 minutes à 134°C, ne le sont pas. En le calculant selon la loi, ce sont 4.7 minutes à 126°C, 0.8 minute à 134°C qui sont équivalents à 15 minutes à 121°C.

Tous les cycles de stérilisation à la vapeur d’eau comportent au moins trois phases thermiques consécutives : le chauffage, le plateau de stérilisation et le refroidissement. Pour évaluer l’efficacité d’un cycle complet et connaître sa valeur stérilisatrice, symbolisée par la lettre F, il faut connaître la somme de tous les effets stérilisants qui se cumulent pendant la durée du cycle. Chaque partie du cycle est ramenée à son efficacité relative, symbolisée par la lettre L, à une même température, dite de référence. Ainsi, pendant longtemps les industriels américains de la conserve ont choisi comme température de référence 250°F, c’est-à-dire 121.1°C. La valeur stérilisatrice du cycle sera l’intégration des contributions de chaque intervalle évaluées selon son efficacité relative à 121.1°C.

Figure IV.4. : Variation du taux de létalité au cours d’un cycle thermique

Néanmoins, pour fixer les paramètres (temps et température) corrects, on fera une hypothèse simplificatrice en négligeant les effets stérilisants accumulés pendant la phase de chauffage et

0 5 10 15 20 25 30

0,5 1,0 1,5 2,0 2,5

Refroidissement Plateau de stérilisation

Chauffage

Taux de létalité - efficacité relative à 120°C

Temps (minute)

de refroidissement. Des études en milieu hospitalier ont montré que la phase de chauffage et celle de refroidissement ne représentaient que 15% de la valeur stérilisatrice totale.