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4. LA RÉFLEXION SUR L’ENSEIGNEMENT DE LA GRAMMAIRE

4.1 La réflexion des enseignantes et des enseignants sur leur enseignement de la

4.1.1 La réflexion sur la compétence en grammaire

Même s’ils posent un regard critique sur leurs pratiques d’enseignement de la grammaire, la majorité des enseignantes et des enseignants interviewés porte un jugement plutôt positif sur leur compétence en grammaire. Toutefois, l’analyse des transcriptions permet de dégager que sept d’entre eux vivent de l’insécurité par rapport à leur compétence en grammaire, parfois même de la culpabilité lorsqu’ils s’aperçoivent de certaines lacunes.

Plusieurs enseignantes et enseignants n’ont pas l’impression d’être compétents pour enseigner tous les contenus grammaticaux. Ils ont mentionné que leur formation initiale ne les avait pas suffisamment outillés pour enseigner la grammaire et qu’ils se sentent parfois démunis devant certaines difficultés des élèves. Par exemple, Lisa dit ne pas se sentir assez compétente pour défaire les conceptions fausses des élèves :

Je sais que je dois mettre mes élèves en choc cognitif, qu’il faut que je défasse certaines idées qu’ils ont qui sont fausses et je ne me sens pas assez ferrée pour cela. Je n’ai pas encore mis assez d’énergie à les faire réfléchir, ce qu’on me dit de faire [dans les formations continues].

Il est normal que les enseignantes et les enseignants ne soient pas des spécialistes de la grammaire au terme de leur formation initiale, car ils sont avant tout formés à l’enseignement de la matière français dans son ensemble. Toutefois, l’analyse montre que les enseignantes et les enseignants ressentent le besoin de consolider leur compétence en grammaire après leur formation initiale. Par exemple, Sébastien s’est aperçu qu’il n’avait pas suffisamment de repères pour décider de la note à attribuer à la production écrite d’un élève :

Donc, à l’université, on m’en a appris beaucoup sur la grammaire. Sauf que je me demande si c’est utile de savoir tout ça pour enseigner au secondaire. Jamais de la vie! Au contraire, les profs de français sont des spécialistes du français. Mais ce que moi j’aurais trouvé utile, c’est de pouvoir comprendre quelles sont les attentes par rapport aux textes des élèves, par exemple, en 1re secondaire. C’est quoi un élève de 12 ans, il écrit comment? Et comment tu pars de là pour l’amener à être meilleur? Comment décider de la note à mettre à un élève?

De la même manière, ne pas savoir, par exemple, comment expliquer une notion amène les enseignantes et les enseignants à se sentir démunis :

Les élèves ont des questions auxquelles je ne sais pas toujours répondre, je n’ai pas d’autre explication que : « C’est comme ça. » C’est ce que je trouve difficile […] j’ai l’impression que ce n’est basé sur rien. (Céline)

Ils identifient des lacunes dans leurs connaissances en grammaire et mentionnent ressentir de la honte ou de la culpabilité devant ce constat. Alexandre, par exemple, dit s’apercevoir de ses lacunes en grammaire un peu plus chaque année :

En ce qui concerne toute la terminologie, comme la subordonnée relative, les déterminants, les conjonctions, je sais ce que ça représente en gros, mais si je devais identifier les termes précis de la grammaire, je ne crois pas que j’y arriverais de manière exacte. Pour moi, il s’agit d’une lacune.

Mentionnons que ce sentiment d’incompétence est plus fort chez Alexandre que chez les autres enseignantes et enseignants, probablement parce qu’il est issu du milieu de l’adaptation scolaire et n’a pas reçu une formation aussi approfondie en français. Il est intéressant de relever que son expérience d’enseignement du français l’amène à mieux comprendre les contenus qu’il doit enseigner et ainsi à mieux évaluer ses besoins de développement professionnel continu par sa propre réflexion. Il est normal qu’au sortir de l’université, le bagage de connaissances soit limité et que l’apprentissage continue tout au long de la carrière. Par contre, certaines enseignantes et certains enseignants croient qu’ils devraient posséder toutes les connaissances requises pour l’emploi. Cela est illustré par les propos de Léa : elle dit ressentir un sentiment de honte lorsqu’elle apprend de nouvelles choses avec Antidote, car elle a l’impression de manquer de vocabulaire. De plus, elle ne se juge pas toujours assez compétente en syntaxe :

Souvent, ce que je trouve le plus difficile à travailler avec eux, c’est la syntaxe. C’est difficile de travailler la structure de phrases, de leur faire comprendre pourquoi une phrase n’est pas correcte. Donc, lorsqu’ils ont des problèmes en syntaxe, je trouve cela plus difficile, car je me sens moins outillée et moins formée.

Toutefois, lorsqu’ils posent un regard sur eux-mêmes, bien qu’ils identifient des aspects qui sont toujours à améliorer, les enseignantes et les enseignants, sauf un, se

considèrent comme assez compétents pour enseigner la grammaire. Ils disent que leur enseignement de la grammaire porte fruit, même s’il n’est pas parfait. Par exemple, Maryse explique que son changement de niveau d’enseignement lui a donné une belle preuve de sa compétence dans l’enseignement de la grammaire :

Cette année, je m’en rends compte, car j’enseigne en français de cinquième secondaire et j’ai la moitié de mes élèves à qui j’ai enseigné et l’autre moitié à qui je n’ai pas enseigné. Je vois tout de suite la différence. Pour ceux à qui j’ai enseigné, le métalangage est beaucoup plus acquis, ils maitrisent les notions de base, ils peuvent distinguer les classes de mots. Je me dis alors que mon enseignement fonctionne. (Maryse)

En plus de poser un jugement sur leur compétence en grammaire, les enseignantes et les enseignants réfléchissent à leurs pratiques d’enseignement de la grammaire.