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Les limites des connaissances actuelles sur les pratiques d’enseignement de la

2. LA RECENSION DES ÉCRITS

2.2 Les limites des connaissances actuelles sur les pratiques d’enseignement de la

Le fait que peu d’études concernent l’enseignement grammatical s’explique en partie par l’aspect nouveau de la recherche sur le pôle enseignant en didactique de la grammaire.

Parmi les trois pôles du triangle didactique, celui des apprenants (leurs représentations, leurs modes d’apprentissage, leurs productions langagières, leurs difficultés, leurs intérêts, etc.) et celui des savoirs (leur délimitation, leur statut, leur articulation, leur progression, etc.) ont fait l’objet d’investigations plus nombreuses que le pôle des enseignants et continuent à être dans la mire des chercheurs. (Simard, Dufays, Dolz et Garcia-Debanc, 2010, p. 371)

Le pôle enseignant constitue une dimension de la recherche en plein essor (Ibid.), car les didacticiennes et didacticiens se sont récemment aperçus que « l’enseignant [était] le grand oublié de la recherche, à la fois pièce maitresse de la relation didactique et maillon faible de notre connaissance » (Brissaud, 2007, p. 229). Plusieurs chercheuses et chercheurs font état de la préoccupation récente du milieu de la recherche pour le métalangage utilisé et les activités menées en classe de français (Dolz et Simard, 2009). De plus, ils considèrent qu’il est important de documenter les pratiques d’enseignement non seulement pour mieux comprendre les réussites et les échecs des élèves, mais aussi pour apporter une contribution bénéfique aux connaissances, au milieu scolaire et à la formation initiale et continue à l’enseignement.

De telles recherches sont utiles d’un triple point de vue. D’un point de vue scientifique, elles permettent de rendre compte de la manière dont s’enseigne véritablement la discipline. D’un point de vue institutionnel, elles peuvent aider à mieux comprendre comment et par où changent les pratiques d’enseignement et comment les innovations se diffusent dans le système éducatif. Du point de vue de la formation initiale ou continue des enseignants, elles peuvent contribuer à déterminer des axes stratégiques pour le travail en formation. (Garcia-Debanc, 2007, p. 43)

Plusieurs raisons justifient l’intérêt de faire des recherches sur le pôle enseignant. D’abord, dans le cas de l’enseignement de la grammaire, il est intéressant de vérifier si les recommandations ministérielles qui prescrivent l’enseignement de la grammaire rénovée sont respectées et, si ce n’est pas le cas, dans quelle mesure elles ne le sont pas. Ensuite, il est important de comprendre les réticences des enseignantes et des enseignants devant un tel changement. Ainsi, il serait possible de dresser un portrait plus fiable de leurs besoins de développement professionnel à cet égard, afin

d’améliorer la formation initiale, s’il y a lieu, ainsi que la formation continue. Finalement, d’autres recherches devraient continuer à mieux cerner le problème complexe des lacunes des élèves en grammaire, afin d’en cibler les possibles causes et de proposer des solutions.

Après la recension des recherches disponibles sur le sujet en date d’avril 2017, des zones d’ombre subsistent dans la connaissance des pratiques d’enseignement de la grammaire au secondaire. Les résultats proviennent de peu de recherches différentes, dont une seule est de grande envergure, soit l’enquête par questionnaire ÉLEF. De plus, dans ce cadre, les pratiques mises en œuvre par cinq enseignantes et enseignants ont été mises en relief par l’analyse de séquences vidéos. De même, les recherches empiriques sur les pratiques d’enseignement de la grammaire portent essentiellement sur de petits échantillons, ce qui ne permet pas de généraliser à l’ensemble du personnel enseignant. Par ailleurs, il est à noter que les moyens privilégiés de cueillette des données sont les questionnaires, les entrevues et les observations de séquences d’enseignement.

Les spécialistes abordent fréquemment l’enseignement de la grammaire dans leurs recherches par l’enseignement de la subordonnée relative. Cette façon de faire n’a trait qu’à une partie des apprentissages grammaticaux mis en place par l’enseignante ou l’enseignant et ne permet pas de dresser un portrait global de ses pratiques qui sont multidimensionnelles (Vinatier et Pastré, 2007). Il ressort de l’analyse des recherches québécoises et européennes que les enseignantes et les enseignants de français connaissent et emploient certaines méthodes relevant de la grammaire rénovée, mais ne semblent pas respecter la perspective de réflexion et d’analyse de la langue. Les écrits recensés permettent également de soulever le fait que certaines méthodes semblent connues par le personnel enseignant québécois et européen comme les manipulations syntaxiques et les groupes syntaxiques et leurs fonctions, mais que d’autres sont peu présentes comme l’enseignement de la grammaire du texte ou l’utilisation de la démarche inductive. Toutefois, nous ne disposons pas de suffisamment de connaissances pour en expliquer les raisons. La

divergence entre ce que les enseignantes et les enseignants disent connaitre et enseigner et ce que les chercheuses et chercheurs observent à ce sujet est révélatrice. Bien que la forte majorité des enseignantes et des enseignants interrogés lors de l’enquête ÉLEF affirment connaitre et enseigner la grammaire rénovée, il semble qu’ils n’en privilégient pas toujours les méthodes. Dans les résultats des recherches disponibles, nous ne disposons pas d’informations suffisantes pour comprendre ce qui motive ce choix. En effet, ces recherches ne touchent pas au sens que les enseignantes et les enseignants donnent à leurs pratiques. Il n’est pas possible de savoir si ces pratiques d’enseignement hybride ont été amenées par de mauvaises expériences d’enseignement de la grammaire rénovée ou si elles sont les résultats de choix didactiques ou pédagogiques. Afin de mieux comprendre les pratiques d’enseignement, il serait important d’accéder au raisonnement des enseignantes et des enseignants.

Avant de poser le problème spécifique de recherche, nous présentons le cadre de référence qui apportera un éclairage à la compréhension de notre problème des pratiques d’enseignement de la grammaire dans le deuxième chapitre.

DEUXIÈME CHAPITRE – LE CADRE DE RÉFÉRENCE

Il est important de préciser qu’il existe plusieurs conceptions de la grammaire. Nous présentons les définitions les plus usitées de la grammaire non seulement afin d’éviter de possibles confusions entre ses différentes significations, mais également pour dégager la compréhension qui est privilégiée dans la présente recherche.

La grammaire peut être définie selon une conception provenant de la linguistique, lorsqu’elle sert à désigner la construction de règles ayant pour but de « rendre compte de la structuration de la langue » (Lord, 2012, p. 46), d’envisager celle-ci d’une manière descriptive et d’en comprendre les mécanismes sous-jacents. Dans ce cas, « la grammaire est un ensemble d’hypothèses formulées pour décrire et expliquer le fonctionnement d’une langue » (Nadeau et Fisher, 2006, p. 4). La grammaire peut aussi signifier l’encadrement du « bon usage » : les prescriptions permettant de bien écrire et de bien parler (Lord, 2012). Également, « la grammaire fait référence à une activité scolaire, à une matière d'enseignement » (Ibid., p. 46), soit la transposition didactique du concept de grammaire pour faire apprendre celle-ci aux élèves. Ce sens de la grammaire, qui est la définition généralement admise dans le monde de l’éducation au Québec, concerne à la fois les contenus d’enseignement, la didactique de la grammaire et l’étude d’un français normé ou standard. En règle générale, tous les aspects liés à la maitrise d’une langue sont inclus dans l’enseignement de la grammaire.

Pour les enseignants, la grammaire se confond avec l'enseignement de la langue et comprend l'apprentissage de la morphologie9, l'appropriation des règles syntaxiques avec leurs implications sur l'orthographe, l'acquisition d'une métalangue, le travail sur le vocabulaire, et les moyens pour y arriver : exercices d'analyse et d'étiquetage, manipulations syntaxiques, dictées, etc. (Ibid.)

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Selon le Dictionnaire actuel de l’éducation, la morphologie est la « partie de l’enseignement et de l’apprentissage des langues qui s’intéresse aux mots selon leurs catégories grammaticales, leur relation avec les autres parties du discours et leur formation » (Legendre, 2005, p. 914).

La grammaire correspond à la fois à des règles, à des savoirs à propos de la langue et à ce qui a trait à son enseignement (Chartrand et Boivin, 2005; Lord 2012). C’est ainsi que la grammaire comme matière d’enseignement se définit comme l’étude d’un français standard à l’aide de méthodes didactiques spécifiques, en cohérence avec les connaissances de la recherche en didactique et en linguistique. Par ailleurs, il faut mentionner que le mot grammaire peut s’employer dans l’expression « faire de la grammaire »,

ce qui signifie faire comprendre et apprendre le fonctionnement régulé et normé de la langue par l'étude des descriptions des phénomènes grammaticaux relevant de la syntaxe, de l'orthographe, de la ponctuation, du lexique et de la cohérence textuelle à l'aide de diverses stratégies d'enseignement (Lord, 2012, p. 48).

Afin de mieux comprendre l’enseignement du français au secondaire, nous décrivons les prescriptions ministérielles concernant l’enseignement du français écrit et plus précisément de la grammaire dans la première section de ce chapitre. Dans la deuxième et la troisième section, nous présentons les conceptions de la grammaire traditionnelle et de la grammaire rénovée en usage dans le monde de l’éducation au Québec, nous indiquons leur définition et les pratiques d’enseignement qui s’y rapportent en recourant aux écrits sur le sujet. Il est à noter que ces publications viennent du Québec et de l’Europe francophone puisque nous nous intéressons à l’enseignement de la grammaire de la langue française. L’analyse des conceptions de la grammaire nous conduit à mettre en relief la conception de la grammaire qui est privilégiée dans la présente recherche. Dans la dernière section de ce chapitre, nous présentons le problème spécifique de recherche et l’objectif de recherche ainsi que la pertinence sociale et scientifique de la recherche.

1. LA COMPÉTENCE RELATIVE AU FRANÇAIS ÉCRIT DANS LE