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4. LA STRATÉGIE D’ANALYSE DES DONNÉES

4.2 L’analyse thématique

Une fois toutes les entrevues réalisées et transcrites in extenso, le matériau pour l’analyse comprenait 107 pages à simple interligne. Afin de passer de ces transcriptions à l’organisation d’un arbre thématique, il a été nécessaire de découper les données, de sélectionner les thèmes importants, de les regrouper en catégories conceptualisantes et finalement de trouver la façon de les organiser en arbre thématique.

Nous avons procédé à une analyse thématique des propos recueillis lors des entrevues. L’analyse thématique a été choisie en cohérence avec notre recherche, car elle a une « intention descriptive plutôt qu’interprétative ou explicative » (Paillé et

Mucchielli, 2013, p. 231). Elle offrait la possibilité d’aborder les pratiques d’enseignement de la grammaire en considérant leur aspect multidimensionnel, c’est- à-dire en prenant en compte le plus grand nombre de variables qui peuvent les influencer. Ce type d’analyse nous a permis de commencer à décrire le sens que les enseignantes et les enseignants interrogés donnent à leurs pratiques d’enseignement de la grammaire. L’objectif de cette analyse a été de « mener un travail systématique de synthèse des propos » (Ibid.), c’est-à-dire de « relever tous les thèmes pertinents, en lien avec les objectifs de la recherche » (Ibid., p. 232), puis d’organiser ces thèmes de manière schématique, dans le but de faire ressortir les oppositions et les divergences entre les thèmes ainsi que les « grandes tendances du phénomène à l’étude » (Ibid.). En ce sens, les thèmes relevés dans chaque transcription d’entrevue ont été comparés pour vérifier « s’ils se répètent d’un matériau à l’autre et comment ils se recoupent, rejoignent, contredisent, complémentent... » (Ibid.) Lorsque des thèmes semblables ont été identifiés, ceux-ci ont été regroupés sous une même dénomination tout en identifiant les enseignantes et les enseignants qui ont traité de ce thème.

La démarche d’analyse thématique a débuté par la lecture des transcriptions et l’annotation simultanée de thèmes en marge du texte. « Un thème est un ensemble de mots permettant de cerner ce qui est abordé dans l’extrait du corpus correspondant, tout en fournissant des indications sur la teneur des propos. » (Ibid., p. 242) Paillé et Mucchielli proposent deux démarches d’analyse thématique : la thématisation continue et la thématisation séquenciée. Nous avons retenu la première, car elle permet une plus grande flexibilité, les thèmes s’élaborant de pair avec la lecture des entrevues et non au préalable. La définition de la thématisation continue que donnent les auteurs est la suivante :

Une démarche ininterrompue d’attribution de thèmes et, simultanément, de construction de l’arbre thématique. Ainsi, les thèmes sont identifiés et notés au fur et à mesure de la lecture du texte, puis regroupés et fusionnés au besoin, et finalement hiérarchisés sous la forme de thèmes centraux regroupant des thèmes associés, complémentaires, divergents, etc. Ce qui caractérise la démarche de thématisation continue, c’est que cet arbre est

construit progressivement, tout au long de la recherche, et n’est véritablement parachevé qu’à la toute fin de l’analyse du corpus. (p. 237)

Les thèmes ont été inscrits en marge des extraits correspondants en suivant les propos tenus dans l’entrevue : « Ce sont alors les thèmes eux-mêmes qui rendent compte du passage d’une unité de sens à une autre, car chaque nouveau thème indique qu’un nouveau sujet est soulevé. » (Ibid., p. 241) Une des difficultés de l’analyse thématique est de trouver le bon thème. En ce sens, il faut s’assurer que les thèmes sont élaborés en respectant un niveau d’inférence faible, c’est-à-dire en se rapprochant le plus possible des mots employés par l’interviewé. Un thème doit donner accès aux propos de l’interviewé sans être aussi interprétatif que la catégorie conceptualisante qui vise à dégager un phénomène sous-jacent. En somme, « trouver le bon thème, c’est donc trouver l’information centrale livrée par l’interviewé en réponse à l’interrogation de l’intervieweur. » (Ibid., p. 257)

Nous avons ainsi nommé les thèmes en fonction des propos tenus. Ces thèmes concernent les pratiques d’enseignement de la grammaire mises en place par les enseignantes et les enseignants interviewés et leur expérience en classe, leur conception de la grammaire et de l’apprentissage de la grammaire en classe par leurs élèves. Voici quelques exemples de thèmes portant sur des pratiques déclarées d’enseignement de la grammaire : enseignement à partir de productions authentiques (Lisa); évaluer les notions grammaticales dans les productions écrites (Benjamin); importance d’enseigner les connaissances et les règles en contexte (Léa). L’analyse thématique de la première entrevue a été validée par la directrice et la codirectrice de la recherche. Elles ont vérifié la thématisation pour s’assurer de la cohérence et de la pertinence de la manière de désigner les thèmes. Nous avons poursuivi l’analyse de cette manière.

L’analyse des transcriptions d’entrevues a permis de dégager 620 thèmes abordés par les participantes et les participants. Toutefois, tous les thèmes abordés ne traitaient pas nécessairement de l’objet de la recherche. Il a fallu opérer une sélection parmi les thèmes relevés afin de concentrer l’analyse sur les plus pertinents. Pour ce

faire, nous avons sélectionné les thèmes à retenir en fonction de deux critères : leur pertinence en regard de l’objectif de la recherche et leur importance. D’abord, les thèmes traitant d’autres sujets que ceux touchant de près ou de loin aux pratiques d’enseignement de la grammaire ont été écartés. Il est arrivé que les participantes et les participants s’éloignent du sujet ou qu’ils traitent de choses qui les touchaient, mais sans être en lien avec l’enseignement de la grammaire. Toutefois, ce critère n’a permis de discriminer qu’un petit nombre de thèmes, car les questions du guide d’entrevue avaient déjà dirigé les propos des participantes et des participants. C’est le critère de l’importance qui a surtout permis la sélection des thèmes à conserver pour l’arbre thématique. Afin de déterminer l’importance d’un thème, deux critères ont été considérés. Un thème était considéré comme important s’il était abordé par plusieurs participantes et participants ou s’il était considéré comme important par la participante ou le participant. Par exemple, les thèmes correspondant aux réponses reçues aux questions portant sur l’enseignement idéal de la grammaire et sur les contraintes à cet enseignement idéal ont tous été considérés comme importants. Nous avons également jugé de l’importance accordée à un thème par la participante ou le participant en observant si ce thème revenait fréquemment dans ses propos. Les thèmes centraux des entrevues, même s’ils n’étaient nommés que par une participante ou un participant, ont ainsi été retenus. À la fin de cette sélection, il a été possible de retenir 477 thèmes sur les 620 du départ (voir annexe E).

Ces thèmes ont ensuite été regroupés selon l’information qu’ils contenaient, mais il s’est avéré ardu d’analyser les thèmes ainsi obtenus à cause de leur grand nombre. Une forme d’organisation supplémentaire a été nécessaire afin de traiter un plus petit nombre d’unités de sens, sans toutefois perdre l’essentiel des propos des participantes et des participants. C’est pourquoi le choix a été fait de recourir aux catégories conceptualisantes. Alors, tous les thèmes concernant des sujets semblables, comme les élèves ou les difficultés vécues, ont été rapprochés. C’est le rapprochement des thèmes semblables qui a permis, à force d’observation, de réflexion et d’essais et erreurs, de créer les catégories conceptualisantes.