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2.2. Les présupposés théoriques de l’étude

2.2.1. Linguistique et enseignement-apprentissage

La linguistique est l'étude scientifique du langage appréhendé à travers la diversité des langues. Nous situant dans le cadre restreint de la linguistique des langues, nous

conviendrons avec Builles (1998) que l’objet de la linguistique, c’est «la description des diverses langues qui sont accessibles à l’observateur, d’une part pour mieux connaître chacune d’entre elles, d’autre part pour dégager les enseignements de portée générale qui déboucheront sur des théories et sur des applications » (p. 90).

D’ailleurs, en observant de près l’enseignement d’une langue, nous ne pouvons qu’admettre que «les différentes étapes de la description linguistique au niveau de la première articulation ont leur importance pour le pédagogue et doivent donc figurer dans une grammaire d’enseignement » (Gunig, 1974, p. 215). Mais la linguistique n’est plus la seule discipline qui ait quelque chose à dire sur le langage :

la psychologie, la philosophie, l’informatique, l’intelligence artificielle, les neurosciences, etc. ont toutes développé des hypothèses et des théories sur le langage, qu’elles aient trait à l’apprentissage, à l’acquisition, à la signification, à la référence, au traitement de la parole, au dialogue homme-machine, à la traduction automatique ou encore à la communication pathologique. La situation de monopole dont jouissait la linguistique il y a trente ans relativement à ces différentes problématiques a maintenant disparu. Cela explique que l’on parle plus volontiers actuellement de sciences du langage que de linguistique (Moeschler et Auchlin, 2000, p. 6).

Effectivement, la linguistique mue continuellement et ne cesse d’intégrer des éléments qu’elle excluait de son objet, toute chose reposant le problème même de sa globalité. Aussi, l’interdisciplinarité apparait-elle de nos jours « comme un facteur essentiel du renouvellement de l’étude du Langage » (Cissé, 2007, p.128).

De facto, quoique science à part entière distincte des autres disciplines qui s’occupent du langage, la linguistique ne peut ignorer « ces disciplines voisines qui s’offrent à la compléter, voire à synthétiser ses résultats ou à leur fournir un cadre explicatif » (Normand, 1999, p. 449).

Désormais, nous sommes loin d’établir les frontières entre les disciplines, notamment comme celle faite entre le linguiste et le pédagogue en ces termes :

le chimiste peut, certes, accumuler des informations scientifiques sur l’eau, il n’en tirera rien qui puisse faire avancer plus vite le nageur ; et lorsque le linguiste conseille le pédagogue à partir de ce qu’il observe de la double articulation, sa remarque est aussi déplacée que celle du physicien qui interrompt les explications du maître nageur pour affirmer que l’eau bout à 100 degrés (Smith, 1980, p. 15).

Nous convenons plutôt que l’interaction avec la linguistique présente des avantages pour le pédagogue dans le cadre de l’enseignement de la langue. En effet :

la pédagogie des langues doit se fonder sur l’analyse linguistique, parce que la structure linguistique conditionne l’ordre d’apprentissage, non seulement en ce que certains éléments sont plus fréquents que d’autres, mais surtout parce que la relation linguistique de dépendance des unités les unes à l’égard des autres que constitue, sur le plan des unités signifiantes, la syntaxe conditionne la progression pédagogique» (François, 1974, p. 41).

D’ailleurs, «le cloisonnement des disciplines telles que la psychologie, linguistique, sciences de l’éducation, sociologie, etc., ou la sectorisation de la recherche et de la formation des enseignants sont souvent dénoncés en premier lieu par les intéressés eux- mêmes » (Martinez, 2002, p. 37). Du reste, comme le souligne Martinez, « l’objet à enseigner est bien la langue, et comme c’est l’objet même de la description linguistique, le didacticien a tout à gagner à ce travail conduit à côté du sien» (Martinez, op. cit, p. 24).

Tout comme Martinez insiste sur l’importance du linguiste pour le didacticien, d’autres insisteront sur « l’importance et même l’urgence d’ouvrir la linguistique des langues aux perspectives cognitives et, réciproquement, de mieux faire entendre sur le terrain de la cognition le point de vue et les problématiques de la linguistique » (Fuchs et Robert, 1997, p. 19).

Dans tous les cas, l’enseignement de la langue en milieu scolaire exige une connaissance scientifique de celle-ci et «il va de soi qu’une bonne description de la langue comme système, sous l’angle de ses composantes (phonétique, morphologique, lexique, syntaxe, sémantique), ne peut qu’aider le didacticien» (Martinez, 2002, p. 24-25).

Du reste, il s’établit que linguistes, didacticiens, pédagogues, informaticiens… ont quelque part des activités convergentes concourant toutes à la facilitation de l’enseignement et de l’apprentissage des langues, et c’est à juste titre, que nous convenons avec Fuchs (2011) que « la linguistique se situe à un véritable carrefour, à la croisée de plusieurs autres disciplines scientifiques, elles aussi confrontées au langage (…) Elle donne lieu à de nombreuses applications, notamment dans le domaine des industries de la langue, du traitement automatique des langues, de l'enseignement des langues ».

D’ailleurs, il n’est que anachronique de vouloir ignorer la porosité des frontières entre les différentes composantes de la linguistique : celles des internalistes qui décrivent la langue comme un code, et celles des sociolinguistes qui essaient de décrire la communication linguistique dans son contexte social (Calvet, 2004). Nous pensons que la linguistique est un tout qui ne saurait, à l’heure des grandes synergies du 21e siècle opérées par les Technologies de l’information et de la communication, être opposée à ses différentes composantes. Si son domaine de prédilection était la langue, désormais la linguistique ne saurait être que la science qui prendrait en compte l’homme dans ses multiples rapports avec le monde, à travers le langage. C’est pourquoi, de notre point de vue, sociolinguiste, psycholinguiste, neurolinguistique, linguiste des langues, sont tous linguistes et il n y a ni linguistique molle, ni linguistique des traits d’union, pour reprendre les termes de Calvet (1987).

Autrement, tout comme la phonologie ou la tonologie sont de la linguistique, l’aménagement linguistique ou la didactique des langues, sont également de la linguistique : la différence pourrait résider en ce que les premières relèvent de la

linguistique descriptive, et les secondes de la linguistique appliquée. C’est même à juste titre que Calvet affirme qu’il lui paraît impossible « de distinguer la sociolinguistique urbaine de la sociolinguistique et la sociolinguistique de la linguistique » (1996, p. 192).