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3. LE CADRE DE COLLECTE DES DONNÉES

3.1 L’entrevue semi-dirigée

Le cadre de collecte des données privilégié dans la présente recherche est l’entrevue semi-dirigée. Une entrevue semi-dirigée consiste d’abord, comme les entrevues de tout type, en un « échange verbal contribuant à la production d’un savoir socialement construit » (Savoie-Zajc, 2010, p. 339). La particularité de l’entrevue semi-dirigée est sa souplesse, car la chercheuse ou le chercheur se laisse guider par le rythme et par le contenu de l’échange pour mener son entrevue. Celui-ci discute avec son interlocuteur dans une perspective d’élaboration des connaissances : « Grâce à cette interaction, une compréhension riche du phénomène à l’étude [est] construite conjointement avec l’interviewé. » (Ibid., p. 339)

Plusieurs raisons nous ont poussée à choisir cette façon de procéder à la collecte des données. Tout d’abord, Savoie-Zajc (2010) mentionne qu’il s’agit de la méthode à employer pour traiter de sujets intimes, complexes ou qui obéissent à une trame culturelle sous-jacente ou pour mieux comprendre le sens que les personnes donnent à un phénomène précis. Dans notre cas, les pratiques d’enseignement reposent sur plusieurs éléments comme le jugement professionnel de l’enseignante ou l’enseignant, sa formation, sa culture, ses valeurs, etc. Il s’agit d’un agir complexe, teinté de la culture et des préférences de l’enseignante ou l’enseignant. Ensuite, l’entrevue semi-dirigée a permis de traiter de notre sujet en prenant en compte les diverses dimensions liées aux pratiques et au discours des enseignantes et des enseignants sur leurs choix pédagogiques. Van der Maren (1996) mentionne qu’il s’agit d’une méthode appropriée lorsqu’on s’intéresse aux pratiques d’individus. De plus, nous avons privilégié l’entrevue semi-dirigée plutôt que l’entrevue libre dont « la souplesse nécessaire au respect de la démarche de l’informateur et du climat de l’entrevue exige, le plus souvent, le sacrifice de quelques thèmes qui resteront inabordés, sinon oubliés » (Van der Maren, 1996, p. 314). Avec une entrevue libre, il est préférable de prévoir un deuxième entretien afin de compléter les informations recueillies. Or, nous souhaitions encourager la participation à notre recherche par un faible cout en temps pour nos participantes et nos participants, ce qui nous a poussée à écarter ce type d’entrevue. Finalement, nous avons également privilégié l’entrevue semi-dirigée à l’entrevue structurée, car nous souhaitions laisser une certaine liberté aux participantes et aux participants. L’entrevue structurée, qui « ressemble à une liste de questions » (Van der Maren, 2014, p. 194), ne nous permettait pas de conserver assez de souplesse pour approfondir les thèmes abordés par les participantes et les participants.

Comme notre recherche a une visée descriptive, nous voulions brosser un portrait des pratiques des participantes et des participants interrogés, ce qui inclut les raisons qui justifient leurs choix pédagogiques, leur perception d’eux-mêmes, leur conception de la grammaire. L’entrevue semi-dirigée l’a permis, car son but est « d’obtenir des

informations sur les perceptions, les états affectifs, les jugements, les opinions, les représentations des individus, à partir de leur cadre personnel de référence et par rapport à des situations actuelles » (Van der Maren, 1996, p. 312) en les amenant à « décrire, de façon détaillée et nuancée, [leur] expérience, [leur] savoir, [leur] expertise » (Savoie-Zajc, 2010, p. 342). Par sa flexibilité et son côté plus intime, l’entrevue semi-dirigée nous offrait également la possibilité de clarifier les intentions, les pensées et les sentiments des enseignantes et des enseignants interrogés.

En somme, le choix de l’entrevue semi-dirigée pour la collecte des données nous a donné accès à l’expérience complexe des participantes et des participants lorsqu’ils enseignent la grammaire au secondaire, en leur laissant la parole pour qu’ils puissent raconter comment ils perçoivent cet aspect de leur enseignement. Nous avons ainsi pu dégager, grâce à leur collaboration et à leur témoignage, une compréhension de la manière dont ils développent, organisent et mettent en œuvre leurs pratiques d’enseignement de la grammaire.

Le nombre d’entrevues réalisées a été décidé en fonction du principe de saturation des données. Au départ, nous visions un nombre de sept à dix entrevues, ce qui constitue une moyenne pour les recherches utilisant cette méthode de collecte des données (Ibid.). Le principe de saturation des données implique que la collecte de nouvelles données s’arrête lorsque les données n’apportent plus d’informations nouvelles ou n’enrichissent plus la compréhension du sujet étudié. Nous avons appliqué ce principe pour juger si nous avions suffisamment de données pour l’analyse ou si d’autres entrevues étaient nécessaires. De cette manière, nous avons effectué une première évaluation de la saturation des données à la septième entrevue et avons décidé de compléter les données recueillies avec, si possible, une ou deux autres entrevues. Nous avons alors eu la réponse d’une volontaire supplémentaire, puis nous avons demandé la participation d’un enseignant par la méthode « boule de neige », car notre échantillon ne comptait jusque-là que deux hommes et nous souhaitions obtenir un plus grand nombre de représentants du sexe masculin. Au total, nous avons mené neuf entrevues.

Nous avons employé un guide d’entrevue (voir annexe D) pour « structurer l’entrevue autour des thèmes et des sous-thèmes centraux de [la] recherche; ceux-ci se traduisent en questions » (Ibid., p. 347). Avec le guide d’entrevue, il a été possible de nous assurer de traiter de tous les aspects de notre sujet et de les ordonner afin de faciliter l’expression des enseignantes et des enseignants interrogés. Le guide d’entrevue a été envoyé à l’avance aux participantes et aux participants, afin qu’ils puissent réfléchir aux thèmes de l’entrevue et penser à des exemples concrets tirés de leur enseignement. De cette manière, nous souhaitions qu’ils ne se sentent pas pris au dépourvu durant l’entrevue et qu’ils soient à même de répondre à toutes les questions en donnant des exemples. Ces entrevues d’une durée d’une heure environ ont été enregistrées. Une transcription in extenso a été réalisée et complétée par les notes de la chercheuse prises durant l’entrevue.

Cette méthode de collecte des données comporte certaines limites et certains biais. La première limite concerne la crédibilité des propos des participantes et des participants (Ibid.). Nous n’avons pas vérifié la véracité des propos des personnes qui ont participé aux entrevues, nous avons postulé que leurs pratiques d’enseignement déclarées en enseignement de la grammaire, c’est-à-dire ce qu’elles affirment faire en classe, sont assez semblables à leurs pratiques réelles. Toutefois, nous sommes consciente que ce type de méthode de collecte des données peut également créer un biais de désirabilité, où la participante ou participant veut plaire à son interlocuteur en disant ce qu’elle ou il imagine que l’autre souhaite entendre. Afin de minimiser ce biais, nous avons interrogé les enseignantes et les enseignants sur le sens qu’ils accordent à leurs pratiques d’enseignement de la grammaire, sans préciser si nous favorisions une conception de la grammaire traditionnelle ou rénovée. De cette manière, nous pensons que les enseignantes et les enseignants interrogés n’ont pas cherché à idéaliser leurs pratiques de l’enseignement de la grammaire rénovée et ont offert un portrait juste de leurs pratiques. Une autre limite est reliée à la taille de l’échantillon : nous n’avons pas visé à interroger un grand nombre d’enseignantes et

d’enseignants, mais plutôt la compréhension en profondeur de la réalité vécue par les personnes concernées.