• Aucun résultat trouvé

1.1. Contexte de l’étude

1.1.2. Les langues africaines transfrontalières et leur impact sur l’éducation

1.1.2.2. L’impact de l’enseignement dans les langues africaines au niveau des

L’enseignement dans une langue, dès les premiers jours de l’école, à des enfants pour qui la langue d’enseignement est une langue étrangère, pose problème. En effet, on semble ignorer que la langue est le facteur le plus important dans l’efficacité de l’éducation dont le point focal est l’apprentissage (Stroud, 2002) et que l’élève apprend mieux lorsqu'il comprend ce qui lui est appris.

Or, il est un fait que beaucoup d'élèves africains ne comprennent pas ce que dit leur maître (Brock-Utne, 2005). C’est dire que l’élève ne peut être mis dans de bonnes conditions d’apprentissage dans une langue qui lui est entièrement étrangère. Il est même

démontré par de multiples innovations pédagogiques que l’enseignement dans les langues africaines, langues de communication quotidienne des apprenants, donne des résultats excellents.

Par exemple au Burkina Faso, pays où les langues africaines sont également langues d’enseignement à l’école primaire, une première évaluation comparative effectuée en 1996 entre les classes de CM1 des écoles bilingues expérimentales et quatre classes de CM1 dans des écoles classiques a montré la supériorité des élèves des écoles bilingues. Les épreuves ont porté sur les matières suivantes : français (dictée et lecture-compréhension), calcul, sciences d’observation, histoire, géographie. Au moment de l’évaluation, les écoles classiques avaient 4 ans et 3 mois de scolarité entièrement en français alors que les deux classes bilingues n’avaient que 2 ans et 3 mois de scolarité bilingue mooré-français (dont 6 mois seulement en français). Les écoles bilingues ont obtenu des taux de réussite de 69% et de 77% comparés à des taux de 43%, 20% et 41% pour les écoles classiques. Par ailleurs les résultats obtenus aux sessions du certificat d’études primaires entre 1998 et 2005, dont les épreuves sont entièrement en français, confirment la supériorité des écoles bilingues, et ceci avec un enseignement de plus courte durée (La lettre de l’ADEA, 2005).

Outre le Burkina Faso, des évaluations menées au Mali confirment que l’impact des langues africaines dans l’enseignement est positif. En effet, les évaluations menées par l’Institut pédagogique national en 1997, 1998 et 1999 ont toutes conclu à la supériorité de la pédagogie convergente sur l’enseignement classique. En outre, les résultats de l’examen d’entrée en 7e année obtenus entre 1994 et 2000 montrent chaque année (à l’exception de 1995) des taux de réussite nettement meilleurs chez les élèves ayant bénéficié d’un enseignement basé sur la pédagogie convergente (La lettre de l’ADEA, opt. cit.).

Les avantages de la pédagogie convergente sur l’enseignement classique se résument aux points suivants : apprentissage rapide de l’élève, facilité d’acquisition des disciplines instrumentales telles que la lecture, l’écriture et le calcul, socialisation facile,

plus grande autonomie, développement de l’esprit de travail d’équipe, participation active des élèves aux travaux de groupe, expression orale facile, liberté d’expression, prise d’initiative, réduction de la déperdition scolaire, facilité d’acquisition des disciplines instrumentales… renforcement des relations famille-école, valorisation de la langue maternelle de l’enfant (La lettre de l’ADEA, 2005).

D’autres études ont également été menées sur l’impact de l’enseignement dans les langues africaines. Au Burundi par exemple, il s’avère qu’avec la kirundisation (ADEA, 2003), une chute des taux de redoublement et d’abandon a été observée notamment dans les quatre premières années où l’apprentissage est en kirundi. Les résultats aux tests de BRIDGES de 1989 ont montré un impact très prononcé de la langue d’enseignement. Les élèves ont obtenu des résultats nettement supérieurs dans les tests administrés en kirundi, sauf en calcul où certains concepts sont très difficilement exprimés en kirundi. Même dans ce cas, les élèves non redoublants réussissent mieux le test de calcul administré en kirundi. En outre, l’analyse globale de l’éducation (1997) a débouché sur les mêmes conclusions : (i) au niveau national, le taux moyen de promotion est de 73,2 % et celui de redoublement 24,8 % toutes les classes prises ensemble ; (ii) la structure des résultats en classe amène à une même conclusion pour tous les cantons scolaires ; de la 1re à la 4e, les résultats sont d’un bon niveau : autour de 70 % parce que l’enseignement est fait en langue nationale. Ils deviennent mauvais dès la 5e année avec le changement de la langue d’enseignement où les scores moyens sont à la hauteur de 50 %.

Par ailleurs, les rapports d’évaluations internes opérées par le Bureau d’Éducation Rurale en kirundi, calcul et étude du milieu montrent que les écoliers réussissent très bien dans les quatre premières années où l’enseignement est assuré en Kirundi. De plus une étude faite dans le cadre du Projet Conjoint UNESCO-UNICEF sur le suivi permanent des acquis scolaires et l’évaluation des conditions d’enseignement et d’apprentissage menée à travers 18 provinces du pays a abouti à la conclusion que les résultats sont très bons en langue nationale (75,07%), qu’ils sont bons en vie courante (69 %) enseignée en langue

nationale, qu’ils sont assez bons en mathématiques (52,6 %) enseignés en langue nationale également mais qu’ils sont catastrophiques en français (44,75 %). Elle affirme que l’enseignement en langue nationale contribue largement à l’amélioration de la qualité des apprentissages (ADEA, 2003).

La langue utilisée influe donc sur l'apprentissage et les pratiques pédagogiques. Alidou et Garba (2003) montrent que lorsque les langues d’instruction sont des langues familières, l'interaction et la communication entre enseignants et élèves sont meilleures et contribuent à améliorer nettement les performances globales. Par contre, l’utilisation des langues peu familières oblige à recourir à des méthodes inefficaces et magistrales qui ruinent les efforts des enseignants et ceux des élèves. Les enseignants monopolisent le temps de parole devant des élèves silencieux ou passifs ; des méthodes pédagogiques peu efficaces - répétition collective, rabâchage, apprentissage par cœur, mémorisation, ou interrogation téléguidée - sont utilisées. Cette situation explique largement l’inefficacité des écoles et la médiocrité des résultats scolaires des élèves africains.

En outre, le fait que la langue africaine soit choisie comme langue d’instruction à l’école représente un atout majeur qui règle de facto le problème fondamental auquel est confronté le système formel : enseigner et apprendre dans une langue officielle que ni l’apprenant ni l’enseignant ne maîtrisent. Avec la langue locale comme véhicule d’apprentissage, la progression de l’apprentissage va du familier vers le non familier, du connu vers l’inconnu, respectant ainsi un principe pédagogique fondamental et sensé : les enfants ont la possibilité de participer pleinement à des discussions en classe utilisant une langue qui leur est plus familière plutôt que de se battre dans une langue qu’ils commencent à apprendre (Chilora, 2000).

De plus, l’enseignement dans une langue familière contribue mieux au développement culturel, affectif, cognitif et socio psychologique de l’enfant qu’un

enseignement en langue officielle/étrangère (Akinnaso, 1993 ; Alidou, 1997 ; Bergmann et al, 2002 ; UNESCO, 2003).

Malheureusement, dans la plupart des pays africains, les enseignants sont censés enseigner aux enfants à lire et à écrire dans une langue que les enfants ne connaissent pas bien (Alidou, 1997 ; Brock-Utne, 2003 ; Erny, 1972 ; Heugh, 2000 ; Bamgbose, 1953 ; Bamgbose, 2005 ; Moumouni, 1968 ; Ouane, 1995).

Enfin, plus rien sur le plan pédagogique ne milite à l’encontre de l’utilisation des langues africaines à l’école. D’ailleurs, on se rend de plus en plus compte que l’enseignement dans la langue maternelle aide à développer un enseignement plus efficace de la langue officielle/étrangère en tant que matière enseignée tout en permettant un enseignement plus efficace des sciences et des mathématiques (Prophet et Dow 1994 ; Mwinsheikhe, 2003).

En effet, l’enseignement en langue officielle/étrangère dans les écoles monolingues et les écoles primaires bilingues montre que les élèves des écoles bilingues ont de meilleurs résultats aux examens de fin du cycle primaire. De même, des études sur l’éducation en Afrique (Burkina Faso, Éthiopie, Ghana, Mali, Malawi, Tanzanie, Zambie pour n’en nommer que quelques - uns) montrent que l’utilisation des langues maternelles dans l’enseignement de base si elle est bien appliquée, donne de bons résultats à court terme.

Des expériences démontrent également que l’acquisition et la consolidation des compétences académiques dans la langue que l’enfant maîtrise bien facilitent les autres tâches d’acquisition dans la langue seconde et un meilleur succès des apprentissages (FPP ANLCI, 2005).

Toutefois, nous sommes loin de penser que tout doit être focalisé au niveau de la langue de communication quotidienne pour une réussite scolaire. D’ailleurs les évaluations ont permis de constater que :

le fait pour l’enfant d’apprendre dans sa langue maternelle lui donnait certes, plus de facilité d’acquérir des connaissances, mais cela ne suffisait pas pour garantir les compétences optimum que l’on assigne à l’utilisation des langues nationales dans l’enseignement. Pour exploiter au maximum les avantages liés à l’utilisation des langues nationales dans l’enseignement, il fallait également que la méthode d’enseignement soit efficace et que le matériel didactique soit adapté (Traoré, 2001, p. 5).

1.1.2.3. L’impact de l’alphabétisation dans les langues africaines au niveau des