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ENTREPRISES EN DROIT OHADA

Section 2. L’attractivité économique des structures favorisant le partenariat d’entreprise

A. Le groupement d’intérêt économique, outil efficace de regroupement des entreprises OHADA

2. Les limites à l’attractivité du GIE en droit OHADA

En droit OHADA, la création d’un GIE est une nouvelle opportunité offerte aux entreprises de mettre en commun leurs ressources matérielles, financières pour développer leurs activités économiques. Cependant, depuis son insertion au sein de la législation OHADA, il fait l’objet de nombreuses critiques conduisant à s’interroger sur son attractivité. En effet, l’objectif de cette structure est souvent compromis, car les membres disposent d’une grande liberté dans sa mise en œuvre. Cette trop grande liberté est souvent contraignante, elle n’a de limites que dans quelques règles obligatoires destinées à la protection des tiers : il s’agira de l’inopposabilité aux tiers des clauses limitatives des pouvoirs de l’administrateur ou des administrateurs et de la responsabilité indéfinie et solidaire des membres par rapport aux

460 Ibid.

461 Selon les informations dévoilées par le GUFE au tribunal d’Abomey-Calavi au Bénin le 21 avril 2015, deux

107 dettes du GIE462. En réalité, cette responsabilité indéfinie et solidaire des membres relative aux dettes réduit fortement l’attractivité du GIE.

- Limites liées à la responsabilité indéfinie et solidaire des membres du GIE

Cette responsabilité indéfinie et solidaire est à l’origine de plusieurs difficultés. Par exemple, lorsque la personne morale membre du GIE est une entreprise publique, elle ne peut pas être considérée comme tenue à l’obligation solidaire et indéfinie par rapport aux dettes de ce dernier463. La diversité des statuts des membres du GIE porte atteinte à l’obligation indéfinie et solidaire.

L’impact de la responsabilité définie et solidaire dans le GIE ne doit pas être négligé, il est nécessaire de mesurer l’impact des conventions sur l’attractivité du GIE. L’article 873 de l’AUSC prévoit que les membres du GIE sont indéfiniment et solidairement responsables des dettes sociales, sauf convention contraire. Une telle disposition peut heurter la volonté des entreprises à se regrouper en GIE. L’expression convention contraire est sujette à discussion, elle s’apprécie de différente manière, mais dans ce contexte il s’agit d’une convention tendant à faire disparaitre l’obligation indéfinie et solidaire au paiement des dettes.

Le GIE est une structure qui comporte de nombreux atouts, il serait dommage qu’elle perde sa crédibilité auprès des entreprises. L’usage de convention offrant des privilèges aux nouveaux membres et excluant la solidarité aux dettes par des accords avec les tiers contractants est une limite à l’attractivité du GIE. Le GIE fait partie des structures qui ont beaucoup suscité l’engouement des entreprises. En effet, dans ses écrits, le professeur KEBA MBAYE indique que le droit OHADA « est un outil juridique imaginé et réalisé par l’Afrique pour servir l’intégration économique et la croissance »464.

Le droit OHADA a été conçu pour être attractif, l’attractivité de ce droit est une des plus grandes préoccupations des Etats africains. Les praticiens du droit se fondent toujours sur la volonté suscitée auprès des Etats membres, tel le Nigéria et le Ghana465. L’usage de ces conventions a suscité beaucoup d’interrogations. En effet, on se pose la question à savoir si

462 Eric DEWEDI, « Réflexion critique sur l’attractivité du groupement d’intérêt économique (GIE) en droit de

l’organisation pour l’harmonisation du droit des affaires en Afrique », Les cahiers de droits, vol.57 n°1, mars 2016, p.131.

463 Ibid p.158.

464 Code Vert OHADA.

465 Paul-Gérard POUGOUE, Yvette- Rachel KALIEU ELONGO, Introduction critique à l’OHADA, Yaoundé,

108 « La grande liberté dont disposent les membres du GIE quant à son organisation et à son fonctionnement ne menace pas l’intérêt des créanciers du GIE ? L’obligation indéfinie et solidaire des membres du GIE par rapport à ses dettes est-elle effectivement une mesure de protection des créanciers ? Pourquoi a-t-on prévu des aménagements à cette obligation ?»466. L’intérêt de toutes ces interrogations est de montrer l’importance du GIE auprès des opérateurs économiques. En effet, il résulte d’une enquête sur le terrain avec certains opérateurs économiques, que parmi les plus solvables, membres d’un GIE467, il existe une crainte chez eux d’être les seuls à répondre auprès des créanciers du passif social, pour eux, il est alors meilleur de procéder à la création d’une nouvelle société à responsabilité limitée qui va entrainer de lourdes charges.

L’attractivité du GIE varie en fonction du statut de ces membres, le droit OHADA a voulu faire du GIE une structure attractive pour les Etats membres et les créanciers. Les accords conclus entre les membres ou avec les tiers peuvent, selon les cas diminuer ou augmenter cette attractivité468. La volonté du législateur OHADA, se trouve très fortement compromise, mais l’attractivité demeure par le choix de conventions particulières. En dehors des difficultés causées par cette responsabilité indéfinie et solidaire, il existe des limites dans les actes de gestion des administrateurs du GIE.

- Limites relatives aux actes de gestion des administrateurs du GIE

Les dettes qui résultent des engagements du GIE sont souvent inquiétantes, il résulte de l’article 879 de l’AUSC, qu’un administrateur n’engage le GIE que dans ses rapports avec les tiers pour les actes qui font partie de l’objet social. En effet, en ce qui concerne la possibilité pour les administrateurs du GIE d’engager ce dernier pour les actes accomplis en dehors de l’objet social, aucun pouvoir ne leur a été conféré469. L’objet est le seul critère par lequel le GIE peut être financièrement engagé. Afin de renforcer l’attractivité du GIE à l’égard des créanciers, il est nécessaire que les actes de l’administrateur ou des administrateurs soient en mesure d’engager le GIE lorsque les actes ne relèvent de l’objet social470.

466 Eric DEWEDI, op. cit. p.140.

467 Entretiens effectués à Cotonou au Bénin.

468 Eric DEWEDI, op. cit. p.141.

469 Ibid, p.151.

109 Comme le souligne la doctrine, l’objet perd peu à peu sa valeur471, les juges devraient procéder à l’interprétation de l’article 879 de l’AUSC dans un sens favorable à l’engagement du GIE possédant un engagement pour les actes des administrateurs, y compris ceux qui se situent à l’extérieur de l’objet social472.

Cette mesure permettrait de faciliter, le renforcement de la règle de l’inopposabilité des clauses limitatives des pouvoirs aux tiers473. L’interdiction des actes de gestion externe doit être revue afin d’améliorer l’attractivité du groupement d’intérêt économique. En effet, la responsabilité des membres du GIE étant indéfinie et solidaire dans le cadre du GIE, il est inacceptable que les actes de gestion externe soient interdits.

Cela nécessite de la part de ces derniers un plus grand engagement, comme c’est le cas pour les associés de la SNC474. En effet, lorsqu’un membre qui n’est pas administrateur ne peut engager financièrement le GIE, il aura des difficultés pour s’engager à titre personnel pour le fonctionnement du GIE.

La solution à cette difficulté se trouverait dans le fait que le droit OHADA répute l’administrateur membre du GIE, comme pour les SNC, quitte à laisser aux membres du GIE l’option de décider différemment au niveau des statuts475.

A défaut de prendre une telle mesure par analogie avec les sociétés en commandite, il faudrait distinguer les membres commerçants et les membres non commerçants du GIE, sauf si les statuts prévoient le contraire.

En ce qui concerne les membres non commerçants du GIE, les actes de gestion externes peuvent être interdits476. Dans cette hypothèse, les créanciers traitant avec un membre commerçant du GIE traiteraient avec un administrateur chargé de la gestion du GIE. Cette solution représente, à plusieurs égards, beaucoup plus d’attractivité pour le créancier, car elle élargit le nombre de personnes membres du GIE dont les actes sont assurés par cette responsabilité indéfinie et solidaire de tous les membres.

471 George RIPERT, R. ROBLOT., op. cit. p.78.

472 Eric DEWEDI, op. cit. p.152.

473 Ceci n’exclut pas les administrateurs qui répondent des fautes qui peuvent leur être reprochées.

474 Eric DEWEDI, op. cit. p.153.

475 Ibid.

110 L’unique but d’un groupement d’intérêt économique est d’améliorer l’activité des membres par la réunion des moyens nécessaires. Toutefois, on a constaté que le rassemblement de ces moyens pour le développement des activités des membres peut avoir un impact négatif sur l’attractivité de cette structure.

- Les limites liées à la crédibilité du GIE

La mise en commun des moyens peut procurer aux membres des bénéfices de manière indirecte. Dans cette hypothèse, elle peut faire perdre à la structure, les valeurs qui la fondent et la caractérise, car le GIE est destiné à améliorer les capacités de développement et non faire des bénéfices. Dans cette approche, le bénéfice ne désigne plus simplement « tout gain pécuniaire ou gain matériel qui s’ajouterait à la fortune des associés » au sens de la jurisprudence de la cour de cassation française en 1914, mais aussi toute réduction de charges477.

Heureusement en termes d’adaptabilité, les difficultés pratiques sont faibles, le GIE est une structure adaptée au droit OHADA mis à part quelques problèmes fiscaux, et l’impossibilité de donner naissance à une entreprise. Une des plus grandes difficultés se trouve dans la transformation du GIE en SA, l’opération est quasiment impossible. Comme le disait le professeur Yves GUYON, « Cette règle 478 est regrettable, car l’opportunité de la transformation est évidente lorsque les membres du GIE, satisfaits de leur collaboration limitée à une mise en commun de leurs moyens, souhaitent intégrer plus complètement leurs entreprises, c’est à- dire réaliser en commun des bénéfices. Les membres du GIE sont donc comme des fiancés, à qui la loi interdirait de se marier ».

D’autres limites concernent, la crédibilité vis-à-vis de certains tiers, elle est faible, tel est le cas des banques qui constituent les principaux investisseurs des GIE. A cela s’ajoute l’incapacité du GIE de revêtir une forme unipersonnelle479. Les limites du GIE sont nombreuses, elles se présentent à plusieurs niveaux et c’est pour cette raison que la doctrine avance que les GIE devraient être annulés si on se réfère de manière stricte à la définition de l’acte uniforme. Par exemple, il fréquent dans certains pays de l’OHADA que l’on soit

477 François ANOUKAHA, op. cit. p.66.

478 Interdiction de transformer le GIE en SA.

111 confronté à des difficultés fiscales, car beaucoup personnes considèrent à tort qu’en adoptant la forme du GIE ils n’ont pas à payer l’impôt480.

Les membres sont également confrontés à l’impossibilité d’émettre de titres négociables, le capital du GIE ne peut être représenté par des titres négociables. Cette impossibilité à tendance à réduire sa crédibilité auprès de certains tiers. La responsabilité illimitée des associés est l’une des principales causes de la faible crédibilité du GIE auprès des tiers. De plus, en raison de non réalisation de bénéfices, elle attire très peu les institutions financières. L’engouement des PME vers le GIE est souvent limité481, car le GIE qui devient une société perd sa personnalité morale, ce qui n’est pas sans conséquence sur sa fiscalité. La principale conséquence est une lourde imposition pour le GIE, car la transmission est assimilée à une cession d’entreprise.

Le législateur OHADA devrait prévoir dans le futur de nouvelles mesures dans le but de réduire ces inconvénients. De plus, il est maintenant possible en droit OHADA pour le GIE d’émettre des obligations et d’être titulaire d’un bail commercial. Cette mesure a été prise à l’image de la loi 89-377 du 13 juin 1989 qui a diminué une partie des inconvénients dans le but de favoriser le développement du groupement.

En définitive l’acte uniforme relatif au droit des sociétés commerciales et au GIE a dans ses articles 869 et suivants introduit le GIE, une structure jusque-là ignorée de plusieurs Etats de l’espace OHADA. Le rôle du GIE et sa structuration juridique sont presque les même en France. Le GIE depuis son intégration a connu un énorme succès au sein des Etats membres, il a permis, par la souplesse de son régime juridique et la liberté conférée aux parties, à des sociétés africaines de mieux collaborer, de partager des moyens matériels, humains, financiers et du savoir-faire afin de faire face à la concurrence sur les marchés africains ou internationaux.

480 Les bénéfices réalisés par les membres du groupement doivent être intégrés dans leurs revenus globaux et passibles soit de l’impôt général sur le revenu, soit de l’impôt sur les sociétés pour les personnes qui y sont assujetties.

481 Il existe des contradictions entre les dispositions de l’art 4 de l’AUSGIE qui traite du partage de bénéfice et de profit de l’économie réalisée.

112 Le droit uniforme des affaires issu de l’OHADA est en constant développement482, le 15 octobre 2010 l’OHADA s’est enrichie d’un nouvel instrument juridique de coopération au côté du GIE, il s’agit de l’acte uniforme OHADA relatif au droit des sociétés coopératives. Le droit OHADA des sociétés coopératives du 15 octobre 2010 est susceptible à long ou moyen terme, de connaître des réformes en vue de son amélioration483. Cette forme de société constitue un modèle social démocratique de regroupement des activités économiques.

B. La société coopérative un modèle social démocratique de regroupement des

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